Des jeux vidéo pour traiter certaines pathologies

Des jeux vidéo pour traiter certaines pathologies
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Par Euronews
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“Chaque jour, je me disais à moi-même : demain c’est décidé, je commence à manger sainement, demain, je commence à prendre soin de moi. Et chaque fois le lendemain, je finissais par abandonner. Cela dure depuis des mois, des années même. Cela n’a pas été sans séquelles pour mon corps : problèmes à l’estomac, modifications de mon sang, ma santé en a vraiment pris un coup.”

“Je suis chauffeur de bus. Et j’ai maintenant de sérieuses difficultés à tourner le volant quand je conduis. Tout a commencé par une douleur le long du cou qui s’est déplacé vers mes épaules. Cette douleur au cou dure depuis trois ans maintenant.”

“Il m’a fallu neuf ans pour réaliser que le problème ne faisait que s’aggraver. Et je ne voyais aucune solution. Les conséquences ont été désastreuses. Problèmes familiaux, par exemple. Je mentais régulièrement, mon amie a perdu confiance en moi. J’ai fini par me recroqueviller sur moi-même. Dans mon monde, il n’y avait que moi et mon problème.”

Hyperphagie, douleurs chroniques, dépendance au jeu. 3 pathologies distinctes, bien difficiles à traiter. Ces trois patients trouveront-ils un moyen d’y remédier grâce à l’exploration virtuelle d’une île ?

Certains scientifiques européens en sont convaincus. Et voici comment des recherches ont abouti au développement d’un jeu vidéo on ne peut plus sérieux, et destiné à traiter des pathologies qui le sont tout autant.

“Quand j’aperçois un panier de fruits, je ne le touche pas : il y a quelque chose dans mon cerveau qui me dit que cela m’est interdit, parce que c’est une alimentation saine. C’est comme si je n’avais pas besoin d’aliments sains. Au lieu de cela, je dévore toutes sortes de choses malsaines. Et comme j’ignore comment je dois me nourrir, je mange n’importe quoi.”

Escale à Barcelone, où un mal très complexe fait l’objets d‘études, l’hyperphagie ou syndrôme d’hyperphagie incontrôlée, qui se manifeste notamment par des crises de boulimie.

Cette patiente teste un jeu vidéo spécialement conçu pour l’aider à identifier ses émotions et reprendre contrôle sur elle.

“Le jeu vidéo se révèle utile en tant qu’outil complémentaire pour permettre à certains patients de contrôler des aspects très spécifiques de leur personnalité, explique Fernando Fernández-Aranda, chercheur à l’hôpital universitaire de Bellvitge à Barcelone. A titre d’exemple, le jeu vidéo peut apprendre à ma patiente à augmenter son seuil de tolérance à la frustration, à se débarrasser de ses impulsivités et améliorer son organisation des tâches quotidiennes et atteindre ainsi les objectifs qu’elle s’est fixés. Elle apprend à contrôler ses réactions, finit par comprendre quelles sont les plus adaptées, et ne se laisse plus envahir par des états d‘âme comme la tristesse ou l’anxiété.”

Certains patients de ce centre de réadaptation souffrent de douleurs chroniques au dos et au cou. Les jeux vidéos les aide à détendre leurs muscles, améliorer leur performance physique et maintenir une certaine discipline dans leur formation.

“Grâce à notre système, nous pouvons déterminer avec précision la position du patient dans l’espace, sa vitesse de déplacement, la distance exacte parcourue par sa tête, la palette de mouvements qu’il effectue, mais aussi le degré de tension de ses muscles. Donc, il y a toutes sortes de données que l’on peut extraire du jeu et utiliser pour notre recherche ou dans le traitement des patients, raconte Stephanie Jansen-Kosterink, du centre de réhabilitation

Roessingh, aux Pays-Bas.”

Le jeu vidéo a été élaboré dans le cadre d’un projet européen de recherche appelé “Playmancer”. Développeurs, psychologues et thérapeutes ont travaillé ensemble pour élaborer des solutions adaptées, aussi bien à la rééducation que pour traiter certains troubles mentaux.

“Ce jeu va bien au-delà de la réalité virtuelle. La réalité virtuelle se contente de reproduire l’environnement, sans proposer de récompense.

Notre but était de motiver les patients pour les aider à mieux connaître leur corps et leur esprit. Les jeux vidéo sont amusants et motivants, nous avons donc pensé qu’ils pouvaient faire office de de thérapies complémentaires pour différentes maladies. Ce jeu vidéo sert de lien entre les patients, et leurs thérapeutes et médecins, explique Elias Kalapanidas, coordinateur du projet.”

Développer des jeux vidéo pour traiter certains troubles psychologiques est devenu un véritable défi.

“Au début, j’ai trouvé ça trouvé bizarre de vouloir traiter ma dépendance aux jeux d’argent avec un jeu vidéo. Mais après quelques séances, j’ai fini par ne plus me poser de questions. Le jeu vidéo m’aider à cerner mon état d’esprit. Il peut par exemple m’aider à réaliser que je suis devenu trop nerveux. Et ça me permet de faire un travail sur mes propres émotions pour tenter de me calmer.”

Et en effet, le jeu vidéo parvient à identifier l’ennui, l’excitation ou l’anxiété chez les patients, tout comme les réponses cognitives qu’ils apportent. Et cela à l’aide de capteurs biosensoriels et de technologies de reconnaissance des émotions. La priorité aura été d‘éviter les effets secondaires indésirables, comme par exemple la dépendance éventuelle aux jeux vidéos.

“Les développeurs ont d’abord proposé un certain nombre d’idées. Et en notre qualité de psychologues, nous avons estimé que celles-ci pouvaient se révéler contre-productives pour les patients. Les développeurs ont notamment proposé une version où les patients peuvent jouer en ligne avec d’autres personnes de différents pays. Or on sait scientifiquement que ces jeux vidéo en ligne peuvent susciter une très forte dépendance chez les plus vulnérables. Nous leur avons donc demandé de réaliser un jeu simple qui permet de jouer seul, raconte Susana Jiménez-Murcia, psychologue à l’hôpital universitaire Bellvitge à Barcelone.”

Le protocole exige que les patients soient toujours sous surveillance médicale quand ils jouent.

Pour les scientifiques, ces jeux se distinguent radicalement de ceux qu’on trouve dans le commerce. Car ceux-ci incluent une reconnaissance de certains mouvements des joueurs.

“Les jeux qui existent dans le commerce permettent aux utilisateurs de tricher avec la machine, notamment pour les déplacements. Parce qu’au fonds vous ne faites que jouer avec une console. Alors qu’ici, on ne peut pas faire semblant de marcher, il faut vraiment marcher. Il y a une autre différence majeure : c’est l’interactivité des mesures qui entrent et sortent de la machine. Cela nous permet de vérifier si le patient marche normalement, et de mesurer sa tension musculaire. Les jeux commerciaux permettent aux informations d’entrer, mais pas de sortir. Le nôtre si, souligne raconte Stephanie Jansen-Kosterink, du centre de réhabilitation Roessingh, aux Pays-Bas.”

Combien de temps faudra-t-il avant que ces jeux vidéo n’en viennent à être prescrits pour le traitement de certains troubles mentaux ou physiques ?

Les scientifiques estiment en tout cas que leurs recherches ont apporté la preuve que ces jeux vidéo pouvaient s’avérer utiles.

Il appartient désormais aux décideurs de faire un choix.

“Les patients tout comme les thérapeutes sont prêts à jouer le jeu. La technologie existante est adaptée. Il s’agit donc vraiment d’un changement organisationnel. Donc, le seul problème à court terme est l’aspect financier, du moins ici aux Pays-Bas. Comment notre système de sécurité sociale remboursera-t-il ce type de traitement ? Tout cela risque de prendre encore un certain temps, ajoute Miriam Vollenbroek, du centre de réhabilitation Roessingh, aux Pays-Bas.”

En attendant, les scientifiques poursuivent leur recherches, pour mettre sur pied de nouvelles applications thérapeutiques.

www.playmancer.eu

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