Paolo Gentiloni : "Il faut adapter les règles budgétaires de l'UE"

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Par Efi KoutsokostaGuillaume Desjardins
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Quel avenir pour les règles budgétaires de l'UE ? Le Commissaire à l'économie Paolo Gentiloni les estime dépassés sur fond de croissance faible tandis que l'Allemagne est appelée à augmenter ses dépenses.

Est-il temps de revoir les règles européennes en matière de fiscalité et de dépenses ? De très nombreux experts, ministres européens des finances et responsables de l'Union européenne estiment qu'elles devraient être réécrites.

Mais qu'en est-il de la situation budgétaire actuelle à travers l'UE ? Si aucun État membre n'a affiché l'an dernier, de "déficit excessif" selon les règles budgétaires européennes, la dette publique reste en tout cas, élevée dans des pays comme la France, la Belgique, l'Italie, l'Espagne et la Grèce où elle approche, voire dépasse les 100% du PIB.

La Commission européenne est chargée de veiller à ce que les dépenses et emprunts publics n'excèdent pas certaines limites. Mais elle ne peut forcer un État à investir plus.

À l'heure où des investissements supplémentaires sont nécessaires pour stimuler la demande intérieure, des pays européens comme l'Allemagne, les Pays-Bas et la Finlande sont sous pression pour qu'ils augmentent leurs dépenses puisqu'ils ont la marge de manœuvre budgétaire pour le faire. C'est comme s'ils avaient de l'argent sur leur compte en banque : ils peuvent accroître leurs dépenses ou réduire les impôts sans nuire à la santé à long terme de leurs finances.

L'Allemagne et son excédent budgétaire

Après dix ans à se concentrer sur la maîtrise des dépenses publiques, il s'agit aujourd'hui d'évaluer dans quelle mesure une austérité trop forte pénalise la croissance, en particulier en Allemagne, l'un des États appelés à investir plus.

En 2019, l'Allemagne a présenté un excédent budgétaire de 1,2%. Ce qui représente 13,5 milliards d'euros de revenus fiscaux qui n'ont pas été dépensés et cet excédent devrait perdurer au moins jusqu'en 2021. Cet excédent a été amassé grâce à une politique fiscale très austère, voire trop austère selon certains.

De nombreuses voix dont le FMI et la Commission européenne ont récemment appelé l'Allemagne à réduire son excédent pour alimenter l'économie réelle.

"Rien ne s'oppose à ce qu'un budget d'investissement qui représente 1 à 2% du PIB annuel soit financé par l'emprunt public," assure Andrew Watt, économiste à la Hans-Böckler-Stiftung. "Cet investissement aiderait également d'autres pays européens puisqu'une partie de ce dont l'Allemagne a besoin pourrait bien sûr, être importée," souligne-t-il.

Investir dans le réseau ferré allemand

Le réseau ferré allemand est l'un des exemples de sous-investissements dans le pays. En 2019, plusieurs rapports alertaient sur "le retard massif dans les réparations des infrastructures" et appelaient à investir 50 milliards d'euros dans le secteur.

"Il s'agit de rattraper le retard accumulé dans les infrastructures et de remettre le ferroviaire sur les rails," indique Torsten Westphal, président du syndicat allemand des travailleurs des transports et du ferroviaire EVG. "Concrètement, cela veut dire que le nombre de passagers devrait augmenter massivement dans les prochaines années," explique-t-il. "Cela nécessitera également, une extension de l'infrastructure et de nouvelles constructions. Il en va de même pour le transport de marchandises où il doit aussi y avoir une évolution massive," complète-t-il.

En réponse, le gouvernement allemand et la Deutsche Bahn ont accepté d'investir 86 milliards d'euros au cours des dix prochaines années pour mettre à jour le réseau ferré.

Le rail n'est qu'un secteur parmi tant d'autres en Allemagne qui ont besoin d'investissements publics. Ces 86 milliards d'euros constituent un premier pas qui devrait permettre de créer des emplois, de développer le fret ferroviaire entre l'Allemagne et ses partenaires commerciaux et potentiellement, d'augmenter la croissance. Mais dans un contexte d'urgence climatique, cela pourrait avoir un autre avantage : celui de ramener les passagers de l'aérien au ferroviaire moins gourmand en carbone.

Paolo Gentiloni : "Simplifier les règles, contribuer à une politique budgétaire expansionniste et encourager l'investissement"

À Bruxelles, le nouveau commissaire européen à l'Économie, l'ancien Premier ministre italien Paolo Gentiloni ne cache pas son intention de remettre les choses à plat. Il nous a accordé une interview sur ce débat concernant une évolution des règles budgétaires.

Efi Koutsokosta, euronews :

"Le débat est lancé sur la nécessité de réformer les règles budgétaires. Pourquoi est-ce autant nécessaire ? Qu'est-ce qui est en jeu ?"

Paolo Gentiloni, commissaire européen à l'Économie :

"Il est clair que ces règles ont été élaborées à l'époque de la pire crise économique traversée par l'Europe depuis la fin de la guerre. Donc aujourd'hui, les temps ont changé. Nous sortons de plus de six années de croissance continue, mais dans le même temps, cette croissance ralentit. Nous ne voulons pas d'une révolution, mais je crois que les règles devraient être adaptées à ce nouveau cadre et à cette nouvelle situation."

Efi Koutsokosta :

"Faut-il assouplir les règles ? Ou les objectifs budgétaires eux-mêmes sont-ils remis en question ?"

Paolo Gentiloni :

"Non, je ne crois pas que le message à transmettre ou le résultat à viser soit d'assouplir ou de remettre en question les objectifs budgétaires. D'ailleurs, ces objectifs sont présents dans nos traités : ce sont les fameux 3% et 60%. On ne peut pas changer cela comme on change de chemise. Notre position consiste à viser trois objectifs différents : premièrement, simplifier ces règles parce que d'année en année, elles deviennent plus complexes. Deuxièmement, nous devrions contribuer, particulièrement en cette période actuelle de croissance faible, à une orientation et à une politique budgétaire plus expansionniste et troisièmement, nous devons encourager l'investissement."

"La Commission recommande à tous les pays européens d'investir"

Efi Koutsokosta :

"Actuellement, la Commission européenne a le droit d'obliger des gouvernements à limiter leurs dépenses, mais elle ne peut pas les obliger à faire l'inverse. Faudrait-il que cela change ? Êtes-vous prêts à convaincre les tenants de la ligne dure à changer leur position à ce sujet ?"

Paolo Gentiloni :

"Dans cette période de croissance faible que nous connaissons, y compris pour les pays qui disposent d'une marge de manœuvre budgétaire importante, la Commission européenne leur recommande depuis plusieurs années de s'en servir pour investir. Et il n'y a pas que ces pays-là qui sont concernés. Cette attitude favorable à l'investissement devrait être adoptée dans toute l'Union européenne."

Efi Koutsokosta :

"Pensez-vous que tous ces investissements dans le développement durable qui sont demandés aux États membresdevraient être exclus des procédures de déficit excessif ?"

Paolo Gentiloni :

"L'exclusion, c'est peut-être une manière trop simpliste de décrire la voie que nous voulons suivre. Je pense que nous allons revoir certaines clauses présentes dans nos règles, en particulier en matière de flexibilité pour faciliter l'investissement."

"Des propositions après l'été"

Efi Koutsokosta :

"Quand un accord en ce sens sera-t-il conclu d'après vous ?"

Paolo Gentiloni :

"Je crois qu'après l'été, nous tirerons des conclusions et présenterons des propositions."

Efi Koutsokosta :

"Vous parlez de propositions. Donc selon vous, les États membres s'entendront sur un compromis."

Paolo Gentiloni :

"Oui. Sans surmonter nos différences, sans compromis, on ne va nulle part."

Ainsi, selon Paolo Gentiloni, il faut des règles simplifiées pour répondre à de nouveaux défis comme le changement climatique et la nécessité d'accélérer la croissance. Mais le plus grand défi demeure : rapprocher les positions des différents États membres.

Sources additionnelles • Production : Fanny Gauret, Damien Girier ; cameramen : Christophe Obert, Pierre Holland, Marc Sarrado ; montage : Nicolas Coquet ; motion Design : NEWIC

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