Fonds de relance européen : c'est désormais du concret en Espagne

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Par Naomi LloydGuillaume Desjardins
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L'Espagne est le premier État membre de l'UE où le fonds de relance européen face à la pandémie se matérialise avec un déboursement de 10 milliards d'euros. Nous interrogeons sa ministre des Finances sur les réformes que son pays mène en contrepartie.

L'Europe ressent encore l'onde de choc de la pandémie de Covid-19. Pour l'atténuer, le principal instrument du plan de relance de l'Union appelée la Facilité pour la reprise et la résilience met à la disposition des États membres, plus de 720 milliards d'euros de prêts et de subventions pour les aider à investir, créer des emplois et bâtir un avenir durable et numérique.

Les plans nationaux de relance approuvés pour 22 États membres

Pour toucher ces aides, les pays européens ont présenté leurs plans de relance, ainsi que les réformes et investissements publics qu'ils s'engagent à réaliser dans des domaines-clés comme les nouvelles technologies vertes, les énergies et les transports propres, la rénovation des bâtiments, l'internet rapide et la 5G, ainsi que l'éducation et la formation professionnelle. 22 pays ont vu leur plan approuvé par la Commission européenne.

Dans ce cadre, l'Espagne devrait recevoir près de 70 milliards d'euros. C'est le plan d'investissements publics le plus doté dans l'histoire récente du pays. Jusqu'à présent, l'Espagne a touché 9 milliards de préfinancement d'urgence et son premier déboursement de 10 milliards d'euros en décembre dernier.

L'Espagne, premier État membre bénéficiaire du fonds de relance

L'Espagne est ainsi, le premier État membre à remplir les conditions requises au versement de cette aide destinée à toute une série de secteurs dont celui de la formation professionnelle, par exemple sur l'île des Canaries, Tenerife.

Sur place, au centre de formation CIFP César Manrique à Santa Cruz de Tenerife, le jeune Adrián Lorente García acquiert des compétences professionnelles concrètes dans le cadre de ses études en audiovisuel. "À l'université, la plupart du temps, on a beaucoup de théorie et peu de pratique alors que ce qu'il y a de bien dans la formation professionnelle, c'est qu'on peut faire des stages et s'ils aiment bien comment tu travailles pendant le stage, ils t'embaucheront," souligne le jeune homme.

Interrogé sur son avenir professionnel, Adrián répond : "J'espère commencer à travailler dans quelque chose en lien avec ma formation. J'aimerais aller à l'étranger, aux États-Unis, en Allemagne, en Angleterre, peu importe, et travailler dans différents pays," confie-t-il.

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Le centre CIFP César Manrique à Santa Cruz de Tenerife espère recevoir de nouveaux financements dans le cadre du fonds de relance européeneuronews

Les centres de formation comme celui d'Adrián fonctionnent déjà, en partie, grâce au Fonds social européen. Mais avec l'arrivée du plan de relance, ce sont 2 milliards d'euros supplémentaires qui seront dédiés à la création de 135.000 nouvelles places en Espagne.

"Nous recevons des financements européens dans le cadre du Fonds social européen qui couvrent 80 % des salaires des enseignants et des formations pour les chômeurs et les travailleurs," précise Jorge Rivero Antuña, directeur du centre de formation CIFP César Manrique.

"Concernant le mécanisme de résilience, nous avons déjà reçu une somme pour l'équipement technologique de salles de cours et le soutien à l'entrepreneuriat, etc. Et nous espérons continuer à toucher des fonds au cours de cette année et l'an prochain," indique-t-il.

Réformer la formation professionnelle pour mieux lutter contre le chômage

Comme plusieurs États membres du sud de l'Europe, l'Espagne est confrontée à un problème structurel de chômage, surtout chez les jeunes. Leur donner accès à des compétences recherchées par les employeurs est l'un des éléments clefs dans la lutte pour l'accès à l'emploi, en particulier aux Canaries où le chômage des jeunes a atteint 52 % fin 2021.

Un tiers de l'activité de l'archipel provient du tourisme, le premier secteur économique localement. Mais l'explosion du secteur de la tech devrait se traduire par de nouvelles opportunités dans le futur pour les travailleurs.

"À l'heure actuelle, les gens n'ont pas les formations adéquates pour répondre à nos besoins, que ce soit aux Canaries ou dans le reste de l'Espagne : les compétences qu'il nous faudrait, personne ne les a," déplore Carlos Rodríguez, fondateur de l'entreprise de la société de services informatiques Omnia Infosys à Santa Cruz de Tenerife.

"Ce secteur va beaucoup se développer, on a besoin de plus en plus de gens avec différentes compétences parce que depuis le début de la pandémie, la demande a explosé," poursuit-il. "La croissance du secteur a été multipliée par trois ou quatre ces deux dernières années et cela va continuer comme cela ; en réalité, en Europe, des millions d'emplois sont vacants dans ce secteur," fait-il remarquer.

Comme tous les États membres, pour prétendre aux aides du fonds de relance, l'Espagne a dû entreprendre des réformes dont plusieurs de dimension sociale comme la modernisation de son système de formation ou la lutte contre les inégalités sexuelles au travail.

"Un processus fastidieux" selon la ministre espagnole Nadia Calviño

Pour en savoir plus sur les réformes menées en Espagne, nous avons interrogé la ministre espagnole des Finances Nadia Calviño.

Naomi Lloyd, euronews :

"L'Espagne devrait toucher près de 70 milliards d'euros. C'est sans précédent. Qu'est-ce que cela signifie pour l'Espagne et pour l'économie espagnole ?"

Nadia Calviño, vice-présidente du gouvernement espagnol et ministre de l'Économie et de la Numérisation :

"Effectivement, c'est très important pour le présent, mais aussi pour l'avenir du pays, pour les prochaines générations. Notre plan de relance comporte quatre axes : la durabilité, la numérisation, la cohésion sociale et territoriale et l'égalité hommes-femmes qui sous-tend tous nos programmes. Le volet numérique représentera environ 30 % de la totalité des investissements."

Naomi Lloyd :

"Bien sûr, cela s'accompagne d'une série de réformes structurelles. Était-ce difficile de remplir toutes les conditions ?"

Nadia Calviño :

"Le processus a été fastidieux et très intense. Nous étions un peu des cobayes, nous avons été les premiers à nous engager dans le processus. Nous avons appris avec la Commission comment mettre en œuvre ce plan de relance sans précédent. Concernant les réformes, nous les avons accélérées au cours de l'année 2021. Le défi est maintenant, de finaliser celles qui sont en attente au Parlement et de faire en sorte que le flux de fonds qui a débuté l'an dernier se maintienne."

"De bonnes bases pour nous attaquer aux déséquilibres qui ont freiné la croissance de l'Espagne"

Naomi Lloyd :

"Êtes-vous sûre que la capacité administrative soit là pour le faire ?"

Nadia Calviño :

"C'est un défi considérable pour toute administration et l'Espagne est un grand pays, un pays complexe. Nous avons plusieurs strates administratives. Donc nous avons mis en place une structure de gouvernance et renforcé nos mécanismes. Nous allons lancer dans les prochaines semaines, quelques-uns des plans stratégiques les plus importants, par exemple en vue d'alimenter la transition vers des voitures électriques et connectées."

Naomi Lloyd :

"Dans quelle mesure ces projets de formation professionnelle que nous avons vus dans le reportage de Guillaume font-ils la différence dans la lutte contre le chômage ?"

Nadia Calviño :

"Je pense que la formation professionnelle est l'une des clés pour faire en sorte que le marché du travail fonctionne mieux à l'avenir. Notre taux de chômage a baissé pour s'établir à 13,3 % [ndlr : son niveau le plus bas depuis 2008]. Cela nous donne de bonnes bases - avec les réformes structurelles, notamment celle du marché du travail, mais aussi un effort d'investissement très important dans l'éducation, la formation professionnelle et la formation tout au long de la vie - pour nous attaquer enfin à certains des déséquilibres qui ont freiné la croissance et la prospérité de l'Espagne pendant des décennies."

Journaliste • Naomi Lloyd

Video editor • Nicolas Coquet

Sources additionnelles • Production : Camille Cadet ; cameramen : Mathieu Rocher (Tenerife), Thierry Winn, Max Duncan et Martin Poveda (Madrid) ; motion design : NEWIC

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