Gaza : Comment survivre aux blessures de guerre ?

En partenariat avec The European Commission
Gaza : Comment survivre aux blessures de guerre ?
Par Monica Pinna
Partager cet article
Partager cet articleClose Button
Copier/coller le lien embed de la vidéo de l'article :Copy to clipboardLien copié

Gaza : Comment survivre aux blessures de guerre ? La "Grande marche du retour" entamée le 30 mars 2018 a fait plus de 220 morts et 24 000 blessés

PUBLICITÉ

La "Grande marche du retour" a débuté le 30 mars 2018 le long du mur qui sépare la bande de Gaza et Israël. A l'issue d'un blocus de onze ans, les Palestiniens réclament le droit de retourner sur leurs terres occupées. Depuis le début du mouvement qui a lieu tous les vendredis, 220 personnes ont été tuées par l'armée israélienne et 24 000 personnes ont été blessées. Reportage de notre journaliste Monica Pinna.

Le quartier de Malaka situé à l'est de la ville de Gaza est l’un des centres névralgiques de la "Grande marche du retour". Chaque vendredi, les Palestiniens y défient les forces israéliennes le long de la frontière. Des femmes, des enfants, et des familles entières s'y rassemblent, alors que l'armée israélienne tire à balles réelles, tuant et blessant des Palestiniens. C'est notamment le cas d'Issam (prénom modifié), 16 ans, touché par balle à la jambe. Le jeune homme a été pris en charge par l'un des centres de soins d'urgence installés sous des tentes le long de la frontière. Ils sont mis en place par le ministère de la santé et le Croissant rouge palestinien, financés par la Commission européenne avec le soutien de l'OMS. Ces centres, qui soulagent les hôpitaux gazaouis, voient affluer les blessés à un rythme effréné. Près de 50% d'entre eux sont libérés dès les premiers soins, faute de matériel adapté. "Nous avons ici une fracture ouverte, et nous ne savons pas s'il y a des lésions vasculaires ou neurologiques" nous confie Bashar Murad du Croissant rouge palestinien, à propos d'Issam_._ "Ces derniers mois, les victimes par balles que nous recevions étaient principalement touchées aux membres inférieurs. Mais avant, nous recevions beaucoup de victimes touchées, à l'abdomen, à la poitrine, au cou ou à la tête".

Transféré à l'hôpital Al Shifa, Issam aura la jambe amputée. Il raconte la scène à la frontière. "Je tenais la clôture, je couvrais deux amis qui coupaient les barbelés. Puis quelque chose est arrivé, je n'ai rien vu, une partie de ma jambe me donnait l'impression de voler, le reste me frappait le ventre. J'y ai participé chaque vendredi, parce que nous sommes encerclés, en état de siège. Nous devons nous soutenir mutuellement. Nous savons que nous risquons d'être blessés, mais nous devons nous sacrifier". Le jeune homme rejoint la longue liste des personnes ayant perdu un membre depuis le début de la "Grande marche". Ils seraient une centaine à avoir subi une amputation dans des conditions sanitaires difficiles. L'afflux massif de blessés fragilise des hôpitaux déjà au bord de la rupture. "Le système de santé de Gaza est dans un état très fragile, il souffre depuis plusieurs années déjà du blocus imposé à la bande de Gaza, avec une pénurie chronique de médicaments essentiels, un manque de fournitures et de personnels qualifiés capables de soigner les patients" nous confie Ayadil Sparbekov, médecin de l'OMS présent sur place.

L'union européenne apporte une aide humanitaire

Avec l'intensification des manifestations, l'UE a accru son soutien par la fourniture d’équipements médicaux et par la formation de personnels de santé spécialisés. Mais le nombre de blessés graves rend l'aide toujours insuffisante. "On parle d'environ 5000 personnes blessées aux membres inférieurs pendant les manifestations, dont 400 à 500 nécessitent une reconstruction de membres, ce qui signifie jusqu'à 7 opérations chirurgicales et jusqu'à 3 années de rééducation continue. L’UE soutiendra donc ces soins de santé en mettant en place un service spécialisé pour la reconstruction des membres et des services postopératoires pour les blessés" annonce Filippo Ortolani, membre de la direction générale de l'aide humanitaire et de la protection civile de la Commission européenne.

...

200 patients par jours

A Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, la clinique accueille 200 patients par jours, un chiffre 20% supérieur à la normale. Faute de moyens, l'établissement est dépendant de l'aide extérieure. Abdelrahim Al Mahalawi y contribue via Médecins du monde : "Notre intervention se focalise sur les urgences, et les cas de traumatismes, pour renforcer les capacités de cette clinique en terme de traitement des plaies et de soins post-opératoires. Nous essayons de subvenir aux besoins autant que possible pour que le service aux patients devienne gratuit, mais même dans notre travail, nous ne pouvons pas fournir 100% de ce qui est nécessaire."

Les conditions économiques sont réellement difficiles

Ali (prénom modifié) est l'un des patients de cette clinique. Le jeune homme a été blessé alors qu'il participait à une marche pacifique le long de la frontière. "Nous étions à environ 300 mètres du mur. Et malgré ça, j'ai été blessé. la plupart des personnes ont même été blessés à 500 ou 600 mètres. La bombe lacrymogène est entrée dans ma bouche, et s'est arrêtée au palet. J'ai senti tout tourner autour de moi. Je me sentais étourdi. J'ai posé ma main sur ma joue et j'ai vu du sang par terre. Je sentais que mon os n'était plus là." Son état nécessite une greffe osseuse mais l'Egypte et Israël l'empêchent de quitter l'enclave palestinienne. Après deux opérations, les médecins sont contraints de lui prescrire des analgésiques pour calmer une douleur permanente. "Je ne peux plus vivre comme avant. J'aimerais au moins pouvoir manger du pain, le pain me manque".

Comme 53% des Gazaouis, Ali n'a pas de travail, et les membres de sa famille n'ont pas d'activité stable, ce qui rend le quotidien difficile. L'électricité et l'eau étant rationnées, les habitants de Gaza se retrouvent isolés. "Ici, les conditions économiques sont réellement difficiles. Nous n'avons rien. ça explique toutes ces manifestations le long de la clôture. Ils veulent la liberté, ils veulent la fin du blocus, ils veulent travailler, avoir une vie comme les autres" raconte-t-il.

Dans la bande de Gaza, l'accès au soin reste un défi pour chacun.

Partager cet article