Reportage - Les narcotiques anonymes : le rétablissement par l’entraide

Reportage - Les narcotiques anonymes : le rétablissement par l’entraide
Par Marie Jamet
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button
PUBLICITÉ

A trois un vendredi soir ou à dix un dimanche après-midi, le rituel est le même aux Narcotiques Anonymes (NA). Se retrouver entre dépendants, partager ses difficultés, ses réussites, ses doutes et ses espoirs et ne pas consommer, un jour de plus, juste pour aujourd’hui. Reportage à Lyon.

Les participants à la réunion de ce premier dimanche d’octobre arrivent peu à peu, plaisantent, discutent. Ils se connaissent, se retrouvent après plusieurs mois, semaines ou simplement au bout de quelques jours. Ils sont cinq hommes et cinq femmes, de tout âge. Ils se servent thés, verres d’eau, cafés puis s’installent autour d’une grande table carrée. Elle est couverte des documents des Narcotiques Anonymes, des livres et des badges… Au centre, une bougie éteinte. Tous sont venus de leur propre gré ; comme pour leurs cousins des Alcooliques Anonymes, la « fraternité » n’impose aucune obligation à ses membres. L’ambiance est chaleureuse.

Puis, la réunion est officiellement ouverte. L’un des membres allume la bougie et le modérateur prend une feuille A4 plastifiée et guide la réunion. Très codifiée, elle se déroule toujours de la même manière, qu’il y ait trois personnes ou dix : lecture de textes présentant les Narcotiques Anonymes, ‘pourquoi sommes-nous ici’, ‘comment ça marche’ etc. Une personne donne l’agenda des événements à venir, convention régionale ou nationale par exemple. Puis le modérateur lit la pensée du jour, dans un livre calendaire proposant une thématique par jour de l’année. Ce dimanche, il s’agit des amendes honorables.


Lecture des textes en début de réunion (dimanche 6 octobre, Lyon)

Les participants sont alors invités à prendre la parole sur ce thème ou un autre qu’ils ont envie d’évoquer. C’est le temps des partages. Une personne parle ; les autres l’écoutent, le temps qu’il faut. Il ne s’agit pas d’un débat ni d’un échange. Les prises de positions, les polémiques ou les propos malveillants sont interdits. Chaque membre commence par : « Bonjour, [prénom], dépendant ». Ce à quoi l’assemblée répond : « salut [prénom] ».

Les partages sont intimes, optimistes ou graves. La vie quotidienne s’invite autour de la table : travail, enfants, couple, famille, amis, accidents liés à « la maladie de la dépendance », espoir, faiblesse, introspection, souvenirs… Lors d’un partage, les autres ponctuent une phrase d’un rire ou d’un hochement de tête. Des regards se perdent dans le vide ; d’autres se fixent sur celui ou celle qui parle. Puis lorsqu’il a terminé, tout le monde remercie celui qui vient d’intervenir. La bienveillance, notion clé pour les Narcotiques Anonymes, est de mise.
Le silence s’installe un instant. Puis la parole repart : « Bonjour, [prénom], dépendant »… Ces mots peuvent toucher l’une des personnes présentes, qui choisira d’en parler ou simplement de repartir sur le thème du jour.

Un cadre pour se rétablir

Les thèmes s’inscrivent dans l’une des douze étapes vers le rétablissement. Les personnes autour de la table cet après-midi-là n’en sont pas toutes au même point. La pensée du jour ne résonne donc pas de manière identique chez chacun d’entre eux. Mais ces différences d’expériences sont un plus : « Pour le nouveau, il voit qu’il y a des gens pour qui le programme marche. Pour quelqu’un d’abstinent, il est bon de pouvoir partager ce qu’on a vécu et ce qu’on vit. Mais aussi de voir là où l’on ne veut pas retourner. » Il s’agit de « vivre l’instant présent. Le passé peut être trop douloureux, le futur trop difficile à imaginer. Il suffit donc d’être abstinent 24h, juste pour aujourd’hui. »

Les dépendants qui rejoignent les Narcotiques Anonymes sont encadrés et soutenus par un tissu de traditions et de principes qui guident aussi bien l’organisation de l’association, les réunions que le rétablissement. Ils sont répétés pour partie à chaque réunion. Le premier principe est que pour participer aux Narcotiques Anonymes, il suffit d’avoir « le désir d’arrêter ».

Une autre des douze traditions pose que « chaque groupe de NA devrait subvenir entièrement à ses besoins et refuser tout contribution de l’extérieur ». C’est pourquoi un bonnet attend au centre de la table. A la fin de la réunion, il passe de mains en mains afin que les participants y glissent de l’argent pour la vie du groupe : location de la salle si elle n’est pas prêtée, achat des boissons, déplacement dans les conventions…


Le chapeau en fin de réunion (vendredi 27 septembre, Lyon)

Un autre principe énonce : « nous avons fait un inventaire moral sans peur et approfondi de nous-mêmes ». Un élément marquant de ces réunions : le travail que ces personnes font sur eux-mêmes, le regard qu’ils portent sur leurs actes ou leur manière d’être. Si les Narcotiques Anonymes reconnaissent la dépendance comme une maladie chronique, les réunions ne sont pas des thérapies au sens médical du terme. Il n’y a aucun médecin pour guider la réunion. Mais les participants réfléchissent, analysent ce qu’ils ont fait ou pas fait, ce qu’ils sont ou souhaiterait être. C’est à la fois un moyen de sortir du déni et de cesser de « se poser en victime », témoignent plusieurs dépendants.
Et c’est ainsi aussi que peut fonctionner « l’identification et l’entraide : on sait de quoi on parle ; on a tous vécu ce que l’autre peut raconter. Et il n’y a pas de jugement. » L’anonymat est aussi là pour libérer les participants des a priori issus des différences sociales ou autres.

Certains rechutent, partent en cure, reviennent, peuvent faire une thérapie. Plusieurs personnes que nous avons rencontrées avouent malgré tout être là « car rien d’autre n’a fonctionné » pour eux. Les parcours ne sont pas linéaires mais « pour moi les NA, c’est un lieu où je peux me rétablir ; même quand je vais mal je sais qu’il existe un lieu où je peux me rétablir » explique une autre.

« Un dépendant seul est un dépendant mal accompagné »

C’est au détour d’une phrase que l’on entend un participant évoquer sa « puissance supérieure ». Il en est beaucoup question dans la littérature des Narcotiques Anonymes : elle prend aussi le nom de Dieu « tel que nous le concevons ». Ce point surprend. Les Alcooliques Anonymes, dont sont dérivés les Narcotiques Anonymes, y consacrent une page entière sur leur site pour tenter de lever l’ambiguïté : les deux fraternités se veulent spirituelles mais non religieuses. Chacun est libre de participer avec ses croyances. « Les principes passent au-dessus des individualités ».
L’aide apportée par l’autre est centrale, qu’elle porte le nom de puissance supérieure, de dieu ou de parrain. « Tenter d’être abstinent tout seul est très dangereux, c’est comme sauter d’un avion sans parachute. »

  • Réunion des Narcotiques Anonymes Lyon

Littérature et documentation des NA

  • Réunion des Narcotiques Anonymes Lyon

Guide pour les 12 étapes du rétablissement

PUBLICITÉ
  • Réunion des Narcotiques Anonymes Lyon

Fiches pour les lectures en réunion

  • Réunion des Narcotiques Anonymes Lyon

Lecture des textes en début de réunion

  • Réunion des Narcotiques Anonymes Lyon

Fiche du modérateur pour la réunion

PUBLICITÉ

  • Réunion des Narcotiques Anonymes Lyon

La pensée du jour

  • Réunion des Narcotiques Anonymes Lyon

Lecture de la pensée du jour

PUBLICITÉ
  • Réunion des Narcotiques Anonymes Lyon

Pendant les partages

  • Réunion des Narcotiques Anonymes Lyon

'Reviens ça marche'

  • Réunion des Narcotiques Anonymes Lyon

Les badges d'abstinence

PUBLICITÉ

  • Réunion des Narcotiques Anonymes Lyon

Juste pour aujourd'hui

Les membres n’ont aucune obligation d’être parrainés même si cela est fortement conseillé. La relation entre un parrain ou une marraine et son filleul peut être un lien très fort. Certains s’appellent tous les jours. La ligne téléphonique proposée par les Narcotiques Anonymes n’a pas de fonction de soutien quotidien pour les dépendants. La ‘helpline’ est plutôt destinée aux personnes qui souhaitent des informations, qui se demandent s’ils doivent ou peuvent venir, aux proches aussi, qui peuvent aussi se tourner vers un groupe dédié (Naranon). Ce sont les parrains qui apportent l’aide au jour le jour : surmonter une envie de consommer, une difficulté de la vie quotidienne, laisser libre court à une émotion…

PUBLICITÉ

A la fin de la réunion, une fois le chapeau reposé sur la table, les participants se lèvent, se prennent par les bras en rond et récite ensemble le texte 'Juste pour aujourd’hui'. Puis la chaîne se défait mais on se prend dans les bras, on se tape sur les épaules ; les conversations continuent. Les Narcotiques Anonymes se définissent eux-mêmes comme une fraternité, et l’on comprend qu’il ne s’agit pas d’un vain mot.

Pour respecter l’anonymat, les citations ne sont pas nominatives.

Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

Narcotiques Anonymes : « toute seule je n’y arrive pas et j’ai besoin des autres »

Les funérailles de Gérard Collomb auront lieu mercredi, l'hommage d'Emmanuel Macron

France : la ville de Lyon à l'épreuve de la canicule