Débat sur l'avortement, entre hommes, à la télévision publique polonaise

Invités lors d'un débat sur l'avortement à la télévision publique polonaise
Invités lors d'un débat sur l'avortement à la télévision publique polonaise Tous droits réservés Capture d'une vidéo
Par Lillo Montalto Monella
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Débat sur l'avortement dans un talk-show hebdomadaire de la télévision publique polonaise. Les invités et le présentateur ? Tous des hommes .

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La télévision publique polonaise a récemment consacré une partie de son émission de débat à l'avortement en invitant... uniquement des hommes. Aucune femme n'a été conviée à discuter du projet de loi controversé qui interdirait les interruptions de grossesse même en cas de malformations ou maladie génétique du fœtus. 

La Pologne fait partie des pays les plus restrictifs d'Europe en matière d'avortement. La population est divisée sur le sujet et une partie d'entre elle manifeste régulièrement pour dire son opposition aux tentatives du gouvernement de réformer l'accès à l'avortement. La loi actuellement en vigueur remonte à 1993 et permet une interruption de la grossesse en cas de danger pour la vie de la mère ou en cas d'inceste ou de viol.

Le débat, dont vous pouvez voir une capture d'écran ci-dessus, a été diffusé sur Telewizja Polska dimanche dernier et est encore disponible en VOD. C'est un talk-show hedomadaire qui copie le modèle de deux programmes similaires sur les chaînes privées Plsat et TVN. Plus de la moitié de cet épisode (environ 34 minutes sur l'heure que dure l'émission) a été consacré à l'IVG. Voici les panelistes invités :

  • Ryszard Czarnecki, député européen du parti au pouvoir PiS, ancien vice-président du Parlement européen démis de cette dernière fonction en février dernier pour "faut grave" Il avait comparé l'une de ses compatriotes de l'hémicycle de collaboratrice nazie,

  • Marcin Kierwinski, représentant du principal parti d'opposition, Plateforme Civique, pro-européen,

  • Pawel Bejda, représentant d'un autre parti d'opposition, le Parti du Peuple, démocrate-chrétien et ruraliste,

  • Tomasz Rzymkowski membre du mouvement populiste et anti-système de droite Kukiz'15. Parfois critique du gouvernement, ce mouvement est le plus souvent proche des positions du premier ministre Morawiecki,

  • Mirosław Suchoń, du parti Nowoczesna ("moderne" en Polonais), une force d'opposition libérale, pro-européenne et fortement critique de l'exécutif,

  • Krzysztof Szczerski, Secrétaire d'État chargé des affaires internationales auprès du président de la République de Pologne.

Ce dernier y fulmine contre les "libéraux de gauche" qui militent pour le droit de "tuer des enfants". Selon lui, le problème de la démocratie en matière d'avortement réside dans le fait que les fœtus avortés n'ont pas le droit de vote.

Selon Daniel Tilles, journaliste et historien qui gère les comptes Facebook et TwitterNotes de Pologne souligne que les producteurs de l'émission savaient que le sujet principal du jour serait l'avortement et ont choisi en toute conscience de n'inviter aucune femme. "C'est courant en Pologne". Il rapporte à Euronews que "le même jour, une seule femme était l'invitée de l'émission concurrente de la chaîne privée TVN quand il y avait trois femmes pour trois hommes dans l'émission de Polsat".

Quand les femmes utilisent la dérision pour contre-attaquer

En janvier, cinq femmes ont décidé de se moquer de ces débats 100% masculins pour parler d'un sujet qui les concerne elles au premier chef. Elles ont donc organisé un faux débat télévisé où elles échangent sur la santé sexuelle des hommes. La discussion porte donc sur les problèmes d'érection et sur le fait que, comme le rapporte Notes de Pologne, le viagra est disponible sans ordonnance dans le pays alors que la pilule contraceptive est soumise à prescription médicale.

"Je pense que les hommes devraient être protégés du viagra car c'est un médicament extrêmement puissant qui comporte de nombreux effets secondaires" argumente ainsi l'une des invitées. "Une érection est un don de Dieu" lui répond une autre. "Utiliser du viagra interfère avec les plans de Dieu."

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