A Mossoul, la délicate recherche des corps en décomposition

A Mossoul, la délicate recherche des corps en décomposition
Par AFP
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Au sommet d'un amas de gravats, des points rouges, noirs, bleus et blancs se détachent: dans le Vieux Mossoul, où les températures grimpent, soldats et pompiers en uniformes colorés s'activent à sortir les centaines de corps qui se décomposent à ciel ouvert. Dans une odeur pestilentielle, les hommes des forces irakiennes --police, armée et Défense civile-- ne s'arrêtent jamais, malgré le risque que des explosifs non dégoupillés détonent encore dans la Vieille ville, réduite à néant par neuf mois de combats contre le groupe Etat islamique (EI), chassé en juillet 2017. "En trois jours, 763 corps ont été sortis des décombres et enterrés", affirme à l'AFP le lieutenant-colonel Rabie Ibrahim. "Et les opérations se poursuivront jusqu'à ce que tous les cadavres soient sortis" du coeur historique de la ville, carrefour commercial et culturel du Moyen-Orient. Une fois ces corps putréfiés --pour certains des restes seulement-- sortis des décombres, "ils sont envoyés aux services de santé de la province de Ninive", poursuit-il. Les corps de civils qui sont identifiés sont remis aux familles, tandis que les corps déclarés comme appartenant aux combattants de l'EI sont enterrés dans une fosse commune à la périphérie ouest de Mossoul. - Terrain miné - Pour atteindre ces restes humains, les militaires et pompiers progressent prudemment, le visage recouvert d'un masque ou enroulé dans un foulard. Des cadavres de jihadistes portent encore des ceinture de kamikazes. Des grenades, bombes artisanales et autres explosifs semés derrière lui par l'EI en repli vers la Syrie voisine peuvent encore faire des victimes à tout moment. Et toutes ces mines improvisées sont cachées sous de multiples couches et obstacles: maisons écroulées, charpentes métalliques tordues, meubles éventrés et arbres arrachés, léchés par les eaux du fleuve Tigre qui s'écoule lentement en contrebas. Là où avant s'étendait un dédale de ruelles pavées et bordées de maisons et d'échoppes multiséculaires ne se dresse plus qu'un amas massif, difforme et pestilentiel, où prospèrent animaux errants, insectes et maladies. Dans ce chaos, certains habitants n'arrivent même plus à localiser leur maison ou même leur rue et sont donc incapables d'indiquer précisément aux secours où pourraient se trouver les restes de proches disparus dans le bombardement de leur maison. Impossible dans de telles circonstances d'utiliser d'imposants engins de chantier, affirme le général Hossam Khalil, qui dirige la Défense civile de Ninive. Ses hommes en sont réduits à travailler avec "de petits véhicules, dont Mossoul ne dispose qu'en nombre limité", assure-t-il. Pourtant, il faut faire vite. Les habitants, éreintés par trois années de règne du "califat" autoproclamé, décimés par neuf mois de violents combats urbains et las d'espérer une reconstruction qui se fait attendre, veulent rentrer. - Près de 3.000 corps retirés - "Mais c'est impossible, avec cette puanteur, cette pollution et les épidémies qu'elle peut engendrer", se lamente Othmane Saad, chômeur de 40 ans dont la maison dans la Vieille ville a été entièrement détruite. Abou Adel, 33 ans, lui aussi veut que les autorités "dégagent ces cadavres au plus vite". Et qu'elles s'attellent ensuite à "dédommager les habitants pour qu'ils puissent reconstruire, puis à leur apporter les services publics". Mais la tâche est titanesque. Depuis que les troupes ont repris Mossoul, "2.838 corps, dont 600 de membres de l'EI, ont été sortis des décombres", affirme à l'AFP le gouverneur Naoufel Soultane. Et même une fois enterrés plus loin, ils laissent derrière eux bactéries et maladies, que le fleuve pourrait charrier bien au-delà de la Vieille ville. Les autorités assurent que les stations d'eau potable n'ont pas été touchées et ne pompent l'eau du Tigre qu'au centre du fleuve et en profondeur, et pas le long des rives. Mais pour le gastro-entérologue Ahmed Ibrahim, la précaution reste de rigueur. "Il faut faire bouillir l'eau avant de la boire et ne pas utiliser l'eau du fleuve, ni pour s'y baigner ni pour le lavage", indique-t-il à l'AFP. Quant aux volatiles et aux poissons, "ils peuvent être porteurs de typhus, de bilharziose, de gastro-entérite".

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