En Afghanistan, la justice fait toujours défaut aux femmes

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Par AFP
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"La procureure m'a dit qu'elle ne pouvait pas intervenir ni faire arrêter mon mari". L'Etat afghan continue de manquer à ses devoirs de justice envers les femmes, accuse l'ONU dans un rapport accablant, qui souligne la persistance des crimes et violences à leur encontre. Comme cette jeune femme de Mazar-i-Sharif (Nord), qui s'est confiée aux enquêteurs onusiens, de nombreuses victimes en Afghanistan se voient imposer par les représentants de l'Etat censés les protéger une procédure de médiation traditionnelle rarement en leur faveur, promouvant de facto l'impunité pour des auteurs de crimes graves. Près de 600 affaires de coups, brûlures, viols, jets d'acide, prostitution et mariages forcés... allant jusqu'à des meurtres ont été examinées et suivies entre août 2015 et décembre 2017 par la Mission d'assistance de l'ONU en Afghanistan. D'après sa Division des droits humains, ce rapport, intitulé "Justice et Impunité - La médiation dans les crimes contre les femmes", est "sans doute le pire" qu'elle ait jamais publié. Sur 280 cas de meurtres familiaux (dits "d'honneur") documentés entre janvier 2016 et janvier 2017, seuls 50 ont été punis par la loi - soit 18%. Les autres ont été confiés aux médiateurs, "barbes blanches", chefs de communauté, et autres assemblées villageoises devant lesquelles les victimes n'étaient parfois même pas admises. "Quand je leur ai demandé si je pouvais être présente, ils ont refusé et m'ont dit que je devais accepter ce que les +vieux+ du village décideraient", rapporte une femme de Baghlan (Nord) aux auteurs. Ces "vieux", supposément sages, se sont ainsi emparés selon l'ONU de cas de meurtres, coups, tentatives de viols avec blessures et violences domestiques, mariages forcés ou "baad" - quand une fille est donnée à une autre famille pour solder une dispute. - Pression des familles - "Dans certaines provinces, les médiateurs ignoraient que ces affaires outrepassaient leur autorité", indique le rapport, bien que depuis 2009 la Loi dite "Evaw" - Loi pour l'Elimination des violences contre les femmes - impose à la police de saisir les tribunaux pour cinq types de crimes graves dont le viol, la prostitution forcée, ou encore le suicide forcé. L'ONU a ainsi relevé "de nombreux cas où les victimes ont été renvoyées devant des médiations informelles sous la pression des familles, des ONG et même des institutions mises en place par la loi Evaw (...) avec l'accord des autorités, en violation du Code pénal". Dans le nord-est du pays, rapporte l'ONU, un père avait porté plainte contre le mari de sa fille, après que celle-ci avait tenté de se suicider en ingérant des produits chimiques pour mettre fin à des années de mauvais traitements conjugaux. La communauté l'a finalement convaincu d'accepter une médiation du village. Par ce biais, des crimes passibles d'un mois de prison à la peine de mort deviennent de simples "disputes familiales", au terme desquelles les victimes sont encouragées à se réconcilier avec leurs bourreaux, déplore Danielle Bell, directrice de la Division droits humains de la Manua, interrogée par l'AFP. Le corps des femmes continue alors d'appartenir aux hommes de la famille. "Ce que le rapport met en lumière c'est la brutale réalité des femmes demandant justice et qui se retrouvent au contraire forcées à accepter une médiation. Et nous avons répertorié de nombreux cas où la violence s'est intensifiée après une plainte réglée par médiation", regrette Danielle Bell. Dans un district sous contrôle taliban, une femme battue s'est adressée à ces derniers, qui ont sermonné le mari. Rentré chez lui, il lui a coupé le nez pour se venger. Pour les auteurs du rapport, un tel crime aurait été évitable avec une peine réelle prononcée par un tribunal. La violence contre les femmes afghanes est difficilement quantifiable en raison du manque de plaintes enregistrées par la police, mais pour l'ONU, elle n'est certainement pas en baisse dans le pays et reste au contraire "largement répandue", toutes régions confondues.

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