La crise au Nicaragua porte un dur coup aux marchés populaires

La crise au Nicaragua porte un dur coup aux marchés populaires
Par AFP
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Lorsqu'il a repris la petite boutique familiale de chaussures dans le plus grand marché du Nicaragua, Jose Miguel Gutierrez se pensait à l'abri pour la vie. Mais c'était avant la profonde crise politique et sociale qui paralyse l'économie de son pays, éloigne le chaland et vide ses étals. Situé au coeur de la capitale Managua, le bourdonnant Mercado Oriental -- où tout s'achète, des boutons à la viande de lézard -- emploie des dizaines de milliers de personnes et génère des centaines de millions de dollars. Mais aujourd'hui, ce pouls de l'économie nicaraguayenne bat à un rythme d'escargot. Désoeuvré dans sa boutique déserte, Gutierrez, 32 ans, souligne à quel point l'ensemble des commerçants ressentent le coup de frein économique lié à la crise politique qui déstabilise ce pays d'Amérique centrale depuis près de deux mois. "Chaque jour est pire que le précédent", se désole-t-il. Comme les manifestants qui affrontent quotidiennement les forces pro-gouvernementales dans des combats de rues qui ont fait plus de 130 morts depuis le 18 avril, le vendeur réclame le départ du président Daniel Ortega. A la tête du pays depuis 2007, après un premier passage de 1979 à 1990, Ortega est accusé de brider les libertés et de confisquer le pouvoir. De son côté, il dénonce une "conspiration de l'opposition" visant à le renverser. Quelques vendeurs du marché, qui s'étire sur une surface de 85 hectares, ont choisi de ne plus importer de produits pour protester contre le gouvernement sandiniste, se bornant à vendre ce qu'il reste dans leurs stocks. Un acte militant, certes, mais ils n'ont guère le choix: même pour ceux qui, tel Gutierrez, voudraient regarnir leurs étals, l'approvisionnement est impossible, avec des routes bloquées par une myriade de barricades destinées à entraver les déplacements des policiers anti-émeutes. Quelque 4.000 camions de livraison sont coincés aux frontières du pays, selon les médias locaux. Un désastre pour le Nicaragua mais aussi pour les pays voisins avec lesquels il commerce, Honduras et Costa Rica en tête. Malgré son soutien aux manifestants, le vendeur de chaussures s'avoue désespéré par sa boutique vide, où les étagères en plastique qui présentaient des rangées de baskets Nike immaculées prennent désormais la poussière. Son autre étal ne dispose plus que de quelques paires de chaussures et il craint désormais de devoir mettre la clé sous la porte. - Chaos économique - Veronica Samora, qui vend des sandales, va elle aussi travailler chaque jour le coeur gros. Un couple s'attarde dans la boutique de la jeune femme de 33 ans, intéressé par une paire de mocassins roses en caoutchouc -- mais il regimbe à l'annonce du prix, l'équivalent de quatre euros. Veronica propose un premier rabais, puis un autre, mais le couple tourne les talons. "Les gens n'ont pas d'argent", dit-elle. "Ils ne peuvent pas payer le prix." La vendeuse -- qui a commencé à aider sa mère à la boutique dès l'âge de huit ans -- rapporte que ses ventes ont plongé de moitié depuis la crise, "et que chaque jour, c'est de mal en pis". "Si cette guerre continue, nous allons finir par ne plus rien vendre du tout", ajoute-t-elle. Ces dernières années, le Nicaragua s'est distingué par le dynamisme de son économie, avec l'un des plus fort taux de croissance d'Amérique centrale, selon la Banque mondiale. Mais le pays reste miné par les inégalités et sa population est l'une des plus pauvres d'Amérique latine. La vague de contestation sans précédent qui le frappe a été déclenchée par une réforme des retraites abandonnée depuis, mais qui a vite tourné à un mouvement général de rejet à l'encontre de Daniel Ortega, violemment réprimé par le régime. Selon l'économiste Nestor Avendano, la situation politique volatile du Nicaragua risque d'amputer de 1% la richesse nationale -- soit quelque 800 millions de dollars -- par rapport à 2017. Pour les commerçants du Mercado Oriental, le coup de frein économique est déjà palpable. "Il n'y a pas d'acheteurs, nous ne vendons rien", résume Fausto Aguilar Espinosa, qui y tient un stand de vêtements depuis 23 ans. "On vient surtout surveiller nos étals, pour qu'ils ne soient pas pillés", ajoute ce commerçant de 53 ans. Certains rideaux de fer sont déjà baissés mais Jose Miguel Gutierrez entend bien s'accrocher. "Si Dieu le veut, l'avenir sera meilleur et tout ceci va s'arrêter; l'économie va revenir à la normale", espère-t-il. "C'est grâce à cette boutique que nous remboursons nos dettes, que je nourris ma mère et mes enfants". "C'est ma vie".

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