En Indonésie, les athées craignent pour leur vie

En Indonésie, les athées craignent pour leur vie
Par AFP
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Quand elle étudiait à l'université en Indonésie, Luna Atmowijoyo faisait ses cinq prières par jour, était membre d'un parti islamiste conservateur et refusait de serrer la main aux hommes n'étant pas de sa famille. Une décennie plus tard, elle est devenue athée et craint pour sa vie. Cette femme était plus fondamentaliste que ses parents musulmans très pieux quand, un jour, elle a commencé à douter sérieusement de sa religion. L'impensable s'est ensuite produit dans son esprit: elle a estimé que Dieu n'existait pas. Cette conception est très mal perçue dans le pays musulman le plus peuplé au monde, où les athées, très peu nombreux, redoutent de violentes représailles de religieux partisans d'une ligne dure. C'est pourquoi Luna, 30 ans, a choisi comme d'autres athées de mener une double vie. Elle a deux identités et porte toujours le voile islamique. Vivant chez ses parents, elle a peur de révéler à son père qu'elle nie désormais l'existence de Dieu. "Beaucoup de choses ont commencé à me gêner" dans la religion, raconte Luna, qui a demandé à l'AFP d'utiliser un nom d'emprunt. "Je ne pouvais par exemple pas dire Joyeux Noël ou Bon Vesak à des gens d'une autre religion", dit-elle en référence à ces deux fêtes, l'une chrétienne, l'autre bouddhiste. L'Indonésie reconnaît six religions - islam, protestantisme, catholicisme, hindouisme, bouddhisme, confucianisme - et la liberté d'expression est garantie par la loi. En théorie. Car critiquer la religion, surtout l'islam, c'est s'exposer à des poursuites pour blasphème et à une peine de prison dans ce pays d'Asie du Sud-Est de 260 millions d'habitants, dont près de 90% sont musulmans. - Menaces de mort - Les autorités répètent pourtant qu'être athée n'est pas illégal, mais à condition de ne pas nier l'existence de Dieu en public. "Une fois qu'on commence à disséminer cette idée ou le concept de l'athéisme, c'est problématique", reconnaît Abdurraman Mas'ud, directeur de l'agence de recherche et de développement au ministère des Cultes. Cette année, un étudiant a été inculpé d'insulte à l'islam pour avoir comparé sur son compte Facebook Allah aux dieux grecs et écrit que le Coran n'était pas plus scientifique que Le Seigneur des Anneaux, un célèbre roman. Il encourt jusqu'à cinq ans de prison. En 2012, un homme avait été condamné à 30 mois de prison pour avoir publié en ligne des critiques sur le prophète Mahomet et s'être déclaré athée. Outre le risque d'être emprisonné, les athées interrogés par l'AFP disent craindre que des islamistes partisans d'une ligne dure, à l'origine d'agressions et d'attaques contre des minorités religieuses, s'en prennent désormais à eux. Des cyber-groupes d'islamistes radicaux profèrent régulièrement des menaces de mort via Internet. "Le pire qui puisse nous arriver en Indonésie est d'être tué", confie un athée de 35 ans. "J'ai vraiment peur pour ma vie", dit-il. "Tant qu'ils se tiennent tranquilles, il y a peu de risque", estime Timo Duile, chercheur à l'Université rhénane Frédéric-Guillaume de Bonn (Allemagne), qui a étudié l'athéisme en Indonésie. "C'est la raison pour laquelle la plupart des athées auxquels j'ai parlé préfèrent rester incognito", dit-il. - "Plus prudente" - Personne ne sait combien il y a d'athées dans l'archipel. De petits groupes se rencontrent régulièrement dans des grandes villes, mais la plupart se retrouvent sur des forums en ligne comme celui intitulé "Demandez, des athées répondent", qui totalise près de 60.000 membres sur Facebook. Karina, une Indonésienne athée vivant à Singapour, se sent "moins seule" depuis qu'elle a découvert sur Facebook un compte pour athées dans son pays natal. L'Indonésie n'est pas le seul pays à majorité musulmane où les personnes qui nient l'existence de Dieu sont en danger. Des blogueurs athées ont été tués au Bangladesh, d'autres athées ont été menacés par des représentants du gouvernement en Malaisie et emprisonnés en Egypte. Si l'Indonésie est souvent mise en avant pour la pratique modérée de l'islam dans le pays, nombre d'athées estiment que ce n'est plus vrai. "Je deviens plus prudente", dit Karina. "Je publie toujours des critiques en ligne sur l'islam, mais maintenant c'est plus subtil. Et j'ai assez peur pour mes amis en Indonésie."

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