Subventions ou anarchie: le casse-tête du budget d'Haïti

Subventions ou anarchie: le casse-tête du budget d'Haïti
Par AFP
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button
Tous droits de reproduction et de représentation réservés. © 2024 - Agence France-Presse.
Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© 2024 - Agence France-Presse. Toutes les informations (texte, photo, vidéo, infographie fixe ou animée, contenu sonore ou multimédia) reproduites dans cette rubrique (ou sur cette page selon le cas) sont protégées par la législation en vigueur sur les droits de propriété intellectuelle. Par conséquent, toute reproduction, représentation, modification, traduction, exploitation commerciale ou réutilisation de quelque manière que ce soit est interdite sans l’accord préalable écrit de l’AFP, à l’exception de l’usage non commercial personnel. L’AFP ne pourra être tenue pour responsable des retards, erreurs, omissions qui ne peuvent être exclus dans le domaine des informations de presse, ni des conséquences des actions ou transactions effectuées sur la base de ces informations. AFP et son logo sont des marques déposées.

Les récentes violences en Haïti, qui ont forcé le gouvernement à suspendre la hausse annoncée des prix des carburants, illustrent le défi pour ce pays d'établir un budget contentant à la fois la population, la classe politique et le FMI. La république des Caraïbes doit trouver comment économiser 19,4 milliards de gourdes (la monnaie nationale) de subventions, soit 301 millions de dollars. Cela représente plus de 11% du budget national 2018-2019, déposé fin juin au parlement pour discussion. Vendredi, les ministères haïtiens de l’Économie, des Finances, du Commerce et de l'Industrie avaient déclaré augmenter les prix de l'essence de 38%, celui du gazole de 47% et celui du kérosène de 51%, à compter du samedi 7 juillet à minuit. Des rues de Port-au-Prince se sont alors hérissées de barricades, paralysant l'activité dans la capitale, qui a été la proie d'incendies volontaires et de pillages durant le week-end. Les violences ont fait plusieurs morts. Pour Luckner Michel, un chauffeur de taxi-moto interviewé par l'AFP à proximité du palais présidentiel, une telle hausse du prix de l'essence était tout simplement inacceptable. "L'essence est déjà trop chère, la vie est trop chère: ils veulent nous tuer tout simplement. Et même si je pouvais payer autant, il faudrait que j'augmente le prix des courses, mais les gens n'ont pas les moyens. Alors je n'aurais pas de clients" , assure-t-il. - Revoir les priorités - Le gouvernement est revenu samedi sur sa mesure très impopulaire. "Des nouvelles priorités vont être fixées pour tenir compte de ce qui s'est passé", a déclaré mercredi Guichard Doré, conseiller spécial du président, sur les ondes d'une radio privée. "Le financement social de l'économie n'est pas assuré depuis quelques années", a-t-il reconnu. Désertées par la police, beaucoup de rues de Port-au-Prince ont été plongées dans l'anarchie jusqu'à dimanche. Des dizaines de magasins ont été saccagés et quantité de voitures ont été brûlées. Des actes déplorés par des habitants de la capitale. "On subit la misère, on peut pas prendre encore un coup comme ça. Mais détruire les biens des gens comme on a vu, ça je ne suis pas d'accord. Certains travaillent et travaillent et voilà, en une journée ils perdent tout. Cela fait encore plus de pauvres", regrette Claudy Altidor, près de la banlieue de Pétionville où beaucoup de commerces ont été pillés. La hausse brutale des carburants résultait de la suppression des subventions aux produits pétroliers, une des clauses de l'accord signé en février par Haïti avec le Fonds monétaire international (FMI). Ce nouveau cadre de référence implique également de faire passer l'inflation sous la barre de 10%. Depuis 2015, l'inflation a oscillé annuellement entre 13 et 14% et le budget prévisionnel 2018-2019 table encore sur un taux de 13,6%. - Pauvres majoritaires- Environ 60% des Haïtiens vivent avec moins de deux dollars par jour et cette majorité pauvre de la population est très sensible à la moindre variation des prix. La répartition des maigres ressources de l’État constitue toujours en Haïti un exercice politique délicat. Chaque année le pouvoir législatif, ayant la capacité de défaire tout gouvernement, se taille une part conséquente aux dépens des autres institutions. Pour l'heure, le budget prévisionnel 2018-2019 prévoit ainsi 6.5 milliards de gourdes (100,2 millions de dollars) pour la Chambre des députés et le Sénat réunis, quant le pouvoir judiciaire ne se voit attribuer que 2.12 milliards de gourdes (32.8 millions de dollars). Et, dans un pays où plus de la moitié de la population a moins de 20 ans, le ministère de la Jeunesse, des Sports et de l'Action Civique va devoir fonctionner avec seulement 1.09 milliard de gourdes (16 millions de dollars). Ce large budget accordé au pouvoir législatif alimente la colère populaire car députés et sénateurs perçoivent au fil de l'année diverses subventions sans jamais avoir à rendre des comptes sur la façon dont cet argent public est dépensé. Plus de 200 ans après son indépendance, la première république noire de l'Histoire est toujours classée par la Banque mondiale comme l'un des pays les plus inégalitaires de la planète. Ce week-end encore, ce clivage a été dénoncé par les contestataires qui ont exigé le départ de Jovenel Moïse. Issus des milieux les plus pauvres, ils n'ont cessé d'accuser le président de ne défendre que les intérêts de l'élite bourgeoise.

Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

Slovaquie : manifestation pour l'indépendance des médias

L’info du jour | 28 mars - Mi-journée

Les pistes du gouvernement français pour réduire le déficit public