Elections au Pakistan: la jeunesse ne s'en laisse plus conter

Elections au Pakistan: la jeunesse ne s'en laisse plus conter
Par AFP
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Une foule de jeunes, la plupart armés de smartphones, entoure la voiture d'un député et commence à filmer une scène peu commune au Pakistan: des électeurs en colère réclament désormais des comptes en direct à leurs représentants.

"Où étais-tu ces cinq dernières années?", lancent les protestataires à Sikandar Hayat Khan Bosan, un propriétaire terrien et chef tribal, élu en 2013, dont le véhicule est bloqué dans sa circonscription de Multan (centre), alors qu'il fait campagne pour les législatives prévues mercredi prochain.

Le parlementaire est traité de "voleur" et de "girouette". Son assistant répète piteusement à ses contempteurs que M. Bosan ne se sent pas bien.

Etre ainsi cloué au pilori en public paraissait impensable il y a quelques années encore pour un homme politique pakistanais. A fortiori en milieu rural, où nombre de vidéos similaires ont pourtant été filmées ces derniers temps.

Elles jettent un pavé dans la mare dans une société où les propriétaires fonciers, anciens du village et chefs religieux remportaient depuis des décennies les scrutins sans rencontrer de grande opposition, en particulier dans les communautés de type féodal du sud et du centre du pays.

Ces potentats locaux avaient tout loisir d'user de leurs pouvoirs pour forcer leurs concitoyens à leur donner leur vote ou à choisir un politicien de leur choix. Courtisés par les partis politiques, leur allégeance était synonyme de passeport pour la victoire.

Mais des vidéos comme celle de Multan, partagée à des milliers de reprises, changent la donne dans un pays où environ 55 millions de personnes ont désormais accès à la 3G et la 4G, selon l'Autorité de télécommunication pakistanaise.

- Ressentiment croissant -

Les plate-formes Youtube et Facebook live sont mises à profit pour ébranler les structures traditionnelles du vote. Les puissants sont directement défiés par vidéo.

Les très nombreuses chaînes de télévision les reprennent ensuite, leur donnant une audience supérieure encore.

Leur popularité démontre un ressentiment croissant parmi les jeunes Pakistanais, observe Sarwar Bari, un analyste du Réseau pour les élections libres et justes, une coalition d'organisations de la société civile.

Les politiciens ciblés par ces vidéos "ne recevront pas, a minima, les votes des jeunes", prédit-il. Ce qui, étant donné leur poids dans le corps électoral, peut avoir un impact considérable.

Quelque 46 millions de personnes enregistrées pour les élections législatives du 25 juillet ont moins de 35 ans, soit près de la moitié d'un corps électoral de 106 millions de votants.

Près de 17,5 millions d'électeurs, âgés de 18 à 25 ans, mettront leur bulletin dans l'urne pour la première fois. M. Bari s'attend pour sa part à une participation "massive".

L'ex-champion de cricket Imran Khan, dont le parti PTI est l'un des favoris des législatives, avait su mobiliser cet électorat lors des précédentes élections en 2013. Mais même lui n'échappe pas à la tendance: une récente vidéo le montre être exfiltré alors qu'il est pris à partie à Karachi (Sud).

La même mésaventure est arrivée au Premier ministre sortant Shahid Khaqan Abbasi, forcé de renoncer à une visite dans la ville de Kahuta, près d'Islamabad, par une foule scandant : "donnez du respect aux électeurs".

- "Révolution douce" -

"Les réseaux sociaux sont devenus un outil de renforcement de la démocratie", remarque Shahzad Ahmed, directeur de l'organisation Bytes for all, un centre de recherche spécialisé dans la sécurité numérique et la liberté d'expression.

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Ils poussent notamment les jeunes à s'engager dans le processus démocratique, selon une étude récente de l'Asia foundation.

"En gros, la jeunesse utilise les réseaux sociaux comme en Egypte", estime Maham Khan, une étudiante de 21 ans, se référant aux manifestations organisées au Caire en 2011 via internet, qui ont abouti à la chute du président Hosni Moubarak.

Pour elle, Youtube, Facebook live et leurs utilisateurs jouent un rôle un peu similaire au Pakistan : ils doivent "amener une révolution sociale douce".

Le vote des jeunes reste toutefois difficile à prévoir, tant les différences socioéconomiques, religieuses et idéologiques sont grandes parmi une si vaste population.

La plupart d'entre eux revendiquent l'accès à l'emploi et une meilleure éducation.

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D'après différents sondages, cet électorat irait davantage vers le PTI d'Imran Khan, dont la lutte contre la corruption constitue le principal cheval de bataille.

"En tant que votant pour la première fois... je veux que mon vote apporte le changement", résume Rafey Khan Jaboon, un étudiant de 23 ans, interrogé pour l'AFP. Et d'affirmer : "les jeunes soutiennent un jeune parti, le PTI."

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