En Irak, au "pays des deux fleuves", la sécheresse met à l'agonie bovins et éleveurs

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Par AFP
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Dans une maigre mare près de la ville irakienne de Najaf, des buffles tentent de se rafraîchir sous un soleil brûlant. Bientôt, quelques uns devront être sacrifiés pour que le reste du troupeau survive à la sécheresse, au désespoir des éleveurs.

Sayyed Sattar, 52 ans, a vu plusieurs de ses buffles dépérir de soif. Alors, pour éviter plus de dégâts encore, il s'est résolu, la mort dans l'âme, à vendre plusieurs autres ruminants.

"Avec cet argent, nous avons pu acheter de l'eau et du foin pour le reste du troupeau", explique à l'AFP cet éleveur portant le traditionnel keffieh noir et blanc et qui vit dans le sud de l'Irak, près de la ville sainte chiite de Najaf.

Au total, dans le sud de l'Irak, les troupeaux ont fondu de 30% cette année par rapport à leur niveau de l'année dernière: les bovins sont morts de soif ou ont dû être vendus aux abattoirs en raison de l'insuffisance en eau.

Une catastrophe dans cette partie du pays où 475.000 familles vivent de l'élevage, soit un Irakien sur 10.

Ali, un éleveur de 24 ans, confie vivre avec une épée de Damoclès en permanence et parcourt des distances de plus en plus grandes afin de dénicher des sources d'eau pour son troupeau.

- Terre craquelée, rivières asséchées -

Autour de lui, des lits asséchés de cours d'eau témoignent de la sévérité de la sècheresse. La terre craquelée laisse à découvert tuyaux et canaux qui auparavant acheminaient l'eau de ces rivières vers champs et pâturages.

L'Irak, surnommé en arabe le "pays des deux fleuves" car traversé par le Tigre et l'Euphrate, voit depuis des années ses ressources en eau diminuer. Actuellement, le taux de remplissage des réservoirs de ses barrages n'est que de 10%.

Au-delà du manque de pluie, dramatique cette année selon les experts, il existe une autre raison, humaine celle-ci: le partage régional des ressources hydrauliques.

La Turquie et l'Iran voisins ont en effet dérouté de nombreux fleuves et affluents qui irriguaient l'Irak. La récente mise en route du barrage turc d'Ilisu sur le Tigre a porté un nouveau coup dur à l'agriculture irakienne avec des conséquences cruelles.

Pour la première fois cette année, le gouvernement a dû suspendre la culture du riz, du maïs et d'autres céréales nécessitant une importante irrigation.

Les pertes pour les familles qui vivaient depuis des générations de la culture du riz atteindront cette année 40 millions de dollars (34 millions d'euros), selon les autorités.

Pour étancher la soif de leurs animaux, les éleveurs doivent eux acheter, à prix d'or, une eau qu'ils ne trouvent plus dans la nature, témoigne Ali.

- "Exode à venir" -

Désormais, dans les hameaux du sud irakien, des camions-citernes font des tournées pour remplir --contre une vingtaine de dollars-- les réservoirs en plastique qui ont fleuri autour des maisons et des hangars à bestiaux.

Mais sur les marchés, les bovins, qui se vendaient encore récemment jusqu'à 5.000 dollars par tête, s'échangent désormais contre à peine 1.500 à 2.500 dollars. A ce prix, un buffle vendu ne peut garantir que deux mois de foin et d'eau pour nourrir ses congénères.

Pour faire face, beaucoup d'éleveurs ont contracté des dettes ou pris des crédits. Désormais incapables de rembourser, certains ont récemment manifesté dans le sud de l'Irak pour tenter d'obtenir des délais supplémentaires.

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"Jamais dans l'histoire l'Irak n'a connu une telle catastrophe", assure à l'AFP Ahmed al-Issaoui, chef de la Coopérative agricole de Najaf. "Nos bovins se retrouvent forcés de boire l'eau des marais où même les moustiques ne survivent pas", se lamente-t-il.

Maladies, vers, épidémies...la sécheresse a également des conséquences sur les bovins "qui se contaminent très rapidement les uns les autres et meurent", ajoute-t-il.

Les marais de Mésopotamie, l'une des plus grandes zones humides du Moyen-Orient, sont l'un des joyaux dont s'enorgueillit le sud irakien. Mais, aujourd’hui, ils ne garantissent plus de revenus à leurs habitants, qui bientôt pourraient ne plus pouvoir y vivre. "Il va y avoir un exode rural dont la ville va pâtir", prédit M. Issaoui.

Dans la province voisine de Missane, Habib al-Qartoussi connaît bien ce phénomène. Dans son district d'al-Adel, rapporte-t-il à l'AFP, "plus de 150 familles ont déjà quitté leurs maisons à cause de la sècheresse".

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