Au Bélarus, le système de santé miné par la corruption et la bureaucratie

Une cliente dans une pharmacie à Minsk, le 29 juillet 2018 au Bélarus
Une cliente dans une pharmacie à Minsk, le 29 juillet 2018 au Bélarus Tous droits réservés Sergei GAPON
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Des dizaines d'arrestations et des millions de dollars de pots-de-vin: au Bélarus, un réseau de médecins, d'hommes d'affaires et de responsables corrompus a gonflé pendant des années le prix des médicaments et du matériel médical, minant le système de santé du pays.

L'annonce a été faite à la télévision publique le mois dernier par Valeri Vakoultchik, le chef des puissants services secrets, le KGB: les enquêteurs ont découvert un vaste système de factures gonflées dans le secteur de la santé, qui se nourrissait des interminables procédures bureaucratiques héritées de l'Union soviétique dans ce pays situé aux portes de l'UE.

"Le mécanisme d'achat des médicaments et de l'équipement médical était tellement bureaucratisé que les visites dans les cabinets des responsables du secteur médical et les lenteurs administratives prenaient des mois", a expliqué M. Vakoultchik.

"Les fournisseurs honnêtes ne pouvaient pas compter sur des résultats positifs. Les achats étaient effectués non pas chez les producteurs, mais via de nombreux intermédiaires et des sociétés financières", a-t-il affirmé.

Selon lui, le prix des médicaments et de l'équipement médical était ainsi artificiellement gonflé de 10% à 60%, voir même doublé dans certains cas.

A la suite de cette annonce, 37 haut responsables du secteur de la santé ont été arrêtés et des enquêtes criminelles ont été ouvertes contre 60 personnes, dont des représentants de compagnies pharmaceutiques étrangères.

Parmi les responsables détenus figurent notamment l'ancien vice-ministre de la Santé, Igor Lossinski, des médecins issus de centres médicaux réputés et des chefs d'entreprises qui produisent et importent des médicaments.

L'un des hommes d'affaires arrêtés, le directeur du groupe Iskamed, Sergueï Chakoutine, est le frère d'un proche du président bélarusse, l'autoritaire Alexandre Loukachenko.

- "Ils ont saigné le système" -

L'agence de presse d'Etat Belta a diffusé des images montrant les perquisitions menées au domicile du directeur d'un centre médical, où les enquêteurs ont découvert 500.000 dollars en liquide, tandis que 620.000 dollars ont été retrouvés dans le garage du directeur d'une entreprise publique chargée d'importer du matériel médical.

Selon M. Vakoultchik, les pots-de-vin versés dans le cadre de ce système de corruption s'élevaient à plusieurs millions de dollars.

"Il y aura d'autres arrestations car les personnes interpellées jusqu'à présent ne sont que les exécutants", affirme à l'AFP Sergueï Satsouk, rédacteur en chef du portail d'information Ejednevnik et proche du dossier.

Selon M. Satsouk, les principaux bénéficiaires de ce système de corruption seraient d'anciens membres des forces de l'ordre à la retraite, qui ont créé des entreprises pour se partager le juteux marché des équipements médicaux.

"En l'espace de dix ans, ils ont littéralement saigné le système de santé national. On ne parle pas seulement de factures gonflées, mais aussi de certificats falsifiés et d'équipements d'occasion présentés comme neufs ou encore d'abus du système d'aides publiques", explique-t-il.

- Bureaucratie -

Il s'agit de l'un des plus grands scandales de corruption de l'histoire du Bélarus, ex-république soviétique nichée entre la Russie et la Pologne et dirigée depuis 1994 par l'autoritaire président Alexandre Loukachenko.

"La bureaucratie a privatisé le gouvernement. Il faut une réforme de tout le système de gestion de l'Etat, sinon des systèmes corrompus apparaitront partout où il y a des fonds publics", affirme à l'AFP l'économiste indépendant Iaroslav Romantchouk.

D'autres scandales de corruption, de moins grande ampleur, ont déjà secoué ces dernières années le ministère des Sports, celui des Forêts et de l'Energie, de grandes entreprises, des usines ou des banques. Trois ministres ont été limogés et des hauts fonctionnaires et responsables régionaux arrêtés.

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"Même si l'on nettoie l'appareil d'Etat de ceux qui reçoivent des pots-de-vin, la corruption au Bélarus ne disparaîtra pas en un jour", souligne M. Romantchouk.

"Dès le lendemain des condamnations (des responsables véreux), de nouvelles personnes prendront leur place et relanceront les vieux systèmes de corruption", puisque les "tentations sont trop fortes", assure-t-il.

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