Pakistan : l'ex-Premier ministre Sharif en prison, un "lion" entre quatre murs

Nawaz Sharif à Islamabad le 23 mai 2018
Nawaz Sharif à Islamabad le 23 mai 2018 Tous droits réservés AAMIR QURESHI
Par AFP
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Il a été trois fois Premier ministre, trois fois destitué, a connu l'exil... mais c'est depuis sa prison que Nawaz Sharif, figure politique majeure au Pakistan, a dû assister au triomphe électoral de son grand rival, l'ex-champion de cricket Imran Khan.

Nawaz Sharif, 68 ans et incarcéré depuis mi-juillet, démarre un des derniers chapitres de sa longue carrière dans une cellule, où il purge une peine de dix ans pour corruption.

Il n'a pas pu participer aux élections législatives du 25 juillet, remportées par Imran Khan, qui prendra dans quelques jours les rênes d'un gouvernement de coalition.

Un tel scénario paraissait impensable il y a encore un an lorsque M. Sharif, alors Premier ministre populaire grâce à sa politique de grands travaux, semblait s'orienter vers une réélection facile.

Mais en juillet 2017, une décision controversée de la Cour suprême, qui le destitua pour corruption, brisa son élan. Il fut ensuite banni de la tête de son parti, la Ligue musulmane pakistanaise (PML-N), rendu inéligible et finalement emprisonné deux semaines avant le vote.

Pour "le lion du Pendjab", du nom de la riche province de l'Est dont il est originaire, la puissante armée pakistanaise a orchestré sa chute, secondée par la justice, afin de l'évincer du pouvoir et le remplacer par Imran Khan.

"Nawaz est né et a été nourri par la dictature du général Zia-ul Haq", arrivé au pouvoir lors d'un putsch en 1977, qui a parrainé son entrée en politique, rappelait fin mai l'ex-sportif lors d'un entretien avec l'AFP. "Ses théories conspirationnistes (...) sont un écran de fumée", ironisait-il.

Mais Nawaz Sharif n'est pas le seul à estimer que les élections n'ont pas été "libres et justes". De nombreux observateurs ont qualifié la campagne de "plus sale" de l'histoire du pays du fait d'interférences multiples de l'armée. L'opposition crie à la fraude électorale.

- "Courber l'échine" -

M. Sharif "est puni pour une seule raison : car il n'a pas courbé l'échine" face aux militaires, affirme à l'AFP Mushahidullah Khan, ex-ministre du PML-N. "Nawaz Sharif ne s'est pas agenouillé devant eux. C'est Imran Khan qui l'a fait !"

"Nawaz Sharif se bat pour la suprématie du pouvoir civil" sur l'armée, renchérit Muhammad Zubair, un autre cadre du PML-N, qui lui rend visite chaque semaine.

Selon lui, son incarcération relève d'un "sacrifice" désintéressé.

Déjà chassé du pouvoir en 1993 en raison de soupçons de corruption, puis condamné à l'exil en 1999 après un putsch militaire, Nawaz Sharif "ne concourra pas pour un quatrième" mandat, assure M. Zubair.

"Il est temps maintenant de voir comment l'histoire se souviendra de lui", relève-t-il.

D'après ses proches, les Pakistanais se rappelleront que "Nawaz", tout comme sa fille Maryam, qui a écopé de 7 ans de prison dans la même affaire, étaient à Londres, au chevet de leur épouse et mère, atteinte d'un cancer, quand les sentences sont tombées.

Ils ont pourtant choisi de revenir au Pakistan, où ils ont été interpellés par des militaires dès leur atterrissage.

"Ils escomptaient un bénéfice électoral. Mais leur pari n'a pas porté ses fruits", observe l'analyste Fahd Husain.

Jadis omniprésent dans les médias, Nawaz Sharif est désormais inaudible. Maryam, pressentie comme son héritière politique, l'est également, incarcérée dans la même prison de haute sécurité de Rawalpindi.

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En terme d'"héritage" des Sharif, "tout dépendra des résultats du nouveau pouvoir", estime Fahd Husain. Si le gouvernement d'Imran Khan est apprécié, "le message de Nawaz Sharif se perdra. Dans le cas contraire, il regagnera du terrain."

- Problèmes d'hygiène -

En attendant, le PML-N critique ses conditions de détention, dénonçant de "sérieux problèmes d'hygiène". Nawaz Sharif, qui souffre d'hypertension, a été brièvement hospitalisé fin juillet.

"Il va mieux", rapporte Muhammad Zubair à l'AFP. L'ex-Premier ministre, qui "n'est pas dans la pire cellule", dispose selon lui d'"un meilleur lit" que la plupart des détenus et d'"une télévision avec trois chaînes", "mais il n'a pas le droit de rencontrer les autres prisonniers" et ne peut voir Maryam "que les dimanches".

Les électeurs du PML-N, dont il a longtemps été le héros, sont divisés. "Beaucoup de leaders du parti lui avaient dit de ne pas s'en prendre à l'armée et la justice...", regrette Naja Nisar, agent immobilier de 52 ans, qui a toujours voté PML-N mais ne croit plus en Nawaz.

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Kashan Arshid, ancien responsable jeunesse du parti à Rawalpindi, préfère souligner sa combativité. "C'est la troisième fois qu'il souffre. A chaque fois, les gens disent qu'il est fini. Mais ensuite il revient encore plus fort", affirme-t-il. "Le lion rugira encore."

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