Au Bangladesh, des enquêteurs oeuvrent pour rendre justice aux Rohingyas

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En tailleur dans la pénombre d'une cabane de bambou sans fenêtres, l'enquêteur appuie sur le bouton d'enregistrement de sa caméra et demande à une jeune femme rohingya de décrire la nuit où les soldats birmans ont fait irruption chez elle.

"Ils ont enfoncé notre porte. Ils ont traîné mon mari dehors et lui ont tiré dessus", se souvient cette réfugiée de 20 ans, qui fait partie des 700.000 Rohingyas qui ont fui la Birmanie pour le Bangladesh il y a un an.

"Ensuite, ils ont tué mon fils. Quatre d'entre eux m'ont violée", détaille celle qui ne peut donner son identité pour raisons juridiques. Seuls ses yeux sont visibles derrière un voile recouvrant son visage.

A Cox's Bazar au Bangladesh, non loin de la frontière birmane, au sein du plus grand camp de réfugiés du monde - un million de personnes -, des enquêteurs documentent discrètement les souffrances endurées en 2017 par la minorité musulmane rohingya.

Aidés de bénévoles armés de papiers et stylos, ces professionnels expérimentés travaillant pour le compte de gouvernements, des Nations Unies ou de groupes de défense des droits de l'homme récoltent des preuves dans l'espoir de rendre justice aux Rohingyas.

Nurjahan, dont le mari et le fils ont également été tués, s'est fait un devoir de parler au nom des femmes de sont village violées sous la menace d'une arme à feu.

Cette femme de 45 ans est ainsi l'une des premières parmi les 400 femmes rohingyas à avoir posé leur empreinte sur un document légal réclamant officiellement une enquête de la Cour pénale internationale (CPI).

Ce groupe de femmes, baptisé "Shanti Mohila" (femmes de paix), a également collecté des témoignages de victimes et des signatures pour faire pression pour l'ouverture d'une enquête par la CPI.

"Nous avons perdu nos fils. Nos filles ont été violées. Nous voulons la justice pour eux", explique Nurjahan à l'AFP.

- Approche unique -

La seule autre demande d'enquête déposée devant la CPI concerne le massacre de Tula Toli, ce village birman où les habitants musulmans avaient été rassemblés méthodiquement avant d'être abattus le 30 août 2017.

Des témoignages en faveur d'une enquête plus large sont déjà arrivés jusqu'à La Haye, où siège la CPI. Il est notamment demandé à la Cour d'enquêter sur des crimes contre l'humanité, accusations rejetées par la Birmanie.

Seule une poignée de soldats ont été poursuivis par la Birmanie pour leur implication dans un seul massacre.

En outre, la Birmanie n'est pas signataire du Statut de Rome, traité fondateur de la CPI, et la CPI ne peut enquêter dans un pays non-membre qu'avec un mandat de l'ONU. En revanche, la Cour a juridiction au Bangladesh, où sont réfugiés des centaines de milliers de Rohingyas.

C'est pourquoi des procureurs de la CPI et des avocats des droits de l'homme ont opté pour une enquête préliminaire au Bangladesh, suscitant les "vives préoccupations" de la Birmanie.

- Combien de bébés tués ? -

L'enquêteur Osman Jahangir s'évertue à rassembler des preuves au nom de l'ONG bangladaise de défense des droits de l'Homme Odhikar.

"Combien de soldats vous ont violées? Avez-vous vu combien de bébés ont été jetés dans la rivière ?" demande-t-il aux réfugiés.

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Sous une tente, il rassemble des dossiers médicaux ou encore des images capturées par les smartphones.

"J'ai étudié la guerre en Bosnie. Il y a eu un procès", argumente M. Jahangir. "J'espère vraiment que nous pourrons rendre justice aux Rohingyas".

Ces ONG et groupes de volontaires sur le terrain n'ont toutefois ni les ressources ni l'expertise des enquêteurs des Nations Unies ou du département d'Etat américain.

Les spécialistes de la justice craignent également que leurs efforts d'amateurs pour réunir des témoignages ne contaminent les preuves en cas de procès.

Des arguments qui toutefois ne freinent pas le zèle des équipes.

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"Personne ne peut nier" les massacres, estime le chef de communauté Mohibullah, tout en parcourant sur un vieil ordinateur une base de données répertoriant des abus subis par les Rohingyas.

"Nous savons que cela peut prendre très longtemps, même des années", admet Sukutara, membre du groupe Shanti Mohila. "Même si je meurs, et que mes enfants obtiennent un jour justice, je serai heureuse".

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