La hausse de l'essence au Venezuela en cinq questions

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Le Venezuela va bouleverser sa politique tarifaire de l'essence, qui restera subventionnée pour les seuls détenteurs d'un "carnet de la Patrie", carte qui donne accès aux aides de l'Etat: une mesure sensible dans ce pays où le carburant est le moins cher du monde.

Alors que l'opposition dénonce un renforcement du mécanisme de contrôle social, quels sont les conséquences de ce virage en pleine crise politico-économique?

- Qu'a annoncé Nicolas Maduro?

Le président vénézuélien Nicolas Maduro a annoncé lundi que l'essence resterait subventionnée uniquement pour les détenteurs du "carnet de la Patrie".

Les Vénézuéliens ont jusqu'à vendredi pour faire recenser leur véhicule. "Les personnes qui ne répondent pas à cet appel au recensement (...) devront payer le carburant au prix international", a-t-il prévenu.

Avec un dollar échangé au marché noir, les Vénézuéliens peuvent actuellement s'acheter 5 millions de litres d'essence, à un bolivar l'unité, un prix déjà subventionné, mais seulement 1,5 litre de Coca Cola.

Le dirigeant socialiste a laissé entendre que cette hausse serait progressive et étalée sur deux ans.

- Quelles sont les zones d'ombres? -

M. Maduro n'a pas précisé ce qu'il entendait par "prix international" ni quand le nouveau tarif entrerait en vigueur.

En Amérique latine, le prix du litre d'essence varie entre 1,84 dollar (Uruguay) et 0,85 dollar (Panama), un montant inaccessible pour la plupart des Vénézuéliens.

La salaire minimum au Venezuela est d'un dollar, contre 470 en Uruguay.

Les futures modalités de contrôle de la distribution du carburant subventionné ne sont pas claires non plus. A la frontière colombienne, une puce a été installée sur les véhicules, afin d'éviter la contrebande. Mais ce test est un échec.

Pour l'opposition, ce double tarif est "discriminatoire".

Il faudra aussi trouver d'autres moyens de paiement, car les stations-service n'acceptent que l'argent liquide, très rare dans ce pays.

- Qu'y a-t-il derrière cette mesure? -

Pour l'analyste Luis Vicente Leon, directeur du cabinet Datanalisis, l'Etat ne cherche pas à augmenter le contrôle mais à accroître ses revenus.

Selon le gouvernement, 16 millions de personnes, sur une population de 30 millions, possèdent le "carnet de la Patrie". Le parc automobile est de 4,5 millions de véhicules.

La production de pétrole, qui apporte au Venezuela 96% de ses revenus, s'est effondrée de 3,2 à 1,46 millions de barils par jour entre 2008 et 2018, selon l'Opep.

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Le Venezuela doit en outre payer quelque 18 milliards de dollars de dette en 2019, selon le cabinet Ecoanalitica, avec des réserves d'à peine 8,4 milliards et des sanctions des Etats-Unis qui empêchent de nouveaux financements.

Le spécialiste du pétrole Luis Oliveros évalue le coût de l'essence subventionnée à 10 milliards de dollars par an depuis 2012.

Ce qui alimente l'énorme déficit (18% du PIB) auquel le gouvernement tente de pallier en faisant tourner la planche à billets. Conséquence: le Fonds monétaire international (FMI) prévoit une inflation de 1.000.000% à la fin 2018.

M. Oliveros juge que la décision du président pourrait se traduire par un "rationnement" de l'essence.

- Y aura-t-il un impact social? -

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Les mouvements de grogne sociale liés à la crise économique et aux difficultés des services publics se multiplient.

Et le sujet de l'essence est très sensible au Venezuela, où tout le monde se souvient du "Caracazo", le nom donné aux émeutes meurtrières qui s'étaient déclenchées en 1989 lorsque le gouvernement de l'époque avait annoncé une hausse des prix à la pompe. Selon les chiffres officiels, 300 personnes avaient été tuées.

Nicolas Maduro avait déjà augmenté les prix des carburants en 2016, mais la hausse avait été rapidement rattrapée par l'inflation galopante.

Maintenir les subventions, c'est "un discours pour réduire le coût politique", souligne M. Léon.

- Cela empêchera-t-il la contrebande? -

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Nicolas Maduro affirme que le faible coût de l'essence est à l'origine d'un trafic vers la Colombie. Il estime que cela constitue une perte nette pour le pays de 18 milliards de dollars (15,80 milliards d'euros) par an.

Dans les Etats frontaliers de Tachira et Zulia, où un système de puce pour les véhicules existe déjà, la contrebande se poursuit.

Les experts soulignent en outre qu'avec un double système des prix, la tentation sera trop forte pour ceux qui auront accès à l'essence subventionnée de la revendre.

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