Khashoggi: Ryad aurait plus à perdre qu'à gagner d'une escalade avec Washington, selon des experts

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L'Arabie saoudite aurait plus à perdre qu'à gagner économiquement d'une escalade avec les Etats-Unis, estiment des experts occidentaux, deux semaines après la disparition du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, qui a donné lieu à des menaces inhabituelles entre les proches alliés.

Signe de la gravité de la crise, le président Donald Trump a dépêché son secrétaire d'Etat Mike Pompeo à Ryad, où il va s'entretenir avec le roi Salmane et le puissant prince héritier Mohammed Ben Salmane. Selon M. Trump, le souverain a affirmé "tout ignorer" du sort de M. Khashoggi. Des responsables turcs ont affirmé qu'il avait été assassiné par un commando saoudien dans le consulat du royaume à Istanbul.

Depuis le 2 octobre, cette affaire a un retentissement planétaire et le week-end a été marqué par des menaces américaines et des répliques saoudiennes, alors que les Etats-Unis sont le premier partenaire commercial de l’Arabie saoudite.

Si Ryad, premier exportateur mondial de brut, recourait à l’arme du pétrole --elle vend un million de barils par jour aux Etats-Unis--, cela "détruirait complètement son image de +fournisseur fiable+ et déstabiliserait +MBS+ (le surnom du jeune prince héritier, ndlr) vis-à-vis des élites saoudiennes", explique le spécialiste en énergies, Jean-François Seznec, basé aux Etats-Unis.

Cette affaire embarrasse au plus haut point M. Trump, qui a fait de sa relation personnelle avec le roi Salmane et son fils, le prince Mohammed, l'un des piliers de sa stratégie consistant à rapprocher l'Arabie saoudite et Israël contre l'Iran.

Le président américain comptait sur Ryad pour compenser toute baisse de la production de pétrole --et donc des tensions sur les prix-- résultant d'un nouveau train de sanctions prévu contre Téhéran début novembre.

- "Tout et son contraire" -

"Trump est tiraillé, il dit tout et son contraire" mais le Congrès, où des élus se mobilisent fortement, "ne lâchera pas", note François Heisbourg, conseiller à la Fondation pour la recherche stratégique basée à Paris.

Des parlementaires démocrates mais aussi républicains pourraient bloquer des ventes d'armes et l'administration Trump serait sous pression pour sanctionner des individus si le rôle de l'Etat saoudien était prouvé.

Après son échange téléphonique avec le roi Salmane, M. Trump n'a pas exclu que la disparition de Jamal Khashoggi ait été l'oeuvre "de tueurs hors de contrôle". Il avait auparavant évoqué un châtiment "sévère", autrement dit des sanctions, si la responsabilité du royaume était avérée.

Cette menace est très mal passée à Ryad où un haut responsable a rappelé que l'Etat pétrolier jouait "un rôle vital dans l'économie mondiale" et qu'en cas de mesures punitives, il pouvait lui-même recourir à des actions plus fortes, selon lui.

La chaîne à capitaux saoudiens Al-Arabiya a évoqué 30 mesures potentielles qui pourraient affecter notamment le prix du pétrole --"un baril à 200 dollars", au lieu de 80 aujourd'hui-- ainsi que la monnaie de référence pour son achat.

Selon M. Seznec, chercheur au Center for Global Energy de l'Atlantic Council, si la crise dégénérait avec des conséquences sur le pétrole, "MBS pourrait exiger des paiements en yuan (la monnaie chinoise au lieu du dollar), mais cela déstabiliserait toute l’économie mondiale et amènerait les Etats-Unis à prendre des mesures drastiques" pouvant précipiter "un changement de leadership en Arabie" saoudite.

- "Impétuosité" du royaume -

Richard LeBaron, ancien ambassadeur américain au Koweït, également associé à l'Atlantic Council, prédit que toute mesure de rétorsion des Saoudiens "ne les aidera ni à court ni à long terme car elle renforcera la réputation croissante d'imprévisibilité et d'impétuosité du régime", qui cherche des investisseurs "partout dans le monde".

Pour M. Heisbourg, si Ryad avait recours à un embargo pétrolier, "les producteurs de pétrole de schiste aux Etats-Unis se frotteraient les mains, les Chinois en souffriraient, les Européens aussi".

Et si le Congrès américain décidait de bloquer des ventes d'armes, "les Saoudiens pourraient se tourner vers la Russie mais, pendant un temps, le royaume (qui repose entièrement sur des systèmes américains) n'aurait plus de défense en raison d'un grave problème de pièces de rechange".

Quelques jours après la disparition de M. Khashoggi, M. Trump avait affirmé lors d'une réunion publique que le roi Salmane pourrait ne pas tenir "deux semaines" sans les Etats-Unis.

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Une escalade pourrait aussi avoir des répercussions sur le partage d'informations sécuritaires et l'ensemble des échanges commerciaux avec l’Occident. Mais, selon M. Heisbourg, les Saoudiens "n’ont pas intérêt à aller trop loin".

Un avis partagé par M. Seznec: "oui, absolument", ils ont plus à perdre qu'à gagner d’une escalade, dit-il, ajoutant: "il s’agit uniquement de gesticulations pour leur donner le temps de trouver une solution".

Le centre d'analyses Soufan a critiqué M. Trump pour avoir fondé les relations bilatérales avec Ryad "sur des personnes plutôt que sur des principes" depuis l'ascension du prince Mohammed.

Dans plusieurs déclarations la semaine dernière, le président américain avait mis en avant des méga-projets militaires de 110 milliards de dollars avec Ryad générant des emplois aux Etats-Unis et susceptibles d'être dépensés par les Saoudiens "en Russie ou en Chine" si la relation Washington-Ryad était affectée.

Selon le New York Times, ce chiffre de 110 milliards, annoncé lors d'une visite de Donald Trump à Ryad en mai 2017, a été "gonflé" et consistait seulement en "des lettres d'intention ou d'intérêt". Dix-sept mois plus tard, "l'aubaine ne s'est pas encore matérialisée".

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