Angoisse de la présidentielle: les Brésiliens sur le divan

Angoisse de la présidentielle: les Brésiliens sur le divan
Par AFP
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La présidentielle de dimanche au Brésil, inédite par sa charge de tensions entre les deux camps, de violences physiques ou verbales et d'angoisses pour l'avenir, a envoyé de nombreux Brésiliens chez les psychanalystes et psychologues.

Dans un pays où la pratique analytique de Freud ou Lacan a été bien diffusée, en tout cas pour les classes aisées, une souffrance induite par le climat électoral se fait entendre dans le cabinet des thérapeutes.

"80% de mes patients" expriment une souffrance liée à l'élection, "c'est énorme", dit à l'AFP Admar Horn, de la Société brésilienne de psychanalyse (SBP), à Rio de Janeiro, à quelques jours du 2e tour dimanche.

"Mes patients ont une angoisse qui monte, parce qu'ils sont devant l'inconnu", dit le psychanalyste, évoquant une "ambiance dangereuse" et chez certains "une peur terrible d'un retour à un régime d'extrême droite".

"Il y a des amitiés de longue date qui se sont défaites, de gros conflits qui sont apparus, au sein de la famille, au bureau", poursuit-il.

Antonio Alberto Rito, lui, a "un agenda plein" avec "tous ces nouveaux patients qui viennent avec leur angoisse et beaucoup de peur" dans son cabinet de psychologue clinicien de Rio.

"En près de 20 ans de clinique, c'est la première fois que je vois ça," dit-il, ce "climat de polarisation, de négation de l'autre, de haine très forte", que le patient soit un électeur du candidat d'extrême droite Jair Bolsonaro, l'ultra-favori de la présidentielle, ou de celui de gauche Fernando Haddad.

"Une patiente m'a même dit que si je votais pour Bolsonaro elle ne viendrait plus jamais ici!", ajoute-t-il.

Les Brésiliens arrivent avec des symptômes comme "des troubles de l'humeur, des insomnies, des cauchemars, des crises de boulimie", dit le psychologue.

Sur le divan, le psychanalyste Admar Horn constate de son côté des somatisations avec "des problèmes d'allergie ou gastriques" ou des réactivations d'"attaques de panique qui avaient été soignées".

- Thérapie de groupe -

Fernando Rocha, psychanalyste de Rio également membre de la SBP, voit des patients développer des "états d'angoisse". C'est notamment le cas de membres de la communauté homosexuelle/LGBT, particulièrement stigmatisée par Bolsonaro, "des gens qui avaient trouvé leur place" dans la société et "qui commencent à avoir très peur de sortir dans la rue, de se faire agresser".

"Presque tous mes patients sont très inquiets de ce qui va leur arriver, ils sont angoissés et parfois même déprimés", dit le psychanalyste.

A Sao Paulo, des séances de thérapie de groupe gratuites ont été proposées aux Paulistes pour les aider à faire face à leurs "angoisses électorales", a rapporté le quotidien O Globo.

Des Brésiliens sont venus y raconter l'impossibilité soudaine de débattre rationnellement en famille, au bureau ou avec les amis, tant les esprits sont chauffés à blanc par cette élection au coeur de toutes les discussions.

Des étudiants ont aussi fait état de "difficultés à se concentrer". "J'ai tout lu sur Bolsonaro. Je n'arrive plus à lire un livre", dit l'un d'eux cité par O Globo.

Les millions de lycéens qui passeront l'Enem, l'équivalent du baccalauréat, une semaine après le 2e tour, doivent décrocher de leurs téléphones portables saturés de messages politiques pour avoir une chance de rentrer à l'université.

Andre de Souza, un électeur de Rio, a ainsi indiqué à l'AFP recevoir quelque 500 messages sur WhatsApp par jour, pour et contre les deux candidats.

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- "Dans la tête de Bolsonaro" -

Parallèlement, des psychanalystes ont été invités à aller "dans la tête de Bolsonaro" par le magazine Epoca. Avec toutes les limites d'un exercice mené sans le patient.

Plusieurs d'entre eux ont cru déceler une "personnalité autoritaire" à la "cruauté patente", tendant vers "la paranoïa" avec une "fragilité narcissique".

Un psychanalyste a évoqué aussi une personnalité "autocentrée" et "mégalomaniaque", et vu une "dimension messianique dans le comportement du candidat", que ses fidèles appellent "Mito" (Le Mythe) et dont le nom complet est Jair Messias (Messie) Bolsonaro.

Avec son discours sécuritaire, le probable futur président voudrait incarner pour les Brésiliens un "substitut de père" dont "on a peur et auquel on se soumet en échange de sa protection", dit l'analyste.

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Pour Fernando Rocha, qui renvoie aux mécanismes décrits par Freud dans "Psychologie des masses", Bolsonaro, est une figure "idéalisée" qui suscite une adhésion "complètement primitive, comme lui-même".

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