A Idleb, l'"ingénieur des manifestations" croit encore à la révolution syrienne

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Huit ans après avoir manifesté pour la première fois de sa vie contre le régime de Bachar al-Assad en Syrie, Bahr Nahas proteste encore toutes les semaines dans la province d'Idleb, même si une partie des slogans ont changé.

Infatigable, ce quadragénaire aux cheveux grisonnants aide depuis deux mois à préparer les rassemblements qui rythment les vendredis à Maaret al-Noomane, petite ville de l'ultime grand bastion insurgé de Syrie, dans le nord-ouest du pays.

Chaque semaine, agenouillé dans une bâtisse à moitié démolie par les bombardements, il improvise des slogans, en arabe et en anglais, qu'il appose soigneusement à l'encre sur des banderoles en tissu blanc, brandies lors de cortèges organisés après la prière musulmane du vendredi.

Dès 2011, "j'ai commencé à prendre part aux manifestations pour la liberté et la dignité", confie ce père de cinq enfants, que ses amis surnomment l'"ingénieur des manifestations".

"Je n'oublierai jamais ça", poursuit-il sur un ton mi-amer, mi-enthousiaste. A l'époque, dans la foulée des Printemps arabes, "on avait l'espoir que le régime tombe en quelques jours ou quelques semaines".

Mais la mobilisation inédite a été réprimée dans le sang par Damas et la révolte, d'abord pacifique, s'est transformée en guerre meurtrière, impliquant rebelles armés, puis groupes jihadistes et puissances étrangères.

Quant au régime, il semble plus que jamais indéboulonnable. Appuyé par la Russie et l'Iran, il contrôle près des deux tiers d'un pays où le conflit a fait plus de 360.000 morts.

Dans cet engrenage, les aspirations populaires ont été noyées par les enjeux géopolitiques complexes.

- "J'aurais souhaité mourir" -

Au fil de ces années de rêves et de désillusions, M. Nahas a tout vu: la répression, la montée fulgurante de l'ex-branche syrienne d'Al-Qaïda, mais aussi l'exil et la mort de nombreux compagnons de route, "sur le front, ou sous la torture dans les prisons du régime".

Cet ancien proviseur, reconverti dans la fabrication de carrelage, se souvient d'un jour de novembre 2015, quand un raid aérien a visé son école primaire.

"Je me suis précipité pour sauver les écoliers, je ne pouvais rien voir à cause de la poussière", raconte-t-il. "J'ai entendu quelqu'un m'appeler, je me suis dirigé vers la voix, c'était un élève".

Le jeune garçon avait la jambe sectionnée mais M. Nahas a réussi à le sortir des décombres, avant de voler au secours de deux autres enfants.

"Tout ça s'est passé en trois minutes, j'ai sauvé des écoliers et j'ai retrouvé des membres humains sur le sol", lâche-t-il.

Trois enfants ont été tués dans la frappe. "A l'époque, j'aurais souhaité mourir avec eux. Cela aurait été plus facile que de me rendre dans leurs maisons pour présenter mes condoléances".

Mais M. Nahas n'a jamais perdu sa foi inébranlable en la "révolution" et la violence ambiante n'a pas eu raison de sa détermination à défendre l'aspect pacifique de la contestation.

- Nid de "terroristes" -

En 2014, quand le groupe Etat islamique (EI) entame sa percée fulgurante en Syrie, les jihadistes prennent brièvement le contrôle de certains quartiers de Maaret al-Noomane, avant d'en être chassés par les rebelles.

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Puis, en juin 2017, elle tombe aux mains de Fateh al-Cham (anciennement le Front al-Nosra), nom donné à l'ex-branche syrienne d'Al-Qaïda, qui domine aujourd'hui l'organisation Hayat Tahrir al-Cham.

Mais ces jihadistes, qui contrôlent actuellement 60% de la province d'Idleb, sont également expulsés de la ville par les rebelles en février 2018.

"On était une des premières villes à manifester contre l'EI", lance fièrement M. Nahas. "Après ça, on a manifesté contre le Front al-Nosra et al-Qaïda et ils ont aussi été délogés".

Depuis deux mois, les rassemblements de Maaret al-Noomane ont repris pour dénoncer une offensive que le régime menaçait de lancer contre la province, considérée par Damas comme un nid de "terroristes".

Ces manifestations doivent "prouver au monde entier qu'on n'est pas un peuple de terroristes qui appartiennent à Al-Qaïda, au Front al-Nosra, ou à l'EI", insiste M. Nahas.

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L'assaut du régime a finalement été évité, pour l'instant, par un accord russo-turc dévoilé en septembre, qui prévoit la mise en place d'une "zone démilitarisée" pour séparer Idleb des régions gouvernementales attenantes.

Mais la situation reste explosive dans la province: la mise en place de la zone tampon n'est pas effective, des frappes du régime ont tué sept civils le 26 octobre, et Bachar al-Assad a redit sa détermination à reconquérir l'ensemble du territoire.

Alors chaque semaine à Maaret al-Noomane, les manifestants défilent. "La révolution pour laquelle tant de gens sont morts ou ont été emprisonnés ne peut pas s'arrêter avant la chute du régime", s'entête M. Nahas.

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