Le président nicaraguayen Ortega met en scène le soutien de ses partisans

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Enveloppés dans le noir et rouge du drapeau du parti sandiniste au pouvoir, des partisans du président Daniel Ortega dansent et chantent sur des rythmes endiablés autour d'une scène fleurie, quand soudain apparaît le "Comandante".

Des animateurs crient, leur voix amplifiée par de puissants haut-parleurs : "Daniel ! Daniel !" ou "Même si ça ne te plaît pas, le commandant ne part pas !". D'un pas lent, le président nicaraguayen arpente la scène, haute de deux mètres, et salue la petite foule où se mêlent militants et employés de l'administration ou d'entreprises publiques qui ont parcouru auparavant plusieurs kilomètres à pied.

"Je suis venue pour la marche (de soutien au président Ortega) de mon propre gré, vous savez. Cela vient du coeur, et je le fais avec plaisir", assure à la journaliste de l'AFP Marina, venue d'un quartier de l'ouest de Managua. Elle marche vite, pour échapper à d'autres questions.

"Il faut défendre cette cause, la cause des pauvres", ajoute Antonio Rivera, un agriculteur de 40 ans.

En septembre, Daniel Ortega et son épouse et vice-présidente Rosario Murillo ont lancé ce qu'ils ont appelé "la bataille des marches", sur des parcours balisés pouvant aller jusqu'à sept kilomètres.

- La peur de perdre son emploi -

Une manière de contrer les manifestations de l'opposition, qui continue de réclamer le départ du couple présidentiel après six mois de crise, plus de 320 morts, 2.000 blessés et environ un demi-millier d'arresations.

Avec ces "marches officielles", le régime "se trompe lui-même", estime le sociologue Oscar René Vargas. "Le gouvernement Ortega-Murillo a tendance à se bercer d'illusions, en disant, par exemple, qu'il arrive à mobiliser des milliers (de partisans) quand en réalité ils ne sont que quelques centaines", assure le sociologue.

Derrière les sourires et les slogans à la gloire du "commandant Ortega" se cache aussi, pour les salariés du secteur public, la crainte de perdre leur emploi s'ils n'obéissent pas aux consignes. La crise politique s'accompagne en effet d'une grave crise économique : des entreprises ont cessé leur activité, laissant 100.000 personnes sans emploi, selon les statistiques officielles (des économistes indépendants tablent sur plus de 300.000 emplois supprimés).

"Je vais aux manifestations (officielles) toutes les fois qu'il faut. J'ai besoin de travailler : j'ai une famille et des dettes à rembourser", explique "René" à l'AFP. Cet avocat âgé de 40 ans travaillant pour une entreprise publique a refusé de révéler son véritable nom, par peur des représailles.

"René" a ainsi fait le tour des ronds-points sur le périphérique de Managua où sont organisées par le régime des manifestations à grands renforts de slogan et de drapeaux sandinistes, qu'il pleuve ou qu'il vente. Des autobus emmènent sur place les "manifestants" à qui l'on donne "une boisson, de l'eau, et des bonbons", explique "René".

- Instruments de repression -

"Au lieu d'être à leur poste de travail, ces fonctionnaires ont été transformés par le gouvernement en instruments de répression", selon Gonzalo Carrion, le directeur juridique du Centre nicaraguayen des droits de l'homme (CENIDH).

Le CENIDH, assure-t-il, reçoit les plaintes de salariés du secteur public qui "ne veulent pas s'armer" pour grossir les rangs des paramilitaires, ou en ont assez de devoir participer aux marches de soutien au régime.

Ceux qui soutiennent le gouvernement sont des fonctionnaires qui bénéficient "de hauts salaires, qui ont reçu des cadeaux (du régime) comme des maisons, des voitures de fonction, et du travail pour tous les membres de la famille", témoigne Shirley González, qui était encore voici deux mois militante d'un syndicat proche du pouvoir.

Les militants du parti sandiniste font pression "sur toi jusqu'à te faire perdre toute dignité", dit Juana à l'AFP. Sans appartenance politique, elle dit avoir été licenciée par son administration après avoir refusé de participer à une marche de soutien au régime.

"Les plus fanatiques me disaient que je devais avoir honte de ne pas soutenir le gouvernement, qu'ils allaient me faire arrêter. tout ça me mettait sur les nerfs. J'ai eu une allergie provoquée par le stress. J'ai dû consulter un psychologue... Et puis ils m'ont licenciée", raconte Juana, la voix entrecoupée de sanglots.

Les Comités de direction sandinistes et la Jeunesse sandiniste "contrôlent tout" : les pages Facebook, le courrier, les ordinateurs. Les travailleurs sont aussi surveillés chez eux par les Conseils du Pouvoir Citoyen qui quadrillent les quartiers, explique une fonctionnaire, sous le pseudonyme "González".

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Les militants sandinistes "utilisent pour les groupes d'intervention" les vigiles, les coursiers, les chauffeurs ou d'autres salariés peu qualifiés du secteur public. "On leur donne des barres de fer, on leur fournit des armes", dit un employé de ménage, qui témoigne sous le nom de "Néron", les mains et le visage cachés.

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