Brésil: un gouvernement Bolsonaro de militaires et d'ultra-libéraux

Le président élu du Brésil Jair Bolsonaro à Brasilia le 5 décembre 2018
Le président élu du Brésil Jair Bolsonaro à Brasilia le 5 décembre 2018 Tous droits réservés EVARISTO SA
Par AFP
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Ultra-libéral sur le plan économique, très conservateur sur le plan moral, avec une forte présence militaire et seulement deux femmes: c'est le profil atypique du futur gouvernement du président élu d'extrême droite du Brésil Jair Bolsonaro.

L'ancien parachutiste de l'armée, dont l'investiture aura lieu le 1er janvier, avait promis de dégraisser au maximum l'exécutif, réduisant à 15 le nombre de ministères, contre 29 actuellement.

Au final, il a nommé 22 ministres, dont sept militaires, deux femmes et aucun Noir.

Chacune de ces nominations a été annoncée sur Twitter, la dernière dimanche, avec l'avocat Ricardo Salles, qui prendra en charge le dossier sensible de l'Environnement.

Un choix fortement critiqué par Greenpeace et d'autres ONG qui mettent en cause des liens présumés avec le lobby de l'agro-business, ce dernier ayant déjà fortement influencé le choix de la future ministre de l'Agriculture Tereza Cristina.

Oliver Stuenkel, professeur de relations internationales à la Fondation Getulio Vargas s'attend à un "jeu de pouvoir" entre "trois groupes aux objectifs très distincts".

"Il y a le groupe nationaliste et antimondialisation, aligné avec la politique populiste de Donald Trump, un groupe néo-libéral aux commandes de l'économie et celui des militaires, qui exercent leur influence sur plusieurs secteurs", explique-t-il.

Lundi, lors de la cérémonie officielle de remise du diplôme lui permettant d'accéder à la fonction suprême, Jair Bolsonaro a promis de gouverner le Brésil "sans distinction" de "race, sexe ou religion", en dépit des dérapages racistes, misogynes ou homophobes qui ont entaché sa carrière politique.

- Des 'Chicago Oldies' à Brasilia

L'un des grands défis du gouvernement Bolsonaro sera de redonner des couleurs à l'économie brésilienne, après deux années de timide croissance qui ont suivi une récession historique.

Il a choisi pour cette tâche ardue l'économiste Paulo Guedes, passé par l'Université de Chicago, berceau du libéralisme économique moderne.

Le gourou économique de Bolsonaro, qui a l'intention de mettre en place un vaste plan de privatisations, a par ailleurs nommé d'autres "Chicago Oldies" (les anciens de Chicago) -- comme les surnomment la presse brésilienne -- à des postes clé, comme la direction de la compagnie pétrolière d'Etat Petrobras et de la banque publique de développement BNDES.

Le ministère du Travail a été tout bonnement supprimé, et ses attributions diluées dans trois ministères, notamment celui de la Justice, mais aussi celui de l'Economie et de la Citoyenneté.

Une décision fortement critiquée par la CUT, principal syndicat du Brésil, qui dénonce un "manque de respect envers la classe laborieuse" dans un pays qui compte par ailleurs plus de 13 millions de chômeurs.

- Champion de la lutte anticorruption -

Autre priorité de Bolsonaro: la lutte impitoyable contre la corruption, fléau qui touche l'ensemble de la classe politique brésilienne.

Pour mener à bien ce combat, il s'est adjugé une prise de choix pour le ministère de la Justice: Sergio Moro, dont le principal fait d'armes est la condamnation de l'ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010), incarcéré depuis avril.

Pour le politologue Wladimir Gramacho, de l'Université de Brasilia, les hommes forts que sont Guedes, Moro et Onyx Lorenzoni, influent député nommé chef de gouvernement, "ont la confiance des trois piliers essentiels d'un gouvernement: l'économie, l'opinion publique et le Parlement".

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Lundi, le président élu a promis de mettre fin "à la corruption, à la violence, aux mensonges, à la manipulation idéologique, la soumission de notre destin aux intérêts étrangers et à la médiocrité complaisante au détriment de notre développement".

- Ministres en uniforme -

Jair Bolsonaro, qui a toujours affiché son admiration pour la dictature militaire qui a sévi au Brésil de 1964 à 1985, a nommé sept ministres passés par l'armée à son gouvernement.

Trois généraux de réserve ont notamment été nommés à des portefeuilles-clé, la Défense, le Cabinet de sécurité institutionnelle -- qui coordonne les services du renseignement-- et le Secrétariat du gouvernement, chargé des relations avec les Etats et municipalités.

Sans compter le vice-président élu, Hamilton Mourao, lui aussi général, censé participer activement au gouvernement.

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- "Dieu au-dessus de tout" -

Bolsonaro a également nommé des ministres qui partagent ses valeurs conservatrices, farouchement opposés à l'avortement et au supposé "endoctrinement" des élèves par des professeurs "gauchistes".

Deux d'entre eux ont été proposés par son gourou idéologique, le philosophe Olavo de Carvalho.

Le futur ministre des Affaires étrangères, Ernesto Araujo, a promis par exemple d'expurger le "marxisme culturel" de la diplomatie brésilienne.

Le philosophe d'origine colombienne Ricardo Vélez, professeur émérite de l'École de commandement et d'état-major de l'armée, a été nommé à l'Éducation, avec la bénédiction du puissant lobby évangélique, qui s'était opposé à un autre nom pressenti au profil plus progressiste.

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Le président élu a séduit de nombreux fidèles d'églises néo-pentecôtistes qui se sont reconnus dans son slogan "Le Brésil au-dessus de tout, Dieu au-dessus de tous".

C'est pourquoi il a choisi pour le ministère de la Famille, de la Femme et des Droits de l'Homme la pasteure évangélique Damares Alves, résolument anti-avortement, mais qui a tenu depuis sa nomination des propos conciliants envers la communauté LGBT.

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