Le Kosovo va avoir son armée au grand dam de Belgrade

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Par AFP
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Le parlement du Kosovo vote vendredi la création d'une armée, attribut à la souveraineté revendiquée par Pristina, mais motif supplémentaire de tensions avec la Serbie qui ne reconnaît pas l'indépendance de son ex-province.

C'est autant de politique que de défense qu'il s'agit. Selon les analystes kosovars, près d'une décennie devrait s'écouler jusqu'à l'établissement effectif de cette armée, chargée d'assurer l'intégrité d'un territoire protégé par une force internationale menée par l'Otan depuis la guerre de 1998-99 (plus de 13.000 morts).

Aujourd'hui, à côté de la police, les 2.500 membres des forces de sécurité du Kosovo (KSF), légèrement armés, sont surtout chargés de missions de sécurité civile.

Le budget de quelque 57 millions d'euros prévus en 2019 pour commencer à les transformer, et les 5.000 soldats (plus 3.000 réservistes) qu'elles compteront au final, n'en feront pas une force comparable à l'armée serbe, avec ses quelque 30.000 militaires, ses blindés et ses avions de chasse.

Mais sa création intervient dans une atmosphère exécrable, illustrée par l'instauration en novembre par le Kosovo d'une barrière douanière sur les importations serbes.

Le dialogue est au point mort et chaque crise donne lieu à une escalade verbale. En préalable à toute normalisation, Pristina exige une reconnaissance de son indépendance proclamée en 2008, quand la Serbie inscrit dans sa constitution sa tutelle sur son ancienne province majoritairement peuplée d'Albanais.

- "Chasser le peuple serbe" -

Derrière les droits de douane et la création d'une armée, le président serbe Aleksandar Vucic décèle une volonté "de chasser le peuple serbe du Kosovo". Quelque 120.000 Serbes y vivent toujours.

Sa Première ministre Ana Brnabic a espéré que la Serbie n'ait "jamais à utiliser (son) armée" mais prévenu qu'il s'agissait d'"une des options sur la table" car Belgrade ne pourrait "pas observer quelqu'un procéder à un nouveau nettoyage ethnique".

Les tabloïds serbes pro-pouvoir y sont allés de leur rhétorique, prédisant en une que "la guerre commence le 15 décembre", au lendemain du vote, ou le 31 selon un autre.

L'issue du vote de vendredi, boycotté par les dix élus de la minorité serbe, ne fait aucun doute: tous les partis du Kosovo sont unanimes sur le sujet.

La presse kosovare célèbre depuis plusieurs jours cette "semaine de l'armée", occasion pour le gouvernement de redorer son blason après des échecs dans la libéralisation des visas avec l'Union européenne ou l'adhésion à Interpol.

Au Kosovo comme en Serbie, l'hypothèse d'une intervention militaire qui serait "sur la table" à en croire Ana Brnabic, n'est pas jugée crédible. Elle "n'est pas réaliste actuellement", relève l'analyste militaire serbe Aleksandar Radic.

"La Serbie n'oserait jamais envoyer son armée au Kosovo. Un seul soldat américain serait suffisant" pour la repousser, a réagi le Premier ministre kosovar Ramush Haradinaj.

Il explique que la future armée n'est pas dirigée contre la Serbie, mais destinée à épauler les forces internationales sur des terrains comme l'Irak ou l'Afghanistan. "Personne n'a besoin d'instabilité" dans les Balkans, a-t-il dit.

Pour un spécialiste des questions militaires belgradois, Milan Karagaca, la rhétorique de part et d'autre relève de la "manoeuvre pour être dans une meilleure position lors de futures négociations".

- Soutien américain -

L'hostilité serbe s'explique "par des raisons politiques, pas militaires", écrit Augustin Palokaj, éditorialiste du quotidien kosovar Koha Ditore. "Cette armée ne représente une menace pour personne. Mais elle donne un élément de souveraineté au Kosovo, ce qui est inacceptable pour eux", poursuit-il.

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L'Otan, dont quatre membres ne reconnaissent pas le Kosovo (Espagne, Grèce, Roumanie et Slovaquie), ne dit rien de précis sur l'adaptation de son dispositif à la création d'une armée kosovare. Mais pour son secrétaire-général Jens Stoltenberg, l'initiative arrive "au mauvais moment".

Pristina a toutefois reçu le seul soutien public qui lui importe, celui des États-Unis, où s'est récemment rendu le président Hashim Thaçi.

Le patron des KSF, Rrahman Rama, a assuré que la décision de bâtir cette armée avait été prise "en coopération avec nos partenaires" et précisé qu'elle serait équipée par les États-Unis.

Quant à sa composition, elle sera "multi-ethnique", affirme Rrustem Berisha, ministre des KSF. Il semble toutefois illusoire d'imaginer l'engagement de Serbes du Kosovo, dont la fidélité va à Belgrade.

Le Kosovo revendique avoir été reconnu par quelque 115 pays. Belgrade assure que douze sont revenus sur cette décision, ce que Pristina conteste. Sa route pour entrer à l'Onu est barrée par la Russie et la Chine.

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