Au Soudan, les opposants défient le pouvoir sur les réseaux sociaux

Au Soudan, les opposants défient le pouvoir sur les réseaux sociaux
Par AFP
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Malgré les risques, les opposants au président soudanais Omar el-Béchir s'expriment sur la Toile, en utilisant les réseaux sociaux pour appeler à des manifestations dans le pays ou partager des images de la répression des autorités.

Dans un pays en plein marasme économique, dirigé d'une main de fer depuis 1989 par Omar el-Béchir, un mouvement de contestation a débuté le 19 décembre après la décision du gouvernement de tripler le prix du pain.

Si les manifestations ont été pacifiques les premiers jours, elles ont rapidement été émaillées d'affrontements entre protestataires et forces de sécurité.

Selon les autorités, au moins 24 personnes sont mortes. Mais des groupes de défense des droits de l'Homme, comme Amnesty International, évaluent le bilan à 40 morts et plus de 1.000 arrestations.

Dans un pays où les médias locaux et internationaux filmant les manifestations risquent d'être dans le viseur des services de sécurité, les militants ont mis en ligne de nombreuses vidéos sur les réseaux sociaux montrant, selon eux, le vrai visage du régime.

- "Injustice flagrante" -

"Les réseaux sociaux sont essentiels pour le mouvement", affirme, via l'application de messagerie WhatsApp, un militant soudanais de 24 ans dont l'AFP a préservé l'anonymat pour des raisons de sécurité. Il dit avoir découvert le mouvement de contestation grâce aux appels à manifester sur les réseaux sociaux.

Selon lui, la colère suscitée par les vidéos "horribles" de heurts meurtriers avec les forces de sécurité pousse de plus en plus les gens à descendre dans les rues, tandis que chaque appel à manifester est relayé en ligne.

Les principales villes, dont la capitale Khartoum et la ville jumelle d'Omdourman, ont été secouées par le mouvement, considéré comme la plus grande menace pour M. Béchir en trois décennies à la tête du pays.

Sur l'une des vidéos postées sur les réseaux sociaux, un véhicule de police poursuit des manifestants pour les renverser, tandis que des coups de feu retentissent. Sur d'autres images, des manifestants sont battus à coup de matraque.

Aucune des images n'a pu être vérifiée de manière indépendante par l'AFP.

"Nous sommes des gens qui n'acceptons pas l'injustice", assure à l'AFP un autre internaute et militant de 25 ans, lui aussi sous couvert d'anonymat. "Ce qui est arrivé aux manifestants, qu'il s'agisse de tirs de gaz lacrymogènes ou de balles réelles, est une injustice flagrante", ajoute-t-il.

"Les manifestations où des violations sont commises sont généralement suivies par des manifestations plus importantes", selon lui.

L'Association des professionnels soudanais (SPA), fer de lance du mouvement de contestation, lance régulièrement des appels à manifester avec des hashtags en arabe ou en anglais comme #SudanRevolts et #SudanUprising ("Révoltes au Soudan", "soulèvement au Soudan"), entraînant des centaines de tweets et retweets chaque heure.

Grâce aux réseaux sociaux, "les soulèvements dans les villes de province ont été remarqués beaucoup plus rapidement", note Willow Berridge, maître de conférence à l'Université de Newcastle, en Angleterre.

- "Peur" du gouvernement -

Face à cette mobilisation sur le Net, le gouvernement a cherché à limiter l'utilisation des réseaux sociaux, selon des militants et des analystes.

Les internautes ont signalé des difficultés pour accéder à des plateformes telles que Facebook, Twitter et WhatsApp.

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Mais, comme dans d'autres pays où internet est étroitement contrôlé, les militants recourent au réseau privé virtuel (VPN) pour contourner les blocages.

"Presque immédiatement (après le blocage), la majorité des internautes soudanais étaient en ligne via VPN", note Magdi El Gizouli, analyste soudanais au Rift Valley Institute.

Pour le militant de 25 ans, la volonté de censurer internet est le signe que "le gouvernement a peur". Cette démarche a même renforcé la détermination des manifestants, selon lui, en montrant que la contestation est "sur la bonne voie".

Le régime n'a pas attendu les manifestations pour resserrer la vis sur les médias, et particulier sur le Net, selon des ONG.

En 2018, les autorités ont adopté une nouvelle loi sur la cybercriminalité et des amendements à la législation sur les médias.

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Selon un rapport publié en novembre par le think tank américain Freedom House, au moins une personne a été emprisonnée pour "commentaires critiques partagés sur les réseaux sociaux".

"De nombreux journalistes et militants accusés de cybercriminalité" ont par ailleurs été arrêtés, selon cette organisation.

En 2018, le Soudan occupait le 174e rang du classement mondial de la liberté de la presse de l'ONG Reporters sans frontières (RSF).

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