Après l'EI, Mossoul en combat contre les bactéries résistantes

Après l'EI, Mossoul en combat contre les bactéries résistantes
Par AFP
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Il a survécu à trois ans de règne du groupe Etat islamique (EI) sur Mossoul. Mais aujourd'hui, la jambe arrachée par un explosif abandonné par les jihadistes, Abdallah, 12 ans, lutte contre un autre mal, mortel aussi: sa résistance aux antibiotiques.

Si ce phénomène est mondial, la consommation de ces médicaments ayant explosé en quelques décennies, il atteint des proportions dangereuses à Mossoul, l'une des plus grandes villes d'Irak, où les blessés de guerre se comptent par dizaines de milliers.

Après avoir marché sur une bombe avec son grand frère --mort dans l'explosion-- il y a six mois, Abdallah a subi cinq opérations et a été examiné par plusieurs médecins dans trois hôpitaux différents de la ville. Depuis, sa santé n'a fait que se détériorer.

"Mon fils ne répondait pas aux traitements, quoi que les médecins lui prescrivent, son corps n'avait aucune réaction, il s'éteignait lentement", raconte à l'AFP son père, Ali, 49 ans.

Ce n'est qu'en janvier que le jeune blessé a découvert le mal qui le rongeait. Atteint par une infection résistante aux antibiotiques, il a été pris en charge dans l'une des dix chambres d'isolation ouvertes par l'ONG Médecins sans frontières (MSF) à Mossoul.

"A chaque fois que j'en sors, je dois mettre une charlotte et des gants et me stériliser les mains", explique à l'AFP ce garçon qui a perdu sa jambe gauche et une grande partie de son bras du même côté.

- Blessures vieilles de 30 ans -

Depuis que ces chambres sont opérationnelles, MSF dit avoir accueilli plus de 130 patients, dont environ 40% souffraient d'infections multirésistantes.

Pour l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), ce type d'immunité développée à force d'absorber des antibiotiques est l'une des principales menaces pour la santé mondiale.

Des maladies comme la pneumonie ou la tuberculose pourraient même évoluer vers des formes qui ne peuvent être traitées avec les médicaments actuellement disponibles, a prévenu l'OMS.

Au Moyen-Orient, le problème se pose déjà depuis quelques temps. Dans la région, les antibiotiques, disponibles sans ordonnance, sont très consommés.

A Mossoul, où vivaient jusqu'en 2014 près de deux millions de personnes, la guerre, les blessures et la pollution ne font qu'aggraver les choses dans une province où le nombre de lits d'hôpitaux a chuté de 6.000 à 1.000 en cinq ans.

"Les conflits jouent un rôle important: nous avons vu la résistance aux antibiotiques augmenter et toucher de plus en plus de patients", assure à l'AFP le docteur Zakaria al-Bakri, chargé de l'unité où Abdallah est alité.

A Mossoul et ailleurs en Irak, le système de santé est en complète déliquescence, l'eau et l'air sont pollués, et les blessés de la dernière guerre contre l'EI s'ajoutent aux centaines de milliers d'autres ayant survécu aux conflits qui ont déchiré le pays depuis quarante ans.

Dans son hôpital, MSF a ainsi accueilli un blessé qui passait de clinique en clinique pour une blessure qui ne guérissait pas depuis la guerre Iran-Irak... qui a pris fin en 1988.

Un autre est arrivé ruiné, après avoir vendu sa maison pour se payer un traitement qui n'a nullement affecté les bactéries qui le rongeaient, résistantes aux antibiotiques.

- "Ressasser les traumatismes" -

Signe que la crise est loin d'être passée, MSF prévoit d'ouvrir 30 chambres d'isolation supplémentaires.

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Mais cette mise à l'écart peut s'avérer dévastatrice pour des patients déjà traumatisés par la guerre, prévient Olivera Novakovic, responsable de la santé mentale dans la structure de MSF.

"Les gens s'ennuient et deviennent colériques: ils passent leur temps à ressasser les traumatismes passés", explique-t-elle à l'AFP. Et pour les enfants, "c'est encore plus dur parce qu'ils ne peuvent pas sortir et jouer dehors, sociabiliser avec les autres".

Laïla, enfermée depuis deux semaines dans l'une de ses chambres, ne rêve que d'une chose: "marcher dans Mossoul et revoir mon fils". "Je n'arrive même pas à imaginer quel bonheur ce sera", s'exclame la jeune femme dont la jambe est toujours infectée, plus d'un an et demi après sa blessure durant les combats pour la reprise de la ville.

En dévoilant son tibia hérissé de vis et de plaques métalliques noires, elle fait le récit de "sept opérations pratiquées par cinq médecins différents, dont trois ont échoué".

Aujourd'hui, elle pourrait encore rester un mois confinée dans sa chambre chez MSF, mais elle s'est résignée avec le sourire à cette retraite loin de sa famille.

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C'est ici que des analyses ont révélé son mal: une bactérie résistante. "Ca a été un vrai soulagement: enfin, je savais pourquoi je n'étais toujours pas guérie".

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