Thaïlande: débauchage de candidats et clientélisme au menu des prochaines élections

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A l'approche du coup d'Etat de 2014 en Thaïlande, Suporn, alors leader des Chemises rouges, avait exhorté les paysans à défendre à tout prix la démocratie. Depuis, il a fait volte-face et se présente pour le parti pro-junte lors des élections du 24 mars.

Dans le royaume, où le clientélisme est de mise, le pragmatisme l'emporte souvent sur l'idéologie et ces retournements sont fréquents.

En son temps, Suporn Attawong était surnommé le "Rambo" de l'Isaan.

Dans cette vaste région du nord-est de la Thaïlande, aux terres arides, le vote anticipé a commencé dimanche, avec des milliers d'électeurs prenant le chemin des urnes pour ces premières élections depuis huit ans.

Cette région a longtemps été acquise aux Premiers ministres Thaksin et Yingluck Shinawatra, renversés respectivement en 2006 et 2014.

Elle est décisive pour s'assurer la victoire lors du prochain scrutin puisqu'elle va pourvoir 116 des 500 sièges du Parlement, contre seulement 30 pour Bangkok.

Depuis le coup d'Etat, le royaume est dirigé par une junte militaire avec à sa tête le général Prayut Chan-O-Cha. Ce dernier est candidat au poste de Premier ministre pour le Palang Pracharath, un parti pro-junte crée en 2018 par ses affiliés.

Et le 24 mars, lors des premières élections depuis 2011, Suporn, l'ex-Chemise rouge proche des Shinawatra, va concourir sous les couleurs du Palang Pracharath.

"La politique est une compétition (...) Nous sommes maintenant de l'autre côté", résume-t-il à l'AFP, sans chercher d'excuses à sa volte-face.

Mon nouveau parti "permettra à mon pays de se réconcilier", assure-t-il.

"Rambo" n'est pas le seul à avoir été débauché par les militaires qui cherchent à gagner de nouvelles voix, particulièrement dans les zones rurales traditionnellement acquises au clan Shinawatra.

Dans tout le pays, une quarantaine d'ex-vétérans du Pheu Thai, le principal parti d'opposition, créé par les Shinawatra, ont déserté ce mouvement pour défendre les couleurs du parti pro-armée.

Ces transfuges doivent permettre d'"engranger de nombreux votes car ce sont eux qui aident les habitants de la circonscription dans leur vie quotidienne", relève Thitinan Pongsudhirak, professeur de sciences politiques à l'Université Chulalongkorn de Bangkok.

- "L'argent peut tout changer"-

Le clientélisme sera en effet une donnée non négligeable du scrutin. La pratique, qui existe sous diverses formes dans de nombreux pays, est particulièrement implantée en Thaïlande.

Le système est bien rodé: le candidat dispose d'hommes de main dont la mission est de convaincre les électeurs de lui apporter leur voix contre une petite somme d'argent. Elle est souvent remise aux électeurs via les chefs de village ou des décideurs locaux.

L'achat de votes est passible de un à dix ans d'emprisonnement, de lourdes amendes et d'une interdiction d'activité politique en Thaïlande.

Mais le clientélisme est pratiqué de longue date par les partis de tout bord. Le clan Shinawatra a été accusé par ses détracteurs de le promouvoir à travers ses programmes de santé ou de subventions aux riziculteurs.

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Nous sommes "comme des vendeurs qui approchent les clients", confie l'homme de confiance d'un candidat, sous couvert d'anonymat.

"Même si une personne fait preuve de loyauté (envers un parti, ndlr), l'argent peut tout changer", souligne-t-il.

Dans certaines zones où la concurrence est particulièrement forte, chaque électeur peut recevoir jusqu'à 1.000 bahts, une trentaine d'euros, selon lui. Une somme importante alors que le salaire mensuel de certains habitants est nettement en dessous des 100 euros.

Par ailleurs, jusqu'à 500 bahts (15 euros) peut encore être versé la veille du scrutin, surnommée dans le pays la "nuit des chiens qui aboient" car les rabatteurs se déplacent traditionnellement de maison en maison.

Hormis à Bangkok, la "vaste majorité" du pays est déjà sous le contrôle de ces hommes, estime Thitinan Pongsudhirak.

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"Plus la région est pauvre, plus elle est exposée à l'achat de voix", ajoute-t-il.

Certains habitants de l'Isaan assurent que l'argent n'achètera pas leur voix.

"Nous allons le prendre, mais nous voterons pour celui qui améliorera la situation économique de notre région", affirme un électeur sous couvert d'anonymat.

Il raconte avoir perçu 2.000 bahts (une soixantaine d'euros) de la part de plusieurs partis lors du dernier scrutin de 2011.

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