Elections en Turquie: le parti pro-kurde fait campagne à l'ombre des menaces d'Erdogan

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A l'approche des élections locales du 31 mars, le principal parti pro-kurde de Turquie se bat avec détermination pour faire élire ses candidats, bravant les attaques du président Recep Tayyip Erdogan.

"Lorsqu’on se lance dans un combat collectif, il faut être prêt à affronter des menaces", confie Mehmet Demir, l'un des candidats du Parti démocratique des peuples (HDP) à la mairie de Batman, dans le sud-est à majorité kurde de la Turquie.

En septembre 2016, Batman a été l'une des premières villes dont le maire élu a été remplacé par un administrateur nommé par le gouvernement, 3 mois après après l'instauration de l'état d'urgence à la suite du coup d'Etat manqué. En tout, des administrateurs ont été nommés dans 95 des 102 municipalités remportées par des maires prokurdes en 2014.

"La démocratie locale a été suspendue dans le Sud-Est", estime Emma Sinclair-Webb, directrice en Turquie de Human Rights Watch (HRW), qui dénonce une "criminalisation de ce parti", dont des centaines de responsables, dont une quarantaine de maires, sont en prison.

M. Erdogan accuse le HDP, troisième formation au parlement, d'être la vitrine politique du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation classée "terroriste" par la Turquie, les Etats-Unis et l'Union européenne.

Et il a déjà évoqué la possibilité de renommer des administrateurs locaux après les élections.

Lors d'un meeting à Batman réunissant quelques milliers de personnes brandissant les drapeaux colorés flanqués du logo du HDP, le co-président du parti, Sezai Temelli s'est voulu catégorique: M. Erdogan "menace le peuple (de nommer de nouveaux administrateurs), mais il ne peut pas le faire".

"Appliquer cette loi est anticonstitutionnel et cela affectera sa propre légitimité", insiste-t-il auprès de l'AFP.

M. Temelli s'attire les foudres du chef de l'Etat depuis qu'il a évoqué une victoire de son parti au "Kurdistan", une dénomination utilisée par les militants kurdes pour désigner le sud-est de la Turquie.

"Existe-t-il une région qui s'appelle Kurdistan en Turquie ? Où est-ce qu'il existe un Kurdistan ? Dans le nord de l'Irak. Si tu aimes tant le Kurdistan, allez, casse-toi en Irak", s'emporte quasi-quotidiennement M. Erdogan devant ses supporters.

Mais selon M. Temelli, si le président menace tant le HDP, "c’est que ça va mal pour lui".

Des experts estiment en effet que les difficultés économiques que traverse la Turquie -- avec une inflation à deux chiffres et une récession -- risquent de faire perdre le Parti de la justice et du développement (AKP, au pouvoir) dans plusieurs villes.

- "Véhicules blindés" -

"Aujourd’hui nous voterons pour le HDP. S’ils nomment un administrateur, nous voterons encore (pour le HDP)", affirme sur un ton de défi Ismet Ataç, venu assister au meeting de Batman. "Plus ils nommeront des administrateurs, plus nous réagirons".

"Comme le parti présente ces élections comme un front de bataille, il va tout faire pour mobiliser ses électeurs", explique Emre Erdogan, professeur à l'université Bilgi d'Istanbul. "Ces +menaces+ vont consolider le soutien local du parti".

Pour éviter une dispersion des voix préjudiciable à l'opposition, le HDP a décidé de ne pas présenter de candidat dans l'ouest de la Turquie.

Par cette "approche pragmatique", le HDP "montre que faire partie du camp anti-Erdogan l'emporte sur les valeurs politiques", décrypte Emre Erdogan.

Outre les diatribes du président, le HDP doit aussi faire face à des pressions sur le terrain.

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M. Demir s'en amuse: "Lorsqu’on ouvre nos stands de campagne, ils (les forces de l'ordre) s’approchent avec leurs véhicules blindés, comme s’ils allaient à la guerre".

"Lorsque des candidats sont encerclés par la police, c'est une tentative de vous séparer de la population locale et de transmettre le message fort que vous n'êtes pas légitimes aux yeux de l'Etat", commente Mme Sinclair-Webb.

Parmi les autres difficultés rencontrées par le parti, 6 de leurs candidats ont vu leur candidature rejetée par les autorités. C'est le cas de Sabri Özdemir, déjà élu à Batman en 2014 et remplacé par un administrateur nommé par le gouvernement.

"Le peuple de Batman m’a déjà choisi, mon parti m’a choisi", assure-t-il. "Pour nous, les noms importent peu, ce qui compte c’est que la lutte que l’on mène soit victorieuse".

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