Italie: Matuidi et Kean victimes de la banalisation des cris de singe

Italie: Matuidi et Kean victimes de la banalisation des cris de singe
Par AFP
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Blaise Matuidi et Moise Kean ont été la cible de cris de singe lors de la victoire de la Juventus Turin mardi à Cagliari, un phénomène qui reste récurrent en Italie, où de nombreux acteurs du monde du football tendent à le minimiser.

Le champion du monde français et l'attaquant italien de 19 ans, né de parents Ivoiriens, ont fini la partie excédés par les "buu" descendus des tribunes de la Sardegna Arena, où l'ancien Parisien avait déjà subi le même traitement en janvier 2018.

Le club sarde lui avait alors présenté des excuses. Mais cette fois, dans un curieux renversement de responsabilités, c'est le comportement de Kean qui a été stigmatisé, certains y voyant une justification à celui des tifosi.

L'entraîneur de Cagliari Rolando Maran a ainsi jugé que la célébration du jeune attaquant - immobile, silencieux et bras écartés devant une tribune - était "peut-être un peu exagérée" et avait "créé des tensions".

Son président Tommaso Giulini a lui estimé que Kean "avait fait une erreur". "Il a 19 ans, ça se comprend", a-t-il ajouté, disant avoir "surtout entendu des sifflets".

Plus surprenant, Leonardo Bonucci, propre coéquipier de Kean à la Juventus, a estimé que "la faute" était "partagée à 50-50".

"Moise n'aurait pas dû faire ça et le virage n'aurait pas dû réagir comme ça", a déclaré le défenseur, qui a même adressé un geste d'excuses en direction des supporters sardes après avoir éloigné Kean.

- Problème sous-estimé -

"Il y a déjà eu des incidents à Cagliari, avec (le Ghanéen Sulley) Muntari ou Matuidi", rappelle Mauro Valeri, sociologue et responsable de l'Observatoire du racisme dans le football en Italie, interrogé par l'AFP.

"Ca concerne un petit groupe de personnes. Le président pourrait décider de sévir et de punir, comme ça se fait en Angleterre. Mais il choisit de défendre ses tifosi. C'est plus simple de faire ça, de répondre que Cagliari n'est pas une ville raciste, ce que personne ne dit de toutes façons", ajoute-t-il.

Quant à la réaction de Bonucci, elle s'explique selon lui par le fait qu'il "sous-estime totalement le problème du racisme".

La question se pose tout de même au-delà du seul Bonucci. Car plus de 15 heures après les faits, les deux Turinois n'avaient pas reçu beaucoup d'appuis provenant d'Italie.

A l'étranger, le président de la fédération française Noël Le Graët a apporté "son soutien" et l'agent des deux joueurs, Mino Raiola, s'est dit "fier" d'eux. Des joueurs comme Raheem Sterling ou l'international italien Mario Balotelli ont dénoncé sur les réseaux sociaux la réaction de Bonucci.

"Dis à Bonucci que sa chance, c'est que je n'ai pas été là. Au lieu de te défendre, qu'est-ce qu'il fait lui ? Bah, je suis choqué, je te jure", écrit "Super Mario", sur le compte Instagram de Moise Kean.

Mais rien du côté de la fédération ou de la Ligue italienne, ni de la part du club de Cagliari ou de la Juventus.

Quant aux médias sportifs, ils sont passés rapidement sur l'incident, le Corriere dello Sport relevant "quelques buu isolés" et reprochant à Kean son défi à la Curva, alors que la Gazzetta dello Sport a compté "plus de sifflets que de buu".

- "Pas de Thuram" -

Pour M. Valeri, "la différence avec d'autres pays, c'est qu'en Italie, cette question n'est jamais affrontée comme un problème réel. Pour beaucoup de gens, il ne s'agit pas de racisme et personne ne veut prendre la responsabilité de s'attaquer à ce qui est un problème culturel".

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"Quand l'UEFA fait des clips de lutte contre le racisme, il n'y a jamais un joueur italien. Personne ne s'implique, à part un peu Marchisio. Nous n'avons pas de Thuram. Balotelli l'a fait et il s'est fait massacrer, il n'a jamais été soutenu. Même les mouvements anti-racistes ne se sont jamais intéressés à ce problème", assure le sociologue.

"En Italie, c'est plus grave d'insulter la mère. On a encore l'idée que tu peux aller au stade et faire des cris de singe pendant une heure et demi, puis tu rentres à la maison et tu n'es pas raciste", ajoute-t-il.

"Il faut un discours culturel. Il faut enseigner dans les écoles de foot que la discrimination n'est pas autorisée. Mais quand tu dis ça en Italie, tu passe pour un communiste, un extrémiste de gauche", déplore-t-il encore.

En attendant, Cagliari risque une sanction. En décembre, l'Inter Milan avait été punie de deux matches à huis-clos après des cris racistes à l'encontre du défenseur sénégalais de Naples Kalidou Koulibaly.

Mais cette sanction sévère est plus l'exception que la norme. Le plus souvent, les clubs s'en tirent avec une amende ou des huis-clos avec sursis.

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