Dans le monde obscur des services de renseignement mexicains

Dans le monde obscur des services de renseignement mexicains
Par AFP
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Lee Harvey Oswald était au Mexique peu avant de tirer sur John F. Kennedy. Fidel Castro et Che Guevara juste avant de déclencher la révolution cubaine. Les services de renseignement du pays ont rassemblé des informations sur eux, comme sur des millions d'autres personnes.

Dans une initiative inédite, le président Andres Manuel Lopez Obrador, en fonction depuis fin 2018, a annoncé l'ouverture des quelque 12 millions d'archives des services de renseignement mexicains dans le cadre de sa "transformation" de l'Etat.

"Nous avons vécu pendant des décennies sous un régime autoritaire qui limitait la liberté et persécutait les militants sociaux" a dénoncé le président de gauche, s'excusant pour les exactions commises.

Chacun pourra désormais se rendre dans l'ancienne prison où sont conservées ces documents et les consulter, même si les fonctionnaires devront au préalable en expurger certaines informations portant atteinte à la vie privée des personnes, ce qui pourrait prendre quatre ans.

Les dossiers - dont un petit nombre a déjà été publié - révèlent la manière dont le Mexique a espionné pendant un siècle une multitude de personnes, des comédiens aux présidents étrangers, en passant par des personnalités comme l'écrivain colombien Gabriel Garcia Marquez, les peintres mexicains Frida Kahlo et Diego Rivera.

Le dossier sur Oswald, déclassifié en 2016, contient 110 pages et relate sa brève et étrange visite à Mexico en 1963, où il tenta en vain d'obtenir des visas cubain et soviétique - l'un des chapitres les plus analysés dans l'enquête sur l'assassinat de Kennedy.

Les dossiers de Castro et de Guevara, déclassifiés en 2017, montrent de quelle manière le Mexique a espionné ces jeunes révolutionnaires et les a même un temps arrêtés - avant de les laisser curieusement repartir.

- Petits secrets et miroir sans tain -

L’ouverture des dossiers des services de renseignement éclaire sur les méthodes utilisées par l’État durant la Guerre froide et la "sale guerre", une répression brutale contre les militants de gauche dans les années 1960 et 1970.

Le Mexique était alors gouverné par le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), qui a dirigé le pays en parti unique durant 71 ans, avec un président changeant tous les six ans - un système que l'écrivain Mario Vargas Llosa a autrefois qualifié de "dictature parfaite".

Deux vétérans des services de renseignement ont expliqué à l'AFP, sous le couvert de l'anonymat, certaines méthodes utilisées.

Le premier faisait office de "collecteur". Il a débuté étudiant, recruté par un homme qu'il pensait être un administrateur universitaire qui lui demandait toutes sortes d'informations, prétextant vouloir s'opposer à un projet de privatisation de l'éducation.

Cet homme lui a ensuite proposé un emploi permanent "bien payé" dans l'agence de renseignement. Il était chargé d'infiltrer les manifestations, les concerts et les matchs de football.

Il rédigeait aussi des fiches sur les leaders étudiants incluant des détails sur leur vie privée, "leurs points faibles, leurs vices ou leurs préférences sexuelles. (...) Les choses que vous utilisez pour les contrôler" explique-t-il.

Syndicalistes, opposants et même certains membres du parti au pouvoir faisaient l'objet d'une surveillance et d'un dossier détaillant leurs affaires extraconjugales ou financières.

Cette information "sensible" était ensuite utilisée dans "l'adoucisseur": un bureau au sein d'un ministère, équipé d'un miroir sans tain où ils étaient convoqués, raconte un autre fonctionnaire du renseignement.

On les laissait seuls dans cette pièce, assis derrière une table, sur laquelle était posé un dossier contenant des documents et photos sur leurs "petits secrets", explique cet ancien agent.

"Ils cédaient à la tentation de l'ouvrir et alors leur visage se décomposait", se souvient-il. "A cette époque, l'homosexualité en particulier était de l'or", se rappelle-t-il.

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- "C'est la politique" -

"La politique fonctionne ainsi, dans tous les pays", justifie ce fonctionnaire à la retraite. Il regrette le relâchement de l'espionnage après le passage en 2000 à une démocratie multipartite.

Ce n’est pas une coïncidence, selon lui, si le crime et la violence qui sévissent aujourd’hui au Mexique se sont aggravés à cette époque. Espionner "était un moyen de sentir le pouls de la rue, de savoir ce qui se passait chaque jour et de garder la société sous contrôle", insiste-t-il.

Mais l'espionnage ne s'est pas arrêté au Mexique après cette période, loin de là.

En 2017, un scandale a éclaté dans le pays lorsque plusieurs journalistes de renom, des militants des droits humains et des dirgieants de l'opposition ont affirmé avoir été espionné par le gouvernement à l'aide du logiciel espion israélien Pegasus, installé à leur insu sur leur téléphone portable.

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