En Asie, les projets urbains de la Chine sur des îles artificielles inquiètent

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Avec ses projets d'extension urbaine sur des îles artificielles au Sri Lanka, en Malaisie ou aux Philippines, la Chine suscite des inquiétudes en Asie et ailleurs.

Dans ces trois pays, des voix de plus en plus insistantes avertissent de l'impact environnemental de ces projets pharaoniques, du manque de transparence sur leur financement et du risque de voir se développer l'endettement local.

Ces projets sont liés aux "nouvelles routes de la soie", officiellement baptisées "Initiative ceinture et route" (Belt and Road Initiative, BRI), un vaste programme lancé en 2013 de financement d'infrastructures terrestres et maritimes de plus de 1.000 milliards de dollars dans le reste de l'Asie, l'Europe et l'Afrique.

Pékin accueille de jeudi à samedi une quarantaine de dirigeants du monde entier en quête d'investissements pour un sommet, le deuxième du genre, sur ce programme.

Le BRI est soupçonné, principalement dans les pays occidentaux, d'être avant tout un moyen pour la Chine de déverser ses excédents sur des pays pauvres, invités à s'endetter auprès des banques chinoises pour construire des infrastructures parfois inutiles. Les critiques mettent aussi en exergue la part du lion réservée aux entreprises chinoises.

Des pays comme les Etats-Unis et l'Inde se montrent très méfiants envers le BRI. Dans l'Union européenne, l'Italie a rejoint ce programme en mars, suscitant scepticisme et inquiétudes.

Les projets du BRI "s'inscrivent dans le tableau général qui montre la Chine gagner rapidement en influence mondiale", observe Wang Jiangyu, professeur associé à la faculté de droit de l'Université de Singapour.

Au Sri Lanka, un projet de 1,4 milliard de dollars, Port City, est engagé près de Colombo, la capitale, qui va doubler de taille. Il servira de base à Pékin en Asie du Sud mais aussi de "maquette de démonstration pour illustrer l'énorme changement que la Chine peut apporter avec le BRI à ces pays, en particulier aux moins développés", selon M. Wang.

- "Piège à dette" -

Les deux tiers des terrains gagnés à Colombo sur l'Océan indien -270 hectares au total, près d'un port à conteneurs en eaux profondes- seront sous contrôle chinois pour 99 ans. Les travaux d'assèchement ont été terminés mi-janvier et de hauts immeubles vont maintenant pousser. L'objectif est de créer une plateforme financière susceptible de rivaliser avec Dubaï ou Singapour.

Les îles artificielles font miroiter un développement économique bien nécessaire à des pays pauvres comme le Sri Lanka, frappé dimanche par de sanglants attentats jihadistes.

Mais elles traînent dans leur sillage "un piège à dette caché", avertit Ranil Senanayake, un ancien conseiller au ministère qui supervise le projet.

"Nos systèmes d'égouts et de collecte des déchets explosent de toutes parts. Comment pourrons-nous intégrer une ville se prétendant de classe mondiale ?", dit-il à l'AFP. "Nous devons soit fortement nous endetter pour offrir ces services, soit faire peser un lourd fardeau sur les contribuables sri-lankais".

Le taux d'intérêt des prêts chinois au Sri Lanka est d'environ 6,5%, le double de ce que demandent les autres grands prêteurs -Inde, Japon-, note Dushni Weerakoon, un économiste indépendant.

Incapable d'honorer ses remboursements de dettes, Colombo avait dû céder à Pékin fin 2017 le contrôle complet pour 99 ans du port en eaux profondes d'Hambantota.

Le manque de transparence dans les accords conclus avec les pays pour les projets BRI nourrit également la controverse.

Le projet de Port City est piloté par le groupe étatique chinois Communications Construction Company (CCCC), dont des représentants participeront selon les médias locaux à un "organisme de direction" supervisant toutes les décisions d'investissement.

"Le grand public est laissé dans l'ignorance à propos de cet organisme de direction et cela crée des inquiétudes majeures sur la souveraineté et l'intégrité territoriale du pays", ajoute M. Senanayake.

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Le ministre sri-lankais des Réformes économiques Harsha de Silva, impliqué dans la création de cet organisme, n'était pas dans l'immédiat joignable pour évoquer ce sujet. CCCC et sa filiale sri-lankaise ont refusé de faire le moindre commentaire.

En Malaisie, le projet de Forest City, une "ville-écolo" futuriste de 1.370 hectares sur quatre îles artificielles est porté par une société commune entre le géant chinois de l'immobilier Country Garden, coté à Hong Kong, et Esplanade Danga 88, une entreprise en partie aux mains d'Ibrahim Iskandar, le puissant sultan de Johor, un Etat du sud de la Malaisie.

Bien avant l'achèvement prévu pour 2035 de ce projet évalué à 100 milliards de dollars, les deux tiers des installations sont déjà vendues à des acheteurs chinois.

"L'une des fonctions sous-jacentes du BRI est d'aider les Chinois et les entreprises chinoises à se développer dans la région et dans le monde entier", souligne Will Doig, auteur d'un ouvrage sur l'expansion chinoise ("High-Speed Empire : Chinese Expansion and the Future of Southeast Asia").

- Inquiétudes pour l'environnement -

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Construire des îles est "plus rapide et moins cher" car nul besoin de reloger des habitants, souligne un ancien employé de Country Garden. Mais cela soulève des inquiétudes quant à l'environnement, l'érosion des côtes ainsi que sur le sort des pêcheurs et des villes voisines.

Aux Philippines, les opposants à un projet d'île artificielle redoutent des risques accrus d'inondations et d'embouteillages à Manille. "Nous avons déjà du mal à résoudre ces problèmes-là et nous cherchons à en ajouter ?", s'interrogeait en février un défenseur philippin de l'environnement, Mark Anthony Abenir, sur le site d'informations Rappler.

A Colombo, l'avocat Hemantha Withanage poursuit l'entité chinoise pilotant le projet et le gouvernement sri-lankais, estimant qu'il n'y a pas eu de véritable évaluation de son impact environnemental. En outre, il affecte le mode de vie de 15.000 pêcheurs et, selon l'avocat, les compensations qui leur étaient proposées ont "disparu" au fond des poches de responsables locaux.

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