"Couteaux suisses" ou dans l'élite, le blues des fonctionnaires du sport

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Ils sont réputés ne pas compter leurs heures, se disent en "mission" pour le sport français et craignent de perdre en légitimité s'ils ne travaillent plus pour l'Etat : les conseillers techniques sportifs (CTS) sont aussi appelés à manifester jeudi, jour de mobilisation pour la fonction publique.

Depuis ce week-end, de Kevin Mayer à Renaud Lavillenie, de nombreux médaillés olympiques ont rendu hommage à ces cadres d'Etat, 1.600 fonctionnaires qui exercent dans les fédérations, sur des missions de haut niveau ou pour le développement des pratiques.

A Dijon, le président du Comité régional de canoë-kayak de Bourgogne-Franche-Comté, Fabrice Gaërel, ne dit pas autre chose : "les deux CTS que nous avons sont indispensables". "Ils portent bien leur nom de conseiller, mais ils interviennent dans tellement de domaines que je les appelle +les couteaux suisses+", explique-t-il, avant d'énumérer les questions d'environnement, d'accès aux subventions, de formation d'entraîneurs ou de bénévoles.

"Pour moi, fonctionnaire, service public, ce ne sont pas des mots galvaudés", témoigne l'un de ces deux CTS, Fred Momot, 37 ans. Cet ancien kayakiste raconte un emploi du temps où il se démultiplie, entre réunions sur la sécurité des cours d'eau, rendez-vous auprès des clubs et des collectivités, stages où il dispense les formations.

- "Rentrer dans le moule" -

"Quand je suis sur des missions nationales (il encadre les équipes de France de descente), je garde un oeil sur tout le reste, je réponds aux clubs, aux bénévoles, ça ne s'arrête jamais", explique-t-il. C'est contre le projet du gouvernement, porté par la ministre des Sports Roxana Maracineanu, de détacher les postes dans les fédérations, qu'il sera en grève jeudi, même s'il dit avoir "maintenu (ses) rendez-vous" ce jour-là. "Aujourd'hui, les bénévoles sont à bout de souffle", lâche cet adhérent au syndicat Solidaires Jeunesse et sports.

Le gouvernement assure que la réforme va se faire progressivement, en tenant compte de la volonté des fédérations et des cadres, avec des compensations en subventions pour les fédés. Mais entre une lettre de cadrage de Matignon de juillet 2018 demandant 1.600 suppressions de postes au ministère, puis une note ministérielle évoquant des détachements d'office à partir de 2025, les fuites dans la presse ont mis les syndicats vent debout. Tout comme l'annonce de l'arrêt du concours qui mène à la carrière de CTS.

Pour Fred Momot, c'est "un changement de philosophie". L'Etat, "ça me donne une légitimité", dit-il. "S'il est rattaché à la fédération, ça ne sera plus pareil, il va rentrer dans le moule. Ce que j'attends de lui, c'est un regard extérieur", assure Fabrice Gaërel, pour qui "ce n'est pas une mutation, mais une mutilation".

- "Puzzle" -

Le double rattachement, à l'Etat et à la fédération, fait la spécificité de ce corps d'agents né au début des années 60, sous l'impulsion du général de Gaulle, pour répondre à l'échec de la France aux JO de Rome, en 1960. Un dispositif désormais daté aux yeux du gouvernement. La Cour des comptes a pointé du doigt leur répartition inégale : seulement 10 fédérations concentrent 43,6% des effectifs, et la moitié des CTS régionaux exercent en Ile-de-France.

"L'Etat n'a pas vraiment les moyens humains pour les contrôler. Personne ne les contrôle", note un conseiller de l'exécutif, qui met en avant la nécessité de "responsabiliser" les fédérations. "L'objectif de cette réforme n'est pas de faire des économies", martèle ce conseiller, très sceptique à l'idée que des entraîneurs d'équipes de France soient des fonctionnaires: "est-ce qu'on l'imagine pour Didier Deschamps?".

"On est garants de la loi, garants des orientations et des directives que donne l'Etat", plaide au contraire le directeur technique national (DTN) de l'athlétisme, Patrice Gergès, à la tête d'une équipe de près de 90 CTS. Pour cet ancien athlète handisport, certaines fédérations pourraient être tentées, ou contraintes, d'être dans des objectifs de rentabilité. "La haute performance ça marche bien quand on a le temps d'installer un projet", explique-t-il.

C'est aussi ce que tente de faire, à la fédération de badminton, le DTN adjoint en charge du haut niveau, Fabrice Vallet. "Il y a 20 ans, la France n'existait pas. Aujourd'hui on remporte des titres sur les championnats d'Europe junior. Il y a une vraie progression", plaide-t-il, avant de décrire "un immense puzzle", où les pièces sont "la formation des entraîneurs, le niveau de compétence des clubs, la détection, l'accompagnement en stages".

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