Egypte: l'ex-président Morsi, plus "populaire" mort que vivant

Photo d'archives du 25 juin 2012 de Mohamed Morsi après son élection à la tête de l'Egypte, dans les locaux de la télévision d'Etat au Caire
Photo d'archives du 25 juin 2012 de Mohamed Morsi après son élection à la tête de l'Egypte, dans les locaux de la télévision d'Etat au Caire Tous droits réservés STR
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Le décès en plein procès de l'ex-président islamiste Mohamed Morsi, impopulaire de son vivant et chassé après des manifestations massives, pourrait "l'humaniser" aux yeux de nombreux Egyptiens, ce que cherchent à éviter les autorités, estiment des analystes.

"C'est triste, d'un point de vue strictement humain", confie un commerçant dans le centre du Caire après le décès de l'ex-chef de l'Etat, destitué et emprisonné en 2013.

"Il était vieux et malade. Quoi que l'on pense sur le plan politique, sa mort en plein procès montre que ceux qui le jugeaient n'étaient pas des gens biens", estime l'homme sous couvert d'anonymat, tant les Frères musulmans -- auxquels appartenait l'ex-président et qui sont interdits en Egypte-- sont devenus un sujet sensible ces dernières années.

Si les partisans de cette confrérie ont érigé M. Morsi en "martyr", les autorités égyptiennes semblent vouloir éviter qu'un sentiment d'empathie ne s'empare de la population égyptienne, qui s'était pourtant largement soulevée en 2013 contre l'ex-président défunt.

Son enterrement mardi matin a eu lieu dans une extrême discrétion et sous très haute surveillance, ni le public ni la presse n'étaient autorisés à y assister.

- "Mort symbolique" -

Après l'annonce du décès, certains médias ont diffusé en boucle des images et des analyses d'"experts" dénonçant la "violence" et les "mensonges" des Frères musulmans.

Mardi, les journaux gouvernementaux n'ont accordé que de petites brèves au décès de M. Morsi, sans mentionner son statut d'ancien président.

Premier président civil et démocratiquement élu d'Egypte, Mohamed Morsi est arrivé au pouvoir en 2012, un an après le soulèvement populaire ayant chassé le président Hosni Moubarak, resté trois décennies à la tête d'un régime autoritaire.

A la faveur de nouvelles manifestations de masse qui dénonçaient ses dérives autoritaires, l'armée a évincé M. Morsi en 2013 puis l'Egypte a déclaré les Frères musulmans "organisation terroriste".

Depuis, une répression implacable s'est abattue sur les opposants, en particulier les partisans du mouvement islamiste.

Le discours officiel, régulièrement relayé par les chaînes de télévision, toutes acquises au régime, en fait des "terroristes" qui nuisent aux "intérêts de l'Egypte".

"En tant que président, Mohamed Morsi n'était pas très populaire auprès des Egyptiens qui le voyaient comme non charismatique, indécis, instable", rappelle Fawaz Gerges, professeur de relations internationales à la London School of Economics.

Mais selon ce spécialiste des mouvements islamistes, "sa mort dans une salle d'audience (après six années derrière les barreaux, ndlr) va l'humaniser aux yeux de nombreux Egyptiens qui ne soutiennent pas les Frères musulmans".

Sur les réseaux sociaux, de nombreux Egyptiens ont exprimé leur émotion au-delà de toute affiliation politique avec M. Morsi.

"La négligence médicale dont souffrent les détenus en Egypte équivaut au meurtre", a dénoncé le célèbre écrivain Alaa al-Aswani, contempteur notoire des islamistes comme du régime actuel. Des ONG ont demandé une enquête après la mort de M. Morsi, affecté par ses conditions de détention, selon elles.

Pour M. Gerges, si M. Morsi n'était pas un grand leader des Frères musulmans, sa mort "sera symboliquement importante" et pourrait conduire les éléments radicaux de la confrérie à "prendre les armes contre les autorités".

- "Menace sécuritaire" -

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Depuis sa fondation, la confrérie a connu de nombreuses vagues de répression par le pouvoir égyptien, dominé par les militaires depuis 1952. La mort de M. Morsi s'ajoute à la longue liste des "martyrs" des Frères musulmans.

Parmi les plus emblématiques, le fondateur de l'organisation, l'instituteur égyptien Hassan al-Banna, assassiné en 1949 par la police secrète.

Autre figure du mouvement, Sayyed Qotb, un des principaux théoriciens des Frères et inspirateur de leur mouvance radicale, a été exécuté en août 1966 par le pouvoir de Gamal Abdel Nasser.

Mais pour Zack Gold, analyste au centre de recherches américain CNA, "la mort de M. Morsi n'entraînera sans doute pas une augmentation immédiate de la menace sécuritaire pour l'Egypte".

Des mouvements jihadistes, sympathisants ou non des Frères musulmans, sont déjà très actifs en Egypte, à l'instar du groupe Etat islamique (EI) implanté dans le Nord-Sinaï (est), observe ce spécialiste des questions de sécurité au Moyen-Orient.

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Depuis 2013, des centaines de soldats, de policiers mais aussi de civils ont été tués dans des attentats.

Mais "à long terme, il serait inquiétant que le gouvernement arrête de manière préventive un grand nombre de personnes, par crainte de manifestations de rue ou d'autres explosions consécutives au décès de M. Morsi", estime M. Gold.

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