L'économie turque malmenée par l'instabilité politique

Hizir Albayrak dans un magasin d'articles pour bébé à Istanbul le 30 mai 2019
Hizir Albayrak dans un magasin d'articles pour bébé à Istanbul le 30 mai 2019 Tous droits réservés Yasin AKGUL
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Hizir Albayrak a commencé à travailler dans une minuscule boutique d'articles pour enfants dans le bazar d'Istanbul il y a 25 ans, année où l'actuel président Recep Tayyip Erdogan est devenu maire de la ville.

Aujourd'hui, il gère un centre commercial de sept étages à Eminönü, district historique d'Istanbul, déambulant entre les poussettes, jouets et vêtements pour bébés. Une histoire emblématique de la fulgurante transformation économique du pays au cours du dernier quart de siècle.

"Je suis parti de zéro. Maintenant, nous proposons 295 marques de Turquie et du monde entier", raconte-t-il fièrement.

Cet essor est largement à mettre au crédit de M. Erdogan, sous la houlette duquel la Turquie a connu une période de stabilité politique et de croissance économique sans précédent.

Mais cette stabilité qui a marqué les années de M. Erdogan au pouvoir, en tant que Premier ministre à partir de 2003 et en tant que président depuis 2014, s'est fissurée ces dernières années, avec une succession d'attentats et un coup d'Etat manqué en 2016, suivi de purges impitoyables et d'une détérioration des relations avec les Etats-Unis.

La devise turque a perdu près d'un tiers de sa valeur face au dollar l'année dernière, plongeant le pays dans une récession et alimentant une inflation d'environ 20%.

"Regardez-moi ça", s'exaspère Hizir en passant des paquets de couches au lecteur de code-barres. "Il y a une semaine, nous les vendions 30 ou 35 livres turques (environ 5 euros). Maintenant, regardez: 49 livres !"

"Avant, les prix changeaient tous les quelques mois. Maintenant, c'est quasiment chaque semaine".

- "Acrobate" -

Partisan de longue date du Parti de la Justice et du Développement (AKP) de M. Erdogan, Hizir aspire surtout à la stabilité.

Mais les Stambouliotes se rendront dimanche aux urnes pour la huitième fois en 5 ans, en raison de l'annulation des élections municipales du 31 mars après une victoire de l'opposition.

Ses détracteurs estiment que ce cycle constant d'élections fait que M. Erdogan se retrouve presque en permanence en campagne électorale, invectivant ses opposants et exacerbant la polarisation du pays.

"Faire du commerce en Turquie, c'est comme être un acrobate", confie Hizir. "Une crise survient, la monnaie s'affaiblit et vous pouvez tout perdre en un an".

Certains économistes craignent le pire. Avec une grande part de la croissance turque alimentée par des crédits étrangers, la récession et l'effondrement de la livre turque, de nombreuses entreprises ont du mal à rembourser leurs dettes.

"La Turquie a traversé une série de mini crises, chacune pire que la précédente", explique Fadi Hakura, expert de la Turquie au centre de réflexion londonien Chatham House.

Pour lui, un point de non retour sera atteint à moins que le gouvernement ne cesse ses folies en matière de méga-projets et se concentre sur les créances irrécouvrables du système bancaire.

"Malheureusement, le gouvernement est fidèle à son modèle de consommation et de construction financées par l'endettement. Il fait rimer modernité avec des immeubles flambant neufs", ajoute-t-il.

- "Bord du gouffre" -

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Mais les partisans du gouvernement rejettent tout alarmisme.

Les entreprises turques sont bien protégées contre la faillite et disposent de réserves de trésorerie supérieures de 6,5 milliards de dollars à leurs dettes, selon Mevlüt Tatliyer, du groupe de réflexion progouvernemental SETA.

Le niveau d'endettement du gouvernement lui-même est plutôt bas comparé à d'autres pays, ajoute-t-il, ce qui lui laisse une marge de manoeuvre.

"Oui, il y a actuellement une récession, mais elle ne s'est pas transformée en crise économique", souligne-t-il, expliquant cela par une économie "énergique" et le fait que "les Turcs sont habitués à l'instabilité".

Le point de bascule risque d'être la mise en place des sanctions brandies par Washington si Ankara ne renonce pas à acheter des missiles russes.

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Et même si M. Erdogan parvient d'une façon ou d'une autre à désamorcer les tensions avec les Etats-Unis, les investisseurs voient d'un mauvais oeil la mise à l'écart de certains économistes jugés compétents et la nomination du gendre du président, Berat Albayrak, à la tête du ministère de l'Economie et des Finances.

"Dans le passé, quand M. Erdogan s'est rendu compte qu'il était au bord du gouffre, il a toujours reculé", tempère Atilla Yesilada, analyste chez GlobalSource à Istanbul. "Il a renvoyé beaucoup de gens compétents, mais ils sont encore vivants et peuvent être rappelés".

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