Le Groenland voudrait en finir avec l'omerta sur les abus sexuels

Sara Olsvig, directrice de l'Unicef au Groenland, en novembre 2014 à Nuuk
Sara Olsvig, directrice de l'Unicef au Groenland, en novembre 2014 à Nuuk Tous droits réservés Ulrik BANG
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Au Groenland, immense territoire autonome danois aux prises avec le désœuvrement, les addictions et les troubles d'identité d'une communauté inuit happée par la modernité, près d'une personne sur trois a été victime d'abus sexuel pendant son enfance, un fléau frappé d'omerta qui peine à disparaître.

La prévalence de ces actes est majoritairement liée à l'ignorance des droits de l'enfant, la consommation d'alcool et de stupéfiants et plus fréquente dans les foyers violents, explique Sara Olsvig, directrice de l'Unicef au Groenland.

L'immense île arctique - la plus vaste de la planète - a connu un développement rapide au cours des six dernières décennies, passant d'une société traditionnelle de pêcheurs et de chasseurs à une société moderne de services et de tourisme.

Le Groenland, qui ne compte que 56.000 habitants, affiche un des taux de suicides parmi les plus élevés du monde, un pour mille habitants en moyenne. A Tasiilaq, un habitant sur cinq se suicide.

"Énormément d'enfants sont victimes d'abus sexuels et font l'expérience de violences dans leurs foyers. S'ensuit chez beaucoup d'entre eux une vie pavée de problèmes et d'anxiétés ce qui fait que beaucoup de jeunes se suicident", explique Mme Ketwa, de Save the Children Groenland.

La récente diffusion d'un documentaire sur le sujet par la télévision publique danoise a provoqué l'émoi et ravivé l'engagement des autorités.

"J'avais à peu près six ans (...) J'ai été réveillée en pleine nuit car quelqu'un me touchait. Mes mains étaient liées, mes genoux étaient liés et il a abusé de moi", y témoigne Anna-Sofie Jonathansen, une habitante de Tasiilaq, un village isolé du sud-est où près de la moitié des adultes de moins de 60 ans ont été agressés sexuellement pendant leur enfance et où un habitant sur dix est sans emploi.

- Eradiquer les abus sexuels d'ici 2022 -

"Les changements doivent venir de l'intérieur, prévient Aaja Chemnitz Larsen, qui représente le Groenland au Parlement danois. Mais nous avons besoin de coopérer avec des personnes qualifiées pour rassembler plus de connaissances et que l'investissement s'inscrive dans la durée".

Elle a demandé à Copenhague une aide exceptionnelle pour lutter contre ce fléau.

A Nuuk, le gouvernement, souverain en matière de politique économique et sociale, a mis en place une stratégie pour éradiquer les abus sexuels subis par les mineurs d'ici 2022.

Il entend multiplier les opérations d'information notamment sur les droits à l'intégrité corporelle des enfants et promet une prise en charge de tous.

Et pour cela, il faut encourager les travailleurs sociaux à s'installer dans les zones les plus reculées, où les abus sexuels sont plus fréquents.

"Il n'y a pas assez de psychologues, de travailleurs sociaux pour aider (...) les familles et leurs victimes. On est loin du compte en ce qui concerne l'aide aux prédateurs sexuels", déplore auprès de l'AFP la présidente de Save The Children, Jonna Ketwa.

De récentes enquêtes témoignent cependant d'une amélioration.

"On peut voir que la connaissance des droits de l'enfant augmente", se félicite Mme Olsvig.

D'après une étude de santé publique publiée fin avril, 20% des Groenlandais nés après 1995 ont subi des abus sexuels pendant leur enfance. Une part qui a diminué de moitié depuis la génération précédente puisqu'ils sont 43% chez les personnes nées entre 1975 et 1979.

En 2018, 436 plaintes pour délits à caractère sexuel, 50 de plus que l'année précédente, ont été déposées, dont 20% concernent des mineurs. Cela représente huit plaintes pour 1.000 habitants, contre 1,1 plainte pour 1.000 habitants dans le reste du Danemark.

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69% des plaintes sont néanmoins classées sans suite, faute de preuves et si la loi du silence commence à tomber, c'est à "pas comptés", indiquait le chef de la police locale, Bjørn Tegner Bay, dans son rapport annuel.

"Pour beaucoup d'entre elles (les victimes, ndlr), c'est comme ça, un point c'est tout", constate une enseignante interrogée dans le documentaire, Rikke Blegvad.

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