Le lien, indispensable pour survivre psychologiquement à ce nouveau confinement, selon Serge Hefez

Serge Hefez, psychiatre
Serge Hefez, psychiatre Tous droits réservés .Serge Hefez
Par Laurence Alexandrowicz
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button
Copier/coller le lien embed de la vidéo de l'article :Copy to clipboardLien copié

Le psychiatre Serge Hefez explique en quoi ce confinement sera vécu différemment par les Français, et appelle à combattre la solitude. Le lien est indispensable pour survivre psychologiquement à ce nouveau confinement.

PUBLICITÉ

Il va falloir s'y habituer à nouveau, aux rues vides, aux communications à distance, et retrouver aussi les bonnes habitudes, comme la fraternité au balcon, c'est le confinement, saison 2. Nous avons interviewé Serge Hefez, responsable de l'unité de thérapie familiale dans le service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière de Paris.

Laurence Alexandrowicz, euronews : "Serge Hefez, quels sont les mécanismes qui nous permettent de supporter ce confinement qui commence, dans ce contexte en plus d'attaques terroristes traumatisantes ?"

** Serge Hefez** : "Ce qui permet de supporter les drames à répétition c'est de se sentir reliés les uns aux autres, c'est à dire de sentir qu'on participe d'une communauté, d'une société, et cette société est plus importante que tout. Cette société on la fabrique, elle nous protège, et rien n'est pire que quand la société se fragmente.
 Ce qui a créé une très belle unité par rapport au virus, surtout dans le premier confinement, c'était de se sentir reliés, se sentir alliés les uns aux autres, tous partageant la même communauté de destin, parce que son sacrifice est pour le bien commun. Aujourd'hui on voit qu'il y a des discours clivants qui apparaissent de plus en plus.  Il y a ceux qui vont être les privilégiés du virus, qui vont avoir du travail, contre certains commerçants, ou les gens dans le spectacle, qui sont les laissés-pour-compte perdants de cette histoire. Il y a les personnes âgées, qui peuvent se dresser contre les jeunes car les jeunes sont accusés de ne pas être prudents.
 Et pour couronner le tout,  il y a tous ces attentats commis à l'heure actuelle, qui vont monter les communautés les unes contre les autres, créer une islamophobie dont les musulmans sont les premières victimes, qui vont fragmenter encore plus les choses et nous faire perdre ce sentiment de fraternité, d'unité, de solidarité."

je suis très inquiet pour le moral des Français

Laurence Alexandrowicz : "Le fait que nous en ayons déjà subi un nouveau confinement va-t-il le rendre plus facile ou plus difficile ?"

Serge Hefez : "Le premier confinement a été une expérience, on ne s'y attendait pas, on était confronté à un fait totalement nouveau, on a relevé nos manches, on a cherché à rendre les choses le plus supportable possible, on a imaginé, on a créé une autre façon de se relier, de se relier virtuellement, d'aménager son espace chez soi, de télétravailler, de répartir sa journée  entre les enfants et soi, mais avec l'idée qu'il y avait une temporalité : on faisait ça pour deux, trois mois, après il avait l'été, et tout repartait comme avant. Or là on n'est plus du tout dans la même vision, on rentre à nouveau dans une espèce de tunnel, sans savoir si il va s'arrêter, le temps devient totalement infini et on n'en voit plus que les mauvais côtés, on n'en voit que les cotés angoissants. Et j'ai peur que tout l'acquis du premier confinement soit perdu par rapport à cette angoisse du temps.
 En plus ça peut paraître anecdotique mais on rentre dans l'hiver, dans une espèce de nuit noire, les fêtes de Noël qui peuvent être compromises, je suis très inquiet pour le moral des Français."

il va y avoir une tendance au repli sur soi

Laurence Alexandrowicz : "Confinement veut dire solitude. Quels conseils pouvez-vous donner pour que cette période se passe le mieux possible?"

Serge Hefez : "C'est justement de ne pas laisser le lien se rompre, se déliter. Ca va demander plus d'efforts pour maintenir le lien, parce qu'il y a plus d'angoisse, il va y avoir une tendance au repli sur soi surtout pour les personnes seules et âgées, et il faut absolument maintenir ce lien vivant de toutes les façons possibles. Se forcer à téléphoner, envoyer des messages, participer à des réseaux sociaux avec les personnes avec qui on est en confiance, envoyer un petit message, on trouve une nouvelle recette de cuisine on l'envoie à un copain, partager, partager, ne pas se laisser confiner à l'intérieur de soi, dans cette solitude. Se forcer à téléphoner, envoyer des messages, participer à des réseaux sociaux avec les personnes avec qui on est en confiance, envoyer un petit message, on trouve une nouvelle recette de cuisine on l'envoie à un copain, partager, partager, ne pas se laisser confiner à l'intérieur de soi, dans cette solitude."

le fait de savoir que le monde entier participe de la même expérience la rend plus supportable

Laurence Alexandrowicz : "Qui a-t-il de particulier de vivre cette expérience collective mondiale ? Est-ce que on se sent plus fort, ou l'énormité de la situation est-elle accablante ?

Serge Hefez : "Il y a un peu des deux. Le fait de savoir que le monde entier participe de la même expérience la rend plus supportable, plus commune, on n'est pas frappé par le destin, un coup du sort. On a tous à s'unir pour traverser cette période. Par contre au quotidien ce n'est pas forcément ça qui nous soulage. Le fait de savoir que d'autres ont plus faim de nous ne nous aide forcément pas. Mais je pense que il y a dans ce collectif quelque chose qui va à l'encontre du pire, la fragmentation de la société."

Laurence Alexandrowicz : "Comment avez-vous retrouvé vos patients après le confinement ?"

Serge Hefez : "L'expérience post-confinement sur le plan psychiatrique a été très contrastée. La période de confinement a été comme une période de traumatisme, celle où on mobilise les défenses. Et plutôt très positivement même pour les personnes les plus fragiles, elles ont mis en place une énergie considérable pour pouvoir traverser cette période et plutôt bien. Et puis après on est dans le post-traumatique. Dans cette période l'énergie mise en place s'épuise et on ressent les aspects négatifs et douloureux de ce qu'on a traversé, et on voit aussi où on en est. Parfois on a perdu un travail, on est dans une situation de précarité sur le plan social. Sur le plan relationnel des couples se sont séparés... Le bilan peut être très lourd. Alors que pour certains ça a été très positif, ils ont réinventé des choses de leur existence, pour d'autres ça a été très lourd."

Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

45 000 volontaires vont être formés à l'approche des Jeux Olympiques de Paris

Les médaillés olympiques de Paris porteront un petit bout de la Tour Eiffel

Les Parisiens disent oui au triplement des tarifs de stationnement pour les SUV