Plan d'investissement pour l'Europe : un premier bilan

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Par Euronews
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La fin de l'année est propice à dresser des bilans. Faisons le point avec le vice-président de la Commission européenne, Jyrki Katainen sur le Plan d'investissement destiné à favoriser l'emploi

C’est la saison des bilans. Occasion pour nous de faire le point à Bruxelles sur le Plan d’investissement pour l’Europe lancé en avril qui doit permettre de lever 315 milliards d’euros sur trois ans. Son objectif : favoriser la création d’emplois et la croissance.

Commençons par préciser comment fonctionne ce Plan : imaginez un coffre-fort tout neuf. L’Union y dépose tout d’abord, une garantie de 16 milliards d’euros dont 8 milliards provenant de fonds existants. 5 autres milliards sont apportés par la Banque européenne d’investissement (BEI). Donc en théorie, la mise de départ en financement européen dans le cadre de ce Plan est de 21 milliards d’euros sachant que les Etats membres et leurs banques peuvent aussi l’alimenter.

De 21 milliards, on passe à 315 milliards

La Commission estime d’après son expérience que ces 21 milliards peuvent permettre de mobiliser par effet de levier, 315 milliards d’euros. Chaque euro d’argent public investi doit générer 3 euros en moyenne sous la forme d’une dette subordonnée. L’Union sera donc parmi les créanciers, la dernière à récupérer ses fonds. Les investisseurs privés – incités à participer – transforment ces 3 euros en 15 euros dans le cadre d’une dette de permier rang. Ils seront les premiers à être remboursés.

Si tout fonctionne comme prévu, 240 milliards d’euros devraient être attribués à des investissements stratégiques et 75 milliards aux petites et moyennes entreprises (PME).

Précisons ensuite qui sont les acteurs de ce Plan : ce nouveau pot commun européen de 21 milliards s’appelle le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS). Il est géré par la Banque européenne d’investissement (BEI) qui s’occupe aussi du Fonds européen d’investissement (FEI).

Instrument moteur : le Fonds européen pour les investissements stratégiques

Les projets sont sélectionnés par un comité de direction, un comité d’investissement et un directeur dédié au sein de la BEI. Les dossiers retenus qui nécessairement, créent de l’emploi et contribuent à la croissance appartiennent notamment aux secteurs suivants : infrastructures, énergies renouvelables, éducation et innovation.
Les PME européennes peuvent bénéficier du dispositif via le FEI qui les aide dans des projets plus risqués.

Si vous voulez y prétendre, vous devez vous adresser aux institutions partenaires de la BEI et du FEI dans votre pays. Si vous êtes un porteur de projet, vous pouvez contacter directement la BEI.

En réalité, le FEIS n’est pas un nouveau fonds. Le placer sous le mandat de la BEI permet aux banques d’examiner les demandes selon leurs critères habituels, mais aussi de participer à des projets plus risqués que d’habitude.

Depuis avril, 34 projets approuvés

Depuis avril, la BEI a approuvé 34 projets stratégiques via le FEIS pour un financement total de cinq milliard d’euros qui devrait permettre de lever 23 milliards de plus. Ils sont menés dans 13 pays : de l’Autriche à la Finlande en passant par l’Irlande. Mais seuls neuf projets ont été signés pour l’instant. La mise en oeuvre du Plan devrait s’accélérer en 2016. Et il y a de quoi faire. Depuis plusieurs années, l’Europe est confrontée au recul massif des investissements avec la crise : entre 2008 et 2013, ils ont baissé d’environ 17%. Relancer la machine est désormais la priorité d’un ensemble d’instruments financiers européens qui vise à inciter les investisseurs à prendre plus de risques.

Le nouveau Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) va ainsi, garantir pour environ 49 milliards d’euros par le biais de la BEI et 12 par le FEI. Le but : mobiliser les capacités d’investissement du secteur privé en particulier.

Deux axes de financement : projets stratégiques et soutien aux PME

La moitié des 34 projets stratégiques déjà sélectionnés concerne des projets risqués dans les énergies vertes. Les autres sont menés dans la recherche et développement en matière de biotechnologies et de santé, dans les infrastructures numériques et sociales ou encore les transports. De plus, – et c’est un point important -, le dispositif permet aux PME d’accéder à l’emprunt.

Mais comme Guntram Wolff du think-tank européen Bruegel, beaucoup estiment que ce plan n’a pas les épaules assez solides pour atteindre son objectif final, à savoir lever 315 milliards d’euros. “Ce qui compte vraiment pour les investisseurs privés, c’est le retour sur investissement ; la vérité, c’est qu’il n’y a pas tant de réduction du risque que cela du fait de la participation du secteur public et les rendements sont aussi très incertains, estime-t-il avant d’ajouter : Il y a peu d’argent public sur la table et il n’y a pas assez de réformes structurelles et d’initiatives du marché unique qui pourraient de nouveau, rendre l’investissement vraiment attractif.”

L’Union européenne a annoncé que d’autres fonds existants pourront participer à cet effort comme les Fonds structurels et d’investissement européens dotés de 450 milliards d’euros. Des outils qui viendront compléter l’action du FEIS.

Certains doutes

“J’ai bien peur que l’on ne dégage pas tant que cela d’investissements supplémentaires, souligne Guntram Wolff. Je pense qu’on aura un peu d’investissement qui sera reclassifié, mais on ne voit pas encore vraiment d’investissements supplémentaires,” poursuit-il.

Ce qui est encourageant, c’est que malgré un démarrage lent, le Fonds européen d’investissement (FEI) a injecté cette année, 1 milliard et demi d’euros dans 62 opérations destinées à financer des projets portés par des PME européennes en difficulté. Une somme qui devrait permettre de lever en plus, auprès d’investisseurs privés, 19 milliards d’euros. “De nombreux investisseurs privés sont intéressés, affirme Guntram Wolff. Ce dont ils ont besoin, ajoute-t-il, c’est d’un côté qu’on les rassure sur les risques les plus élevés et de l’autre, qu’ils aient des réformes structurelles et de meilleures prévisions dans le temps.”

Rassurer les investisseurs privés, c’est bien l’objectif prioritaire en 2016 pour que la roue de l’investissement en Europe tourne beaucoup plus vite.

Pour y voir plus clair sur les perspectives d’avenir de ce plan d’investissement, interrogeons le mieux placé pour répondre à nos questions : le Vice-Président de la Commission européenne en charge des affaires économiques Jyrki Katainen.

We will raise awareness of the EU Investment Plan #investEU for all citizens. Aim is to create #jobs and #growth. pic.twitter.com/Tg8eU5VNRJ

— Jyrki Katainen (@jyrkikatainen) 10 Décembre 2015

Maithreyi Seetharaman, euronews :
“L’un de vos projets favoris dont vous m’avez parlé, c’est la rénovation énergétique de l’habitat en France. Prenons-le en exemple pour expliquer comment s’articule l’investissement dans un cas comme celui-ci.”

Jyrki Katainen :
“En France, trois régions vont mettre en commun 40.000 bâtiments et organiser le financement de leur rénovation.
Le nouveau Fonds FEIS va couvrir une partie du risque supporté par les investisseurs privés.”

Maithreyi Seetharaman :
“Qui sont les investisseurs stratégiques dans un tel projet ?”

Jyrki Katainen :
“Des fonds de pension, des compagnies d’assurance, des banques d’investissement, mais aussi pour une part, des banques nationales de développement. Mais au final, c’est le propriétaire de la maison qui paie aussi la facture.”

“Le Fonds FEIS n’accorde aucune subvention”

Maithreyi Seetharaman :
“Pensez-vous que la méthodologie employée pour sélectionner ces projets soit assez claire ?”

Jyrki Katainen :
“On doit faire plus en ce sens car il y a des gens qui ont tendance à penser que la Commission sélectionne des projets et que les ressources mises à disposition sont des subventions. En réalité, tous les projets qui peuvent avoir accès à un financement par le biais du FEIS sont sélectionnés au mérite par un comité d’investissement indépendant.
Et le Fonds FEIS n’accorde aucune subvention, mais procure des prêts, des garanties, des fonds propres, des quasi-fonds propres et des choses comme ça.
Ce doit être des projets qui présentent un risque plus élevé que ceux que soutient la BEI.”

Maithreyi Seetharaman :
“D’après vous, son fonctionnement correspond-il davantage à la culture du capital-risque ?”

Jyrki Katainen :
“Si on compare le marché européen du capital-risque et le marché américain en la matière, nous sommes loin du niveau de développement qu’il atteint aux Etats-Unis.
C’est pour cette raison que le FEIS permet d’assumer plus de risques. Il investit dans d’autres fonds comme les fonds de capital-risque privés. Mais il finance aussi des projets directement sur le mode du capital-risque.”

Maithreyi Seetharaman :
“Comment expliquer que pour l’instant, il n’y ait pas plus d’investissements dans les infrastructures de base ?”

Jyrki Katainen :
“En général, les investissements dans les infrastructures de base sont de très grande ampleur et cela prend toujours du temps de monter ce type de projet dans sa globalité et c’est probablement l’une des explications que l’on peut donner.”

La Chine, des pays du Golfe, des entreprises américaines veulent investir davantage en Europe”

Maithreyi Seetharaman :
“La Chine a dit vouloir participer à cet effort d’investissement. Quels sont les autres acteurs mondiaux qui pourraient contribuer à remplir votre objectif de 315 milliards d’euros levés en deux ans ?”

Jyrki Katainen :
“J’ai confiance dans le fait que nous allons réussir à financer des projets pour un montant total de 315 milliards d’euros sur deux ans et demi à peu près. On a un groupe de travail commun où il y a l’Union européenne, la Banque européenne d’investissement et les autorités chinoises qui ensemble, essaient de trouver le meilleur vecteur possible pour que les Chinois investissent en Europe. On veut leur donner plus d’opportunités d’investissement par le biais de vecteurs spécifiques : des plate-formes d’investissement, etc. Et ces mêmes plate-formes sont ouvertes à d’autres pays.
Il y a de nombreux pays du Golfe, mais aussi des entreprises américaines qui sont intéressés. Je me suis aussi rendu à Singapour où des gestionnaires de fonds m’ont dit qu’ils prévoyaient d’investir davantage en Europe.
Le résultat à la fin de cette année, c’est qu’il y aura eu environ 50 milliards d’investissements supplémentaires dans l‘économie réelle. L’an prochain, ce devrait être au moins le double.
Quand on regarde notre objectif d’investissement en volume – 315 milliards en trois ans – et qu’on compare ce chiffre aux besoins d’investissement à long terme – il nous faut 300 milliards d’euros par an ; donc c’est réalisable comme le FEIS doit lever seulement 315 milliards d’euros sur trois ans.”

Maithreyi Seetharaman :
“Comment inciter les investisseurs à participer de nouveau ?”

Jyrki Katainen :
“Tout d’abord, nous aurons un résultat concret au printemps prochain avec le lancement du Portail européen de projets d’investissement : c’est un site internet de dimension européenne où les promoteurs de projet à la fois publics et privés peuvent présenter leur projet et avoir ainsi une plus grande visibilité.
Deuxièmement, nous ferons des propositions concrètes pour harmoniser au niveau du marché intérieur, le Marché unique mumérique par exemple.
Concernant l’Union des marchés des capitaux, au début de l’année prochaine, nous rendrons plus flexibles, les exigences relatives aux capitaux des compagnies d’assurance. Ce qui va aider ces entreprises à investir dans l‘économie réelle.
Dans le secteur du marché de l‘énergie et en matière d‘économie circulaire, nous allons harmoniser la réglementation. Essentiellement, l’Europe a choisi d’aller de l’avant en créant de nouveaux marchés plutôt que de sécuriser l’existant.”

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