Politique de cohésion de l'UE : "Les pays riches en bénéficient aussi !"

Politique de cohésion de l'UE : "Les pays riches en bénéficient aussi !"
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Par Maithreyi SeetharamanGuillaume Desjardins & Fanny Gauret
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Real Economy examine en République tchèque et Allemagne, les effets de la politique européenne de cohésion qui soutient les régions les plus pauvres d'Europe.

La politique de cohésion représente un tiers du budget de l'Union européenne. Pour encourager la création d'emplois et réduire les inégalités au sein d'un pays qu'il soit riche ou pauvre et à l'échelle européenne, elle se décline sous la forme d'investissements dans les régions les plus pauvres d'Europe.

Pour y voir plus clair sur les tenants et aboutissants de cette politique, nous vous proposons notre cours accéléré : imaginez que vous êtes à l'université et que votre professeure de soutien, c'est la politique de cohésion. Elle vous aide à rattraper votre retard : à agir sur votre économie, à vous ajuster socialement ou à atténuer les disparités entre les territoires.

Comment fait-elle pour vous permettre d'atteindre le même niveau que les autres dans votre classe ou en l'occurrence, dans votre pays et en Europe et pour vous apporter des opportunités d'emploi et de la croissance ? En investissant dans le capital humain, en soutenant le développement des entreprises, en mettant de l'argent dans la recherche et en améliorant l'environnement et nos infrastructures.

Ce qui nécessite beaucoup de moyens. C'est pour cela qu'il existe trois Fonds : l'un investit dans des secteurs porteurs, un autre dans les personnes et le dernier est destiné aux plus vulnérables d'entre nous. Grâce à ces ressources et parfois à deux autres Fonds, la professeure est en capacité de soutenir tous ses étudiants.

Pour savoir comment cette politique se traduit dans les faits, nos reporters se sont rendus dans deux pays à la situation économique bien différente, en République tchèque et en Allemagne.

Une diversité de projets financés en République tchèque

À Dolní Břežany, au sud de Prague, notre journaliste Guillaume Desjardins visite les locaux du projet HiLASE. Créée en 2014, l'entreprise spécialisée dans les lasers emploie 90 techniciens hautement qualifiés venus de toute l'Europe.

Antonio Lucianetti, responsable du programme de recherche 2 chez HiLASE, nous présente "un assemblage de technologies qui viennent du Royaume-Uni et d'Allemagne. Nous utilisons aussi des technologies dans le domaine de ce qu'on appelle l'optique adaptative et c'est une collaboration franco-italienne," précise-t-il.

Tomáš Mocek, directeur du Centre HiLASE, renchérit : "Dans l'avenir, nous pensons que nos technologies seront intéressantes dans la construction automobile, mais aussi dans l'industrie lourde."

HiLASE est l'un des nombreux projets financés par la politique de cohésion de l'UE. Il y en a d'autres dans les secteurs des énergies propres et renouvelables ou encore les transports. Un secteur crucial dans ce pays au cœur de l'Europe.

"Il est très important d'achever la construction de tous les axes qui passent par la République tchèque, assure Tomáš Čoček, premier vice-ministre des Transports, parce que quand ce sera fait, ce sera utile pour les entreprises tchèques et pour les sociétés allemandes, autrichiennes, polonaises et du Sud de l'Europe car leurs activités seront facilitées."

Au cours des deux dernières années, ces fonds représentaient même près de 40% de tous les investissements publics dans le pays, le tout générant près de 27.000 emplois.

Corina Crețu : "Nous encourageons toutes les régions à exploiter ce qui fait leur force"

Pour mieux comprendre comment ces fonds profitent à l'ensemble des pays européens, nous interrogeons à Bruxelles, Corina Crețu, la Commissaire européenne chargée de la politique régionale.

Corina Crețu, Commissaire européenne :

"Je n'aime pas cette répartition entre contributeurs nets et bénéficiaires nets parce qu'il y a aussi des pays riches qui en bénéficient directement - dans l'innovation, les projets de recherche, les nouvelles autoroutes -, mais aussi indirectement, dans le commerce par exemple. Dans l'Est de l'Europe, nous apportons notre aide pour des projets fondamentaux comme les infrastructures et les entreprises qui remportent les contrats sont de l'Ouest de l'Europe."

Guillaume Desjardins, euronews :

"Quels seront les domaines prioritaires ?"

Corina Crețu :

"L'innovation est essentielle pour nous. Il y a aussi le haut débit, tout ce qui alimente le développement des régions... Bien sûr, je me rends bien compte que toutes les régions ne peuvent pas se transformer en Silicon Valley, mais nous menons ce qu'on appelle des stratégies de spécialisation intelligente et nous encourageons toutes les régions à exploiter ce qui fait leur force."

Guillaume Desjardins :

"De nombreux financements sont allés vers les pays du groupe de Visegrád (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie). Aujourd'hui, vous prévoyez de vous concentrer sur les régions en déclin industriel."

Corina Crețu :

"Les pays du groupe de Visegrád ont droit à un budget important. Il y a des régions qui ont le même PIB par habitant depuis la crise, malgré la croissance que nous connaissons en Europe. Nous avons donc sélectionné cinq régions et nous allons élaborer une stratégie pour accélérer la croissance dans ces régions."

Prendre aux riches pour donner aux pauvres, on dirait une version moderne de "Robin des bois", fait remarquer Guillaume Desjardins. Mais contrairement à la forêt de Sherwood, dans le cadre de la politique de cohésion européenne, les pays riches reçoivent un retour sur investissements. La commissaire Corina Crețu nous expliquait également que les pays riches reçoivent directement des fonds de la politique de cohésion.

Allemagne : un coup de pouce pour les start-up

Pour découvrir un autre profil de pays contributeur et bénéficiaire de fonds européens de cohésion, notre reporter Fanny Gauret s'est rendue en Allemagne, l'une des économies les plus fortes au monde.

Sur les 460,3 milliards d'euros de fonds structurels, l'Allemagne reçoit 27,9 milliards pour soutenir les régions qui ont besoin de booster leur productivité et créer plus d'emplois, comme dans le Land du Brandebourg. Son PIB par habitant est l'un des plus bas des 16 Länder allemands.

Allons voir l'impact réel de ce soutien financier au parc scientifique de Potsdam.

Plus de 120 millions d'euros sont injectés sur place par le biais de la politique de cohésion d'après l'autorité qui gère pour le Land de Brandebourg, le Fonds européen de développement régional (FEDER).

Avec des investissements supplémentaires, cet argent participe à la création de 2400 emplois de chercheurs et attire quelque 9000 étudiants et une vingtaine d'entreprises et start-up innovantes.

"Notre objectif, indique Agnes von Matuschka, directrice générale du parc, c'est d'avoir 1000 employés et 100 entreprises de plus dans cette zone dédiée aux sciences de la vie dans les dix prochaines années. Elle donnera aux chercheurs la possibilité de monter leur propre activité et de faire bénéficier leurs idées scientifiques à la société," affirme-t-elle.

Et c'est le cas d'une start-up de Brandebourg. Comme de nombreuses PME, elle a eu besoin d'un petit coup de pouce pour démarrer et voir assemblés ses premiers robots pour enfants.

"C'est très difficile en Europe de trouver des investisseurs qui soient assez fous pour mettre de l'argent dans une activité aussi difficile [ndlr : que la nôtre], reconnaît Christian Guder, directeur technique et cofondateur de Kinematics GmbH (Tinkerbots), et c'est pour cela qu'on était très content de rencontrer des investisseurs institutionnels dans cette zone. Aujourd'hui, quatre ans après, on est 30 dans l'entreprise et on n'a pas cessé de croître depuis sa création," se félicite-t-il.

Selon l'Union européenne, la politique de cohésion a un impact positif sur l'économie des pays qui contribuent le plus au budget grâce à l'argent qu'ils reçoivent et à des échanges commerciaux plus importants.

Mais est-ce que cela fonctionne sur le long terme ? La réponse d'Alexander Kritikos, directeur de recherche à l'Institut allemand de recherche économique (DIW).

"On doit se demander de quel genre d'institutions certaines régions ont besoin, pas seulement s'interroger sur les projets, estime-t-il. Il y en a beaucoup qui souffrent d'une sur-réglementation et je crois qu'il serait très, très important de lier le soutien financier à une forme de pression pour que des réformes soient faites pour y remédier, poursuit-il. Il faut beaucoup plus d'investissements, des investissements sur le long terme et des modifications réglementaires," insiste le spécialiste.

Pour l'Europe, il ne s'agit pas de donner et recevoir, mais bien de partager un retour sur investissements entre toutes ses régions. Une belle idée, mais pas aussi facile que de programmer l'un des petits robots conçus par la jeune start-up de Brandebourg.

Real Economy | Cohesion Policy
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