L'UE veut faire respecter les règles budgétaires, mais donner du temps

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Par Fanny Gauret
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La Commission européenne a présenté fin avril, une proposition de réforme des règles budgétaires suspendues pendant la pandémie. Si les limites à respecter pour le déficit public et la dette ne changent pas, un ajustement progressif pourrait être demandé.

Fin avril, la Commission européenne a annoncé vouloir remanier les règles budgétaires qui, suspendues lors de la pandémie, seront réactivées et actualisées. Elle entend ainsi, veiller à assainir les finances publiques des États membres, tout en encourageant les investissements dans les transitions écologique et numérique.

Il faut rappeler que la dette publique dans l'UE a atteint un pic de 90% du PIB en 2020, lors de la pandémie de Covid-19, puis est passée de 88% en 2021 pour s'établir à 84% en 2022, bien au-dessus des limites fixées.

Un ajustement budgétaire échelonné

De nombreux pays ont effectivement, dépensé beaucoup ces dernières années, dans des mesures atténuant les répercussions de la pandémie, mais aussi la guerre menée par la Russie en Ukraine et la crise de l'énergie.

Rendre les niveaux d'endettement public plus soutenables signifie faire baisser les déficits publics sous la barre des 3% du PIB et ramener la dette publique sous les 60% du PIB, comme le prévoient les traités européens.

La proposition de la Commission vise à donner aux États membres, plus de contrôle sur la manière dont ils atteignent ces objectifs. Mais ils devront ajuster leur budget d'un minimum de 0,5% du PIB chaque année jusqu'à ce qu'ils atteignent les 3%.

14 pays devraient dépasser la limite des 3% en 2023, dont l'Italie, la France, la Roumanie, l'Espagne et Malte.

La réforme sera discutée au Parlement européen et par les États membres du Conseil, pour que les plans spécifiques à chaque pays soient élaborés en 2024.

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14 pays dont l'Espagne, la France, l'Italie, Malte et la Roumanie devraient enregistrer un déficit public supérieur à 3% du PIB en 2023NEWIC

Paolo Gentiloni : "Chaque État membre décidera de sa propre trajectoire budgétaire"

L'objectif est ainsi, une réduction graduelle de la dette publique sur quatre, voire sept ans pour les pays au-dessus des limites, avec une approche spécifique à chacun d'entre eux. D'un autre côté, des amendes allégées seraient effectivement appliquées en cas de non-respect des règles.

Pourquoi la Commission européenne a-t-elle choisi cette approche ? Le commissaire européen en charge de l'Économie Paolo Gentiloni nous répond. "De manière générale, la dimension irréaliste et la complexité excessive ont eu pour conséquence que les règles n'ont pas été réellement appliquées et il n'est pas acceptable que l'Union européenne ait des règles budgétaires uniquement sur le papier," souligne-t-il.

Il nous précise l'intérêt de l'approche de la Commission. "Chaque État membre décidera de sa propre trajectoire budgétaire pour les quatre ou sept années à venir," indique-t-il avant de préciser : "Comme il s'agit de vos propres décisions, si vous vous en écartez de manière significative, la Commission est autorisée à faire appliquer ces décisions et à décider si leur application est clairement justifiée."

Certains pays comme la France ou l'Italie dépassent largement ces limites. Paolo Gentiloni estime malgré tout que des résultats notables sont à prévoir grâce à cette refonte des règles"Avec une approche plus progressive, je pense que nous pouvons réaliser ce qu'il était malheureusement impossible de réaliser avec les règles existantes - on n'atteindra pas demain, les fameux 60%, je pense qu'il faut être transparent sur ce point -, mais si la trajectoire passe d'une hausse à une baisse, ce sera important pour les marchés et pour notre Union," assure-t-il.

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Paolo Gentiloni, commissaire européen en charge de l'Économie, nous répond dans Real EconomyEuronews

"Pour autant, nous devons aussi encourager la croissance pour soutenir notre système, qui est un système basé sur l'aide sociale, mais aussi pour faire face à l'immense montant d'investissements nécessaires si nous voulons être pris au sérieux vis-à-vis de ce que nous disons sur les transitions écologique et numérique," fait remarquer le commissaire européen. "Nous avons besoin d'un soutien commun à l'investissement et c'est la leçon à tirer de NextGenerationEU," estime-t-il.

Un besoin de transparence et d'égalité de traitement selon l'économiste Jeromin Zettelmeyer

De son côté, l'économiste Jeromin Zettelmeyer rappelle que le besoin de transparence et d'égalité de traitement dans le processus de réduction de la dette ne doit pas être un frein pour soutenir la croissance de chaque pays.

"L'idée fondamentale de cette réforme est de commencer par examiner les circonstances propres à chaque pays ; le problème, c'est que celui - quel qu'il soit - qui exerce le pouvoir discrétionnaire dans l'examen de ces circonstances dispose d'un grand pouvoir dont il peut abuser," indique l'économiste. "Certains États membres craignent que la Commission n'en abuse ou que ce soit le cas de celui qui exerce une influence politique sur la Commission à ce moment-là," explique-t-il.

"La nouvelle proposition de la Commission prévoit un garde-fou qui stipule que, quoi qu'il arrive à la fin de ces quatre années, la dette doit être inférieure à ce qu'elle était au début : ce qui exclut donc un effort d'investissement transitoire," déplore-t-il. "Il faudrait probablement renégocier cela ; pour le reste, je pense que la proposition de la Commission tient la route," juge-t-il.

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L'économiste Jeromin Zettelmeyer répond à Real EconomyEuronews

Investir dans la puissance de calcul...

Ne pas pénaliser les investissements publics est un autre enjeu majeur alors qu'ils peuvent être à l'origine de belles réussites à travers l'Union européenne. C'est le cas en Italie, dans la ville de Bologne, où le supercalculateur LEONARDO se prépare à déployer sa puissance considérable. Nous le découvrons dans les locaux du consortium CINECA.

"LEONARDO effectue 250 millions de milliards d'opérations par seconde ; à l'heure actuelle, il s'agit de la quatrième machine la plus puissante au monde," nous précise Francesco Ubertini, président de CINECA.

LEONARDO a vu le jour grâce au financement conjoint de 240 millions d'euros, répartis entre le ministère italien des Universités et de la Recherche et l'initiative européenne publique et privée EuroHPC. Il sera bientôt disponible pour des projets de recherche et d'innovation. "Les domaines dans lesquels LEONARDO sera utilisé vont, généralement, des prévisions météo à la lutte contre le changement climatique, en passant par l'accélération du développement de nouveaux médicaments et la conception de nouveaux produits liés aux jumeaux numériques," décrit Francesco Ubertini.

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Les installations du supercalculateur LEONARDO au sein de CINECA à BologneEuronews

Même si la dette publique de l'Italie est déjà deux fois supérieure au seuil des règles budgétaires, cet investissement vise à booster la compétitivité de la recherche et de l'industrie italienne et européenne. "Cette logique de cofinancement avec les États membres, je dois le dire, porte aujourd'hui, ses fruits puisque parmi les quatre calculateurs les plus puissants du monde, il y en a actuellement, deux sur quatre qui sont européens. C'est du jamais vu sur la scène mondiale," se félicite le président de CINECA.

... Et envisager une pluie de retombées

À Naples, la société pharmaceutique Dompé, la première entreprise à signer un accord avec LEONARDO, espère en exploiter tout le potentiel pour l'identification de médicaments, grâce à l'analyse d'un large éventail de molécules.

"Il s'agit de trillions de molécules - autant qu'il y a d'étoiles dans une galaxie sur à peine quelques heures -," explique Andrea Beccari, responsable de la plateforme Exscalate au sein de la société. "Il est crucial de rechercher la molécule qui interagit parfaitement avec la cible, qui est ensuite liée au développement de la maladie," dit-il.

La promesse du supercalculateur est d'arriver à simuler l'interaction d'un médicament avec un patient virtuel, mais aussi de prédire les pathologies les plus à risque en analysant des millions de génomes qui renferment des milliards de données.

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L'entreprise italienne Dompé, première à signer un accord avec LEONARDOEuronews

"Avec l'avènement de nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle, il est essentiel de maintenir un niveau de recherche aussi avancé que possible," assure Andrea Beccari. "C'est pourquoi l'utilisation de supercalculteurs nous permet d'être compétitifs au niveau international, même si nous sommes une entreprise de taille moyenne," se félicite-t-il.

Des investissements publics tels que LEONARDO sont considérés comme cruciaux pour la compétitivité à moyen et long terme de l'Europe.

Journaliste • Fanny Gauret

Video editor • Nicolas Coquet

Sources additionnelles • Production : Louise Lehec ; cameramen : Mathieu Rocher (Italie), François Ducobu et Yves Pottiaux (Bruxelles) ; motion design : NEWIC

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