1942: Le "Match de la mort"

1942: Le "Match de la mort"
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Par Euronews
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Football, Nazis et propagande soviétique. Soixante dix ans après le légendaire “Match de la mort” de Kiev, le dernier témoin de cet affrontement tragique raconte.

1942. Un match de football oppose le FC start, une équipe locale ukrainienne à une sélection nazie de la Luftwaffe, l’armée de l’air allemande. L’affrontement tourne au drame. Selon la propagande soviétique, les Ukrainiens, vainqueurs de la partie, auraient été tués par les Nazis humiliés d’avoir perdu. La propagande communiste soviétique baptisera alors cet épisode tragique “Le match de la mort”.

Les joueurs ukrainiens auraient été arrêtés et exécutés dès la fin du match contre la Flakelf. Cette légende tiendra jusqu‘à l’effondrement de l’Union soviétique. Les langues se délient alors. D’anciens joueurs se sentent libre de raconter ce qu’ils ont vu et leur version diffère du mythe.

Un match a effectivement eu lieu. C‘était une partie tendue, mais pas plus que n’importe quelle autre rencontre. Vladlen Putistin est le fils de l’un des joueurs, il avait huit ans en 1942. Il se souvient.

“C‘était un match tendu oui, mais je n’ai pas vu un match rude. Des rumeurs disent que les joueurs se mettaient volontairement des coups de pieds. Je n’ai pas vu cela. Si vous jetez un oeil sur la photo prise après le match, vous pouvez voir que tout le monde a l’air bien. Cela prouve que le match s‘était bien passé”, dit-il.

La plupart des joueurs ont été arrêtés quelques mois après le match. Parmi eux, le père de Vladlen.

“Ils ont été arrêtés le 18 Août. Mon Père m’a raconté leur arrestation. Une voiture s’est approchée de l’usine à pain dans laquelle ils travaillaient. Les Allemands avaient une liste et ils ont dit “un tel, un tel, viens ! dehors !” Ils les ont emmenés à la Gestapo. Mon père y a resté 23 jours”, continue Vladlen.

Ce match à l’origine de la légende du “Match de la mort” s’est déroulé au Stade “Zénith” de Kiev. En 1981, l’endroit est rebaptisé le Start Stadium en mémoire des joueurs ukrainiens du FC start.

Valentyn Chtcherbatchev est l’un des premiers historiens et journaliste ukrainiens qui ont essayé d‘écrire objectivement sur le sujet. Mais il s’est heurté à la censure soviétique. Il est l’auteur de cinq livres sur le sport. L’un de ses ouvrages “Nostalgie du Football soviétique” a été publié après l’effondrement de l’Union soviétique. Il met en avant la manipulation articulée autour du “Match de la mort”.

Pour Valentyn Shcherbachov, jourmaliste sportif, “le “match de la mort”, tel que décrit n’a pas eu lieu. Il y a eu une série de matchs durant lesquels les joueurs de Kiev gagnaient tout. Donc en 1942, le nouveau commandant de Kiev a interdit les matchs pour que les Allemands ne soient pas discrédités aux yeux des habitants de la ville occupée”.

Mais alors, pourquoi des joueurs ont ils été arrêtés et le Dynamo démembré?

“Les Allemands savaient que le “Dynamo” était une structure de la NKVD, la police secrète soviétique et qu’ils avaient des activités souterraines ici. Alors les joueurs ont été interrogés séparément. Quand les Allemands n’ont pas pu prouver qu’ils s’adonnaient à des activités souterraines, ils les ont envoyés dans un camp de concentration, à Syrets”, explique Vladlen Putistin.

“Seuls trois joueurs à ce moment là étaient des joueurs du Dynamo, Trusevich, Klymenko et Komarov. Tous les autres jouaient dans d’autres équipes. Ils ont été réunis à Kiev. Certains joueurs allaient intégrer le Dynamo mais ne l’avaient pas encore fait. Il n’y avait bien que trois joueurs du Dynamo. Le Dynamo était en effet l‘équipe du NKVD, mais le Start était une équipe de Kiev”, détaille Valentyn Shcherbachov.

“Quand ils ont été arrêtés au camp – Ils étaient neuf – ils ont été divisés en trois groupes. Un groupe était composé de ceux qui ont été abattus. Le deuxième groupe comptait Tiouttchev, Putistin et Komarov. En outre, Goncharenko et Sviridovsky travaillaient comme cordonniers en dehors du camp. Ils ont été arrêtés, mais ils n‘étaient pas dans le camp. S’ils avaient été tous ensemble, ils auraien tous été tués”, termine Vladlen.

Les quatre joueurs qui sont morts en 1942 étaient tous des joueurs du Dynamo. Leur exécution n‘étaient pas due au résultat du match de football.

“Les joueurs qui s’en sont sortis étaient des collaborateurs nazis, ce qui leur a sauvé la vie”, a déclaré un producteur de cinéma dans un entretien à un célèbre quotidien russe. Vladlen Putistin a porté plainte contre le journal.

Récemment, L’Ukraine a reporté la sortie d’un film russe sur le “Match de la mort”, refusant à la veille de l’Euro-2012 de voir une partie des Ukrainiens présentés comme des collaborateurs des Allemands.

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