Travail le dimanche, l'exception française en Europe

Travail le dimanche, l'exception française en Europe
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Par Joël Chatreau
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L’ancien président de La Poste a livré son paquet au Premier ministre français. Le rapport qui porte son nom, Bailly ( Jean-Paul ), donne des pistes pour assouplir le travail le dimanche, et dans le même temps pour mieux l’encadrer. L’intitulé de ce rapport “Vers une société qui s’adapte en gardant ses valeurs” parle de lui-même, mais le document souligne “l’incohérence, l’illisibilité et l’instabilité de la situation actuelle”. Le chef du gouvernement Jean-Marc Ayrault a effectivement rappelé que la spécificité du dimanche devait demeurer, tout en annonçant qu’une concertation sur les changements envisagés allait être engagée avec les syndicats et les groupes parlementaires. Il compte sur l’adoption d’un nouveau cadre législatif sur le travail dominical en 2014.

En attendant, il faut éteindre le feu dans certains secteurs. Plusieurs enseignes de bricolage de la région parisienne avaient déclenché les hostilités en septembre dernier en passant outre une décision de justice qui leur interdisait d’ouvrir le dimanche. Ce commerce devrait pouvoir encore bénéficier d’une dérogation mais provisoirement, jusqu‘à l’adoption d’une nouvelle loi. Le rapport Bailly indique que c’est la dérogation permanente accordée au secteur de l’ameublement en 2008 qui a semé la zizanie. Elle devrait être supprimée par décret après le vote de la nouvelle législation.

Cette étude contient surtout des propositions concrètes, notamment pour augmenter le nombre de dimanches d’ouverture des magasins et pour harmoniser les contreparties salariales. Afin de décrypter ces principaux points, Euronews a fait appel à un expert, Claude Boulle, le président de l’Union du grand commerce de centre-ville ( UCV ).

Il est préconisé d’ouvrir les magasins 12 dimanches par an au lieu de 5 actuellement. 7 de ces autorisations seraient données par le maire de la commune d’implantation. Claude Boulle trouve cela satisfaisant mais peut-être pas encore suffisant. Pour lui, le nombre idéal serait de 15 dimanches, sans qu’il y ait besoin de demander au maire. “Depuis la loi de 1906 sur le travail dominical, la notion de repos s’est transformée, le shopping fait maintenant partie des loisirs”, explique-t-il. “Et en 1906, on travaillait 70 heures par semaine, on n’avait pas envie de s’y remettre le week-end”. “En France, le commerce est devenu une activité plus importante que celle de l’industrie”, poursuit-il, “Il faut pérenniser les emplois créés le dimanche”.

La France reste une exception. A titre de comparaison, la liberté d’ouverture des magasins le dimanche est totale dans beaucoup de pays européens comme nous le dit Claude Boulle, le président de l’UCV : “En Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, en Suède, en Italie, au Portugal, à Madrid, la capitale espagnole, les commerces sont ouverts 52 dimanches par an”. En revanche, en Belgique, mis à part les villes touristiques, seulement 3 dimanches sont accordés par an, 3 de plus si la convention collective du secteur commercial concerné l’autorise. En Allemagne, la loi est stricte. Les dérogations varient selon les régions, pour 4 dimanches en Bavière, jusqu‘à 8 dans le Land de Berlin. L’ouverture n’est acceptée que de 13H à 20H pour ne pas nuire aux offices religieux du dimanche matin.

La loi française est l’une des plus exemplaires pour rémunérer le travail dominical. Dans les PUCE, comprenez les Périmètres d’usage de consommation exceptionnelle – il en existe 39, souvent à la périphérie des grandes villes – Claude Boulle indique que “le salaire est majoré de 100%, auquel s’ajoute une journée de récupération”. En revanche, dans les zones touristiques, les employeurs n’ont aucune obligation. “La majoration va de 100% dans certains grands magasins à rien du tout dans certaines petites entreprises”, précise le président de l’UCV. Chez le voisin allemand, les employés qui travaillent le dimanche reçoivent une prime qui peut aller jusqu‘à 125% du taux horaire. Inversement, chez le voisin espagnol, la prime varie de 15 à 36 euros.

En conclusion, la France a de bonnes bases, elle doit s’adapter à une nouvelle réalité imposée par l‘économie et la transformation des habitudes de consommation, tout en harmonisant les compensations salariales. Le président de l’Union du grand commerce de centre-ville rappelle qu’un sondage effectué en novembre dernier indique que 63% des Français sont favorables à une ouverture le dimanche pour les magasins qui le désirent, 35% y sont opposés.

Photo de une : Flickr CC @maong

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