Pourquoi tant de terroristes originaires de Belgique ?

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Bruxelles quadrillée par l’armée et la police. La scène est devenue courante dans la capitale belge ces derniers jours. Ce dispositif d’alerte

Bruxelles quadrillée par l’armée et la police. La scène est devenue courante dans la capitale belge ces derniers jours. Ce dispositif d’alerte maximale est lié à la crainte de nouveaux attentats après ceux de Paris.

Une atmosphère pesante

“Je n’ai jamais vu ma ville comme ça, nous dit Youssef Kobo, bloggeur à Bruxelles. Vous ne pouvez pas vous imaginer que des soldats patrouillent comme ça dans les rues où vous vivez. Quand on parle de villes en état de siège, on pense que ça se passe à l‘étranger, dans des pays du Moyen-Orient, jamais en bas de chez vous. C’est bizarre. Je ne sais pas qui est responsable de tout ça. On peut s’interroger sur la manière dont quelques individus à peine ont pu prendre tout un continent en otage.”

Examen de conscience

Qui mettre en cause dans cette prise d’otages telle que la décrit ce militant associatif ? Les auteurs des attaques, mais pas seulement…
La Belgique fait son examen de conscience alors qu’une nouvelle fois, ce pays de 11 millions d’habitants est montré du doigt.
Certains des auteurs des attaques parisiennes le 13 novembre étaient belges
dont Salah et Brahim Abdeslam qui habitaient Molenbeek, en périphérie de Bruxelles.

C’est de cette même commune qu‘était originaire le cerveau présumé des attentats, Abdelhamid Abaaoud tué depuis. Mais ils ne sont pas les seuls.

D’autres affaires ont un lien avec cette ville : l’attaque avortée dans un Thalys en août, la tuerie du Musée juif de Bruxelles l’an dernier et les attentats de Madrid en 2004.

Mais affirmer comme beaucoup que Molenbeek est l’une des bases européennes du terrorisme islamiste, c’est trop pour Youssef.

“Il faut savoir que Molenbeek est aussi une ville minée par la pauvreté, le chômage, la discrimination, les brutalités policières, mais aussi par des autorités locales incompétentes.
De nombreux habitants se sont plaints de tout ça, ont réclamé pendant des décennies que les responsables politiques s’emparent de ces questions de pauvreté, de chômage, mais aussi de radicalisation, mais personne n’a entendu. Personne ne s’en est préoccupé. Les gens préfèrent détourner le regard et aujourd’hui, on en paie le prix.”

30% de chomâge

La forte proportion à Molenbeek de population immigrée s’explique historiquement par l’arrivée en nombre dans les années 60, de Marocains – pour la plupart -.

Aujourd’hui, le taux de chômage atteint 30% dans la commune.

Parmi les habitants, on dit percevoir chez certains, une radicalisation religieuse et une montée de l’intolérance à l‘égard des non-musulmans.

Un contexte qui évidemment, ne suffit pas pour expliquer le passage à l’acte de ces terroristes. Comment se fait-il que quelques-uns des 500 djihadistes belges qui sont partis en Syrie soient de Molenbeek ou y aient séjourné ?

Thierry Limpens, ancien directeur de la première école musulmane de Molenbeek explique que 40% de la population de la ville a moins de 18 ans.

“Ce que je sens depuis 20 ans, c’est que les jeunes – soi-disant du quartier – qui sont dans les écoles – quand il y a un problème mondial, comme par exemple, la Palestine attaquée par ‘Israël -, ils sont touchés. Ils sont blessés. Ca c’est une chose, et puis ils se sentent facilement visés et il y a cette stigmatisation et ils sont dans l‘école dans un état agité. C’est une génération de jeunes qui sont dans leurs chambres sur leur internet. Ils sont en train de se radicaliser à Molenbeek, mais ils ne sont pas à Molenbeek. Ils sont avec leur tête, en Syrie déjà et ils regardent les vidéos de propagande et ils s’imaginent déja en Syrie. Ils s’imaginent dedans et vous savez la propagande c’est toujours beau. On montre toujours le bon côté.”

Michaël Younès Delefortrie, originaire d’Anvers, fait partie de ces jeunes.
Fin 2013, cet ancien membre de l’organisation islamiste Sharia4Belgium est parti en Syrie pour rejoindre le groupe Etat islamique avant de revenir un mois et demi plus tard “parce que sa famille lui manquait”, explique-t-il. A son retour, il est arrêté, puis condamné à trois ans de prison avec sursis. Aujourd’hui, il n’a pas le droit de quitter la Belgique.

Il a écrit un livre dans lequel il fait l’apologie de l’idéologie islamiste.

Michael Younes Delefortrie : “Lui, c’est le gars des attaques de Paris : Abdelhamid Abaaoud.”

Valérie Zabriskie?: “Vous l’aviez rencontré ?”

Michael Younes Delefortrie:
“Non, mais je pense avoir reconnu le visage de Salah Abdeslam parce que je pense qu’on l’avait vu qu’on était venu à Molenbeek.”

Il n’en dira pas plus sur les auteurs des attaques de Paris, nous lui demandons ce qu’il pense de ces actes. Il ne les condamne pas.

“Je dirais ce que je dis à chaque fois, je ne suis pas responsable de ce que font les autres. Je ne suis pas responsable du sang versé partout dans le monde. Ces gars qui sont venus ici pour attaquer des gens soi-disant innocents comme disent les médias, ils sont venus pour une certaine raison : pourquoi ? Parce que les populations du monde islamique sont attaquées en Syrie, en Irak, au Mali et ailleurs. La France est actuellement en train d’y intervenir militairement. Et ces gars, ils viennent ici pour se venger.
Est-ce que c’est une bonne chose ? Je ne dis pas que c’est une bonne chose, parce que comme j’ai dit, le sang versé, c’est du sang versé, mais on doit comprendre que ça n’arrive pas pour rien, ça arrive pour une certaine raison.”

C’est la prière du vendredi à la Grande mosquée de Bruxelles.

Ces jeunes ont commis des actions terroristes au nom d’une certaine vision de l’Islam. Pour s’en démarquer totalement, les représentants religieux et l’ultra-majorité des 600.000 membres de cette communauté en Belgique, la plus importante du continent après la France, ont condamné les attentats.
Mais certains leur en demandent plus : cette mosquée est par exemple critiquée pour être financée par l’Arabie saoudite.

Ses responsables ont organisé une conférence de presse pour expliquer qu’ils ne fermeront plus les yeux sur la montée de l’intolérance au sein de leur communauté. Une prise de parole en arabe traduite en français.

Pour cet imam, le problème n’est ni lié à l’Arabie saoudite, ni à une question de langues, mais à un clivage dans la communauté.

Cheick Abdelhadi Sewif, Imam:
“J’ai visité Molenbeek, je me suis rendu dans plusieurs mosquées de Molembeek et j’ai prêché plusieurs fois à Molembeek en conseillant les jeunes de Molembeek et d’autres villes de rester dans un Islam modéré et tolérant. Il y a des exceptions. La plupart des gens ne s’informent pas par le biais des institutions religieuses reconnues officiellement et c’est une chose dont tout le monde doit avoir conscience : ils s’informent par les sites internet. Ils n’acceptent pas mes conseils, ni les conseils d’autres parce que leur esprit est empoisonné.
Parce que moi, pour ces personnes, je ne suis pas musulman. A leurs yeux, moi et tous les imams en Belgique, on n’est pas des musulmans.”

“Ma vie est faite de barrières”

Si la Belgique est une terre de choix pour des terroristes, c’est aussi parce que le pays se situe au coeur de l’Europe et puis, la complexité des structures de l’Etat belge et un climat de relative tolérance à l‘égard de discours radicaux ont probablement contribué à leur enracinement.

Valérie Zabriskie: “Vous regrettez d‘être allé en Syrie ?”

‘“Non. Tout d’abord parce que dans mon cas, je n’ai rien fait de mal. Premièrement.
Peut-être que je peux simplement m’en vouloir d‘être revenu parce que j’avais une vie là-bas.
Aujourd’hui pour être honnête, en dehors du fait que je donne des interviews, que j‘écris des livres et que j’essaie d’expliquer tout ça aux gens, ma vie est faite de barrières, il y a beaucoup de barrières.”

Que faire de ces djihadistes qui rentrent dans leur pays ? Les juger si des preuves les accablent, mais ensuite? La Belgique et ses voisins européens n’ont pas encore trouvé de réponse.

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