Ecosse : "On veut rester dans l'UE, sinon ce sera l'indépendance"

Ecosse : "On veut rester dans l'UE, sinon ce sera l'indépendance"
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Par Hans von der Brelie avec Stephanie Lafourcatere
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A quelques jours du référendum britannique sur un éventuel Brexit, notre reporter Hans von der Brelie s’est rendu en Ecosse où les électeurs semblent majoritairement enclins à se prononcer pour le mai

A quelques jours du référendum britannique sur un éventuel Brexit, notre reporter Hans von der Brelie s’est rendu en Ecosse où les électeurs semblent majoritairement enclins à se prononcer pour le maintien du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne. Bon nombre d’Ecossais considèrent qu’elle leur offre des facilités pour le commerce, mais aussi des financements notamment par le biais de programmes de revitalisation économique ou de rénovation urbaine. Les électeurs écossais feront-ils basculer le scrutin du 23 juin qui s’annonce serré ? En tout cas, vu d’Ecosse, il est certain qu’un Brexit relancerait les aspirations indépendantistes d’une partie des Ecossais.

Notre reportage débute à Gordon Castle dans le nord de l’Ecosse où ce jour-là, c’est l‘évènement de l’année : les habitants de la région se sont réunis en nombre pour les Highland Games. Une preuve – s’il en fallait une – que les Ecossais aiment leurs traditions. Ce qui ne les empêche pas de voir l’Europe plutôt d’un bon oeil. Ici, on est beaucoup moins eurosceptique que dans le reste de la Grande-Bretagne.

60 à 75% des Ecossais contre le Brexit

Les Britanniques se divisent sur une éventuelle sortie de l’Union et l’issue du prochain référendum est incertaine, mais le vote des Ecossais pourrait être décisif. Dans les sondages, entre 60 et 75% des Ecossais se prononcent contre le Brexit. C’est le cas des membres du groupe folk local Footerin’ Aboot. “Je suis persuadée que l’Ecosse ne veut pas quitter l’Union, assure Amber Thornley, violiniste. La majorité des Anglais votent pour les partis conservateurs et veulent sortir de l’Union ; donc si le Royaume-Uni la quitte, il y aura un peu de tension et l’Ecosse sortira du Royaume-Uni ,” estime la jeune femme.

L‘électorat écossais fera-t-il entendre sa propre musique lors du vote du 23 juin ? En cas de vote serré, il pourrait faire la différence. Lors des élections générales de 2015, les votants écossais avaient représenté près de 9% du total.

Des fonds européens pour revitaliser l‘économie locale

Non loin de là, la ville portuaire de Macduff est sur le déclin. La plupart des pêcheurs ont une dent contre l’Union européenne. Au cours des dernières décennies, beaucoup ont dû arrêter leur activité et aujourd’hui, de nombreux jeunes doivent partir de Macduff pour trouver du travail.

Pourtant, la région a été aidée par l’Union et c’est plutôt Londres qui l’a négligée d’après Ross Cassie, membre du Parti national écossais, première force politique d’Ecosse et formation de gauche, pro-indépendance et pro-Europe. “L’impact des financements de l’Union européenne à Macduff, on le voit clairement : cette cale a été il y a des années, cofinancée par l’Union, nous montre-t-il sur le port. Si le Royaume-Uni décidait de la quitter, on n’aurait plus accès à ces programmes spécifiques de financement et des villes comme Macduff et d’autres petites localités à travers l’Ecosse déclineraient davantage au lieu de prospérer comme elles le devraient,” affirme-t-il.

A Macduff, il existe des plans de revitalisation du port. Mais pour les financer, l’argent de l’Union restera nécessaire car le gouvernement britannique ne débloquera pas de fonds à sa place en cas de Brexit, assure-t-on ici. “Je dirais que les Ecossais seraient assez mécontents à juste titre s’ils se retrouvaient mis hors de l’Europe contre leur gré par le reste du Royaume-Uni, dit Ross Cassie. Il est évident que cela amènerait à de nouvelles discussions en Ecosse sur notre place dans le Royaume-Uni," conclut-il.

En Ecosse, la possibilité d’un Brexit ravive la flamme indépendantiste. #Reportage : https://t.co/I3WWvds5yxpic.twitter.com/jD1GYQ9GZn

— AFP Londres (@AFP_Londres) 21 mai 2016

Moins de barrières avec les accords européens

Nous nous rendons dans les Highlands. C’est là que bat le coeur de l’Ecosse. Un territoire ponctué de châteaux et de distilleries.

A Kingussie, dans la famille de John Harvey McDonough, on produit du whisky depuis 1770. Lui qui a vécu pendant vingt ans en Chine est aujourd’hui, à la tête de la société familiale Speyside. Comme beaucoup de chefs d’entreprise écossais, il se dit contre le Brexit. “Nous avons un gros chiffre d’affaires, nous faisons peut-être 80% de nos ventes en Chine et à Taïwan, notre part de marché est en croissance en Europe et en Amérique du Nord, explique John Harvey McDonough, PDG de la distillerie Speyside. Donc nous avons un immense marché à conquérir : c’est le monde entier et l’Union européenne y occupe une place importante,” indique-t-il.

Les entreprises orientées à l’export vendent leurs produits plus facilement grâce aux accords européens de libre-échange. Y renoncer aurait forcément des conséquences négatives d’après David Frost, ancien diplomate britannique, aujourd’hui à la tête de la puissante Association écossaise du Whisky (SWA). “Environ 40% de nos exportations partent vers l’Europe, si on quitte l’Union européenne, des barrières administratives seront mises en place, souligne-t-il. Si le Brexit se fait, on perdra l’accès aux accords de libre-échange de l’Union européenne, c’est clair et si le Royaume-Uni doit renégocier ses propres accords, il est certain que cela prendra du temps, poursuit-il. Notre intérêt, c’est de faire partie du plus grand marché possible avec le moins de barrières possible : c’est ce que nous donnent le marché unique européen et les accords de libre-échange, pourquoi vouloir y renoncer ?” s’interroge-t-il.

Une banlieue de Glasgow a reçu des financements européens

Insalubrité, pauvreté et violence, des fléaux associés jusqu‘à il y a peu dans la banlieue de Glasgow appelée les “Gorbals.” A la fin du XIXème siècle, le quartier était déjà réputé pour sa dangerosité et les projets d’urbanisation des années 60 et 70 n’ont pas pu lui faire changer de visage. Aujourd’hui, on évacue les décombres d’un immeuble de 24 étages démoli quelques jours plus tôt.

L’idée, c’est de faire de la place pour des logements sociaux flambant neufs où désormais, on mise sur la qualité de la construction, la sécurité et la convivialité.

Nous sommes invités par des résidents. Ils se souviennent bien des difficultés passées dans le quartier. “On ne peut pas avoir 200 familles dans un même immeuble – quand les enfants sont grands – avec toute cette culture de la drogue, de l’alcool et des histoires de gangs – sans qu’ils se retrouvent mêlés à tout ça,” insiste Cathrin Chow, la mère de famille. “On est beaucoup mieux ici, renchérit Michael Kelly, son mari. L’argent de l’Union européenne a aidé à financer la transformation de ce quartier ; donc, ce ne peut être qu’une bonne chose,” ajoute-t-il.

Le couple a des ascendants belges, français, allemands et irlandais. Des origines qui expliquent aussi pourquoi il est attaché à l’Union européenne. “On ne se voit pas seulement comme des Ecossais parce qu’on est né en Ecosse, on est européen, je suis très fière d‘être européenne,” explique Cathrin Chow. “Je pense que ce serait plutôt insensé pour le Royaume-Uni de sortir de l’Union européenne,” insiste Michael Kelly.

L’Union européenne est partout

Pour de nombreux Ecossais, l’Europe est tournée vers les milieux populaires et synonyme de partage et de solidarité. Ici, on sait voir ce qu’elle offre de concret. La Banque européenne d’investissement – la BEI – par exemple s’est engagée à débloquer des crédits supplémentaires pour 1,3 milliards d’euros pour la construction de logements sociaux au Royaume-Uni.

Son intervention a été décisive pour les Gorbals, assure Fraser Stewart, de l’association New Gorbals Housing : “Pour nous, l’aide de la BEI a été essentielle parce qu’elle nous a permis d’avoir un financement avec des taux d’intérêt réduits de moitié, on a économisé énormément d’argent, dit-il. Il y a un lien direct entre la volonté de l’Union de soutenir les collectivités les plus pauvres et ce qu’elle fait vraiment comme l’argent qu’on touche d’institutions comme la BEI et j’espère que ce lien direct sera maintenu parce que sinon, je ne sais pas qui pourrait nous accorder ces financements à l’avenir,” reconnaît-il.

Ils sont nombreux ici à penser que l’Europe apporte beaucoup à l’Ecosse. Une contribution qui peut parfois prendre une forme anecdotique : aux Highland Games ce jour-là, l’homme le plus fort d’Ecosse n’est pas écossais, mais polonais.

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