La victoire de Donald Trump fait trembler l’Europe

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Par Ewa Dwernicki
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Si le Brexit, voté par les citoyens britanniques le 23 juin dernier, a mis l’Europe dans un état de stupeur, l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis est pour elle un véritable séisme. Même si son programme concret en politique étrangère reste toujours flou, les promesses exprimées par le candidat républicain lors de la campagne, donnent au reste du monde le signal de repli. Les slogans tels que « America First » ou « rendre sa grandeur à l’Amérique » ont fait partie de cette rhétorique isolationniste qui continue à inquiéter les alliées européens de la première puissance militaire.

Le principe de défense collective de l’OTAN remis en question : fin du « parapluie » militaire américain ?

L’inquiétude monte en particulier dans les pays frontaliers de la Russie, notamment en Pologne, en Ukraine et dans les pays baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie). Anciens pays du Pacte de Varsovie, intégrés désormais, pour la plupart d’entre eux, à l’OTAN, ils redoutent un désengagement des Etats-Unis du Vieux Continent et donc de ne plus pouvoir bénéficier du «parapluie» militaire américain.

Les Baltes se souviennent des propos de Trump-candidat sur le faible soutien qu’il assurerait à ses alliées de l’OTAN s’il était élu. En juillet, il avait laissé entendre que, une fois élu, il s’opposerait vigoureusement à une nouvelle agression de la Russie sur ses flans occidentaux seulement après avoir vérifié que les pays baltes «ont bien respecté leurs obligations» à l’encontre les Etats-Unis.

«Je préférerais pouvoir continuer à respecter les alliances passées, mais pour cela les alliés doivent cesser de profiter des largesses des Etats-Unis, que ceux-ci ne peuvent plus se permettre», avait-il affirmé. Le principe de défense collective (article 5 du traité) de l’Alliance atlantique serait ainsi remis en question sous sa présidence.

Avec l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, la Pologne risque, elle aussi, de perdre un important allié face à la Russie. Sans évoquer explicitement la politique russe en Ukraine, le président polonais Andrzej Duda a félicité mercredi le nouveau président en lui rappelant que les Etats-Unis avaient promis d’envoyer des soldats dans son pays. «Nous sommes particulièrement heureux du fait que pendant le sommet de l’OTAN tenu cette année à Varsovie, les Etats-Unis ont décidé de renforcer leur présence militaire en Pologne, en renforçant ainsi le flanc oriental de l’Alliance», a écrit Duda dans une lettre publiée sur le site internet de la présidence.

Face à l’aspect imprévisible de la nouvelle politique américaine et en présence d’un voisin russe montrant de plus en plus ouvertement ses muscles, la Pologne, jusque-là résolument atlantiste, se trouve devant l’obligation de revoir ses choix stratégiques. Elle doit désormais privilégier ses alliances régionales et européennes, chose d’autant plus urgente que les réformes controversées mises en place dans le pays depuis l’arrivée du gouvernement conservateur ont mis à mal ses relations avec les partenaires européens.

Le pays s’est d’ailleurs fait rappeler à l’ordre dans une pique envoyée par le président français François Hollande suite à la suspension par le gouvernement de l’achat d’hélicoptères Caracal d’Airbus pour acquérir des hélicoptères américains Black Hawk. En octobre, dans un discours sur l’Europe, le chef de l’Etat français a mis en garde les pays « européens qui pensent que les Etats-Unis seront toujours là pour les protéger, au point même d’acheter des armes uniquement aux Etats-Unis et pas aux Européens. »

L’élection de Trump relance l’idée de l’Europe de la Défense

L’élection de Donald Trump, dont la campagne a remis en question la défense systématique des alliés de l’OTAN, montre la nécessité de construire rapidement une Europe de la Défense capable d’assurer seule la sécurité de ses citoyens. Cette vieille idée, abandonnée en 1954, évoquée dans le traité de Lisbonne, est revenue au goût du jour après le Brexit. La France et l’Allemagne ont alors annoncé leur volonté de la relancer.

En septembre dernier, lors d’un sommet de l’UE à Bratislava, le président français François Hollande avait prévenu que l’Europe devait être capable de se défendre par elle-même “si les Etats-Unis [faisaient] un choix de s‘éloigner” en référence aux échéances électorales américaines. Qualifiant l’Alliance atlantique d’ « obsolète », Donald Trump a semé le doute dans l’esprit des dirigeants de certains pays européens, membres de l’Otan, quant à l‘opportunité de continuer à privilégier l’alliance plutôt que l’Union européenne pour défendre leurs intérêts stratégiques.

Quant au Royaume-Uni, il ne lui reste qu’une option stratégique : renforcer le « lien particulier » qui le lie à l’Amérique et dont sa nouvelle Première ministre Theresa May aime se prévaloir. « Nous sommes et resterons des partenaires solides et proches dans les domaines du commerce, de la sécurité et de la défense », a-t-elle d’ailleurs déclaré quelques heures après l’élection de Donald Trump.

Une alliance Trump-Poutine est-elle probable ?

Malgré la fascination apparente de Donald Trump à l’égard de Vladimir Poutine, exprimée par le candidat républicain à multiples reprises lors de sa campagne, la question des relations russo-américaines, gravement détériorées depuis un an, reste une grande inconnue de sa future politique étrangère. Même s’ils partagent une semblable sensibilité aux rapports de force et malgré le soupçon de soutien de la candidature de D. Trump par la Russie à travers l’affaire des e-mails qui a affaibli le camp de Hillary Clinton, les deux hommes ne se connaissent pas personnellement et l’hôte du Kremlin n’a jamais soutenu le candidat républicain publiquement. Le Donald Trump président, sacrifiera-t-il les intérêts américains en Europe pour cette « amitié » hypothétique ? Rien n’est moins sûr. La perspective d’adhésion du nouveau président américain à l’idée d’un deuxième Yalta, auquel aspirerait Poutine, paraît selon certains observateurs, également peu probable.

« Nous nous entendrons avec tous les pays qui veulent s’entendre avec nous », a déclaré le président nouvellement élu dans son discours de victoire, prononcé mercredi matin. Discours de circonstance ou véritable volonté de conciliation et de rejet de la démagogie ? Difficile à dire. Certes, les institutions américaines laissent plus de liberté au président en politique étrangère qu’en politique intérieure, ce qui justifierait l’anxiété des alliés européens des Etats-Unis. Nous pouvons néanmoins espérer qu’une fois aux commandes du pays, le président Trump, retrouvera le chemin du pragmatisme et adoucira certains de ses projets qui font tant trembler l’Europe.

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