L'impossible choix de Fahire Kara mère de famille turque, menacée de lapidation en Arabie

L'impossible choix de Fahire Kara mère de famille turque, menacée de lapidation en Arabie
Par Arzu Kayaoglu
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Fahire Kara, kidnappée lors d'un pélerinage à la Mecque il y a 26 ans, a eu trois enfants avec son ravisseur. Il risque aujourd'hui la peine capitale. Sauf si Fahire nie son enlèvement, c'est elle

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C’est une histoire incroyable. Un destin hors du commun. Fahire Kara est originaire de la ville de Batman en Turquie. En 1990, elle part à la Mecque avec son mari pour accomplir son devoir de pélerinage. À l‘époque, elle a 12 enfants. Le dernier n’a que 9 mois.

Les événements tragiques qui se produisent à cette date-là vont faire basculer sa vie. Le 2 juillet 1990, en Arabie Saoudite, lors du pèlerinage de la fête du sacrifice à La Mecque, 1.426 musulmans dont 447 Turcs périssent, piétinés et asphyxiés à la suite d’une panne du système de ventilation dans un tunnel de 550 mètres. Les pèlerins, pris de panique, se bousculent, s’écrasent et meurent d’ asphyxie. Les autorités saoudiennes sont accusées d’avoir mal géré le passage du tunnel reliant le désert de Mina à la Grande Mosquée.

Fahire et son mari Abdoullah sont dans ce tunnel au moment du chaos.
Grièvement blessé, Abdoullah essaye de retrouver sa femme. En vain. Plus d’un millier de personnes sont mortes. Les corps humains entassés les uns sur les autres sur 3 mètres de haut.

Conduit à l’hôpital pour soigner ses blessures, il se met aussitôt à la recherche de son épouse. Il parcourt les hôpitaux, les morgues sans la retrouver. Il rentre en Turquie et annonce à sa famille la mort de Fahire dans la grande bousculade à la Mecque.

Il faudra attendre de nombreuses années pour enfin comprendre que Fahire n’est pas morte dans cette tragédie. Ses enfants entendent le récit de pèlerins turcs qui reviennent de la Mecque. Ils racontent l’histoire surprenante d’une femme turque vendant des souvenirs aux touristes.
L’histoire d’une femme qui s’approche d’eux lorsqu’elle entend parler en turc pour raconter son drame et pour enfin crier à l’aide…

Voici ce qu’elle raconte…

“Moi aussi, je viens de Turquie. Je suis du village de Beshir, de la ville de Batman. J’ai perdu mon mari en 1990 dans la grande bousculade dans le tunnel à la Mecque. Un Arabe m’a kidnappée et enfermée pendant 6 ans. Il a brûlé mon passeport et tous mes papiers d’identité. Il ne m’a laissé mettre le pied à l’extérieur que lorsque j’ai eu un enfant. Je suis ici depuis des années, personne n’essaie de me retrouver”.

Entendant la même histoire de plusieurs pèlerins revenants de la Mecque et convaincus qu’elle est en vie, les enfants de Fahire en Turquie se mettent à sa recherche. Ils passent dans l’émission télévisée de la journaliste d’investigations Müge Anlı consacrée aux disparations. L’affaire est alors médiatisée. Les appels se multiplient confirmant avoir vu Fahire Kara à la Mecque raconter son histoire et demander de l’aide inlassablement. Les témoignages confirment également qu’elle est sous pression. Lorsqu’elle se met à parler en turc un homme aux cheveux poivre et sel s’interpose.

C’est ainsi que raconte le personnel d’origine turque d’un hôtel à la Mecque :

“Un jour lorsque j’avais laissé allumé les chaînes turques, un de mes clients arabe a fixé ses regards sur la photo de Fahire, à l’écran. Il a dit la connaître… Enfermée dans une maison pendant de longues années, son mari ne l’a laissée sortir qu’après son accouchement. Son kidnappeur, son mari est du Yémen, il vit à Médine, c’est un commerçant et il s’appelle Mahmoud Ahmed Ataoullah. »

D’après ce que raconte Fahire aux touristes turcs, voilà comment s’est déroulée son histoire. Fahire avait été grièvement blessé lors de la bousculade en 1990. Le nombre de victimes étant très élevé, les autorités avaient demandé de l’aide à tout le personnel de la mairie. Mahmout Ataoullah était alors éboueur. Faisant mine d’aider Fahire, il la kidnappe et l’enferme chez lui. Son but : faire d’elle sa deuxième femme pour qu’elle s’occupe de la première qui est malade. Kidnappée et violée, Fahire restera enfermée pendant 6 ans et aura 3 enfants avec son ravisseur.

Selon la famille de cette femme en Turquie, tout le monde dans son village est au courant de son enlèvement mais son fils étant haut placé dans l’administration, les villageois ont peur de dévoiler l’affaire.

De son côté, Fahire entend enfin à la télévision qu’elle est recherchée par toute sa famille en Turquie et est alors très émue de voir ses 12 enfants à l‘écran. Contre toute attente, Fahire ne montre aucun effort pour rejoindre sa famille en Turquie.

La situation est bien plus compliquée qu’elle en a l’air. Selon les lois en vigueur en Arabie Saoudite, l’enlèvement d’une femme est puni de la peine de mort et son exécution est publique. Mamoud Ahmed Ataoullah a maintenant plus de 80 ans et même si l’enlèvement qu’il a commis remonte à 26 ans, il risque toujours la peine de mort.

Fahire peut maintenant nier son enlèvement pour protéger ses trois enfants. Or, si elle dit avoir rejoint Mamoud Ahmed Ataoullah de son plein gré, elle risque de se faire lapider pour adultère selon les lois saoudiennes, car elle est déjà mariée en Turquie.

Selon des sources turques, Recep Tayip Erdogan, en visite en Arabie Saoudite, aurait évoqué le sujet avec le roi et travaillerait sur le cas de Fahire Kara.

Fahire Kara'nın Suudi Arabistan'da 3 çocuğu varmış, eşi ise Yemenli olduğu ortaya çıktı! #MügeAnlıİleTatlıSertpic.twitter.com/zMJRBpZCjx

— atv (@atvcomtr) 6 février 2017

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