Allemagne : justice bientôt réparée pour 50 000 homosexuels persécutés

Allemagne : justice bientôt réparée pour 50 000 homosexuels persécutés
Par Joël Chatreau
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“On avait toujours un pied en prison” : Friedrich, qui a maintenant 74 ans, raconte ses amours clandestines, sa peur permanente d‘être condamné et jeté en prison jusqu’en 1994… Où ça…

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“On avait toujours un pied en prison” : Friedrich, qui a maintenant 74 ans, raconte ses amours clandestines, sa peur permanente d‘être condamné et jeté en prison jusqu’en 1994… Où ça ? En Allemagne de l’Ouest puis dans l’Allemagne réunifiée. Dans ce pays démocratique, Friedrich avait le malheur d‘être homosexuel.

Ce récit bouleversant d’une vie totalement gâchée est publié dans le magazine homosexuel allemand Siegessäule. Depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, 50 000 hommes ont ainsi été “poursuivis, punis et honnis par l’Etat en raison de leur seul amour pour d’autres hommes”, dénonce le ministre de la Justice, Heiko Maas. C’est grâce à lui que les nombreuses victimes vont enfin être réhabilitées et indemnisées, son projet de loi a été adopté cette semaine en conseil des ministres à Berlin.

Le ministre allemand de la Justice, Heiko Maas :

Rehabilitierung verurteilter Homosexueller: Statement von Heiko Maas am 22.03.2017 https://t.co/eJ6Cz9iqS9

— filmdenken Videotips (@fd_videotips) March 23, 2017

175, l'ex-article homophobe

Le texte prévoit l’annulation de toutes les condamnations prononcées après guerre, une indemnisation de 3 000 euros pour chaque peine et de 1 500 euros pour chaque année de détention. L’article du Code pénal allemand, qui a permis de persécuter les homosexuels de sexe masculin durant 122 ans pour “des relations contre nature” (le terme employé), est le n° 175. Inscrit en 1872, il a été une aubaine pour le régime nazi qui n’a eu qu‘à le renforcer et l’appliquer dès 1935. Le IIIe Reich a condamné à tour de bras, environ 42 000 homosexuels aux travaux forcés et camps de concentration.

Ce qui paraît incroyable, c’est qu’après la création de l’Allemagne de l’Ouest en 1949, les procès pour homosexualité, vue comme un danger pour la société, se sont enchaînés jusqu‘à la fin des années 70. En tout, près de 50 000 hommes ont été condamnés. Il a fallu attendre 1994 pour que l’infâme article 175 soit abrogé par l’Allemagne réunifiée; il l’avait été dès 1968 en Allemagne de l’Est. Le quotidien Süddeutsche Zeitung parle d’une condamnation à mort “sociale” : “On les traquait, on les chassait de leur travail”, écrit le journal.

Bundesregierung: Kabinett beschließt Rehabilitierung verurteilter Homosexueller https://t.co/ln9WEOUNDYpic.twitter.com/pqZpTbfTD5

— Webcentrale.de (@Webcentrale) March 22, 2017

Les plus conservateurs, les plus bornés

Et tout n’est pas si clair dans la tête d’une petite partie de l’actuelle classe politique allemande. L’air de rien, pour imposer son projet de loi, le ministre de la Justice, un social-démocrate, a dû se battre pendant des mois, et ne rien lâcher, au sein de la coalition au pouvoir qui réunit son parti, le SPD, et la CDU, le parti de droite de la chancelière, Angela Merkel. Les conservateurs les plus durs, de la branche bavaroise CSU, étaient réticents.

La fin du calvaire se profile pour les dizaines de milliers d’homosexuels persécutés durant près de 25 ans mais le projet de loi porté à bout de bras par Heiko Maas devra encore être voté par les députés du Bundestag. Et une fois cette ultime étape franchie, les victimes ou leurs descendants devront retrouver des documents prouvant leur condamnation, ce qui n’est pas gagné.

Friedrich, qui témoigne dans le magazine Siegessäule, a lutté contre deux cancers. A 74 ans, il est maintenant impatient que l’Etat allemand le réhabilite enfin: “Je ne veux pas mourir en repris de justice”, confie-t-il.

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