Terrorisme :"Il ne peut pas y avoir de risque zéro"

Terrorisme :"Il ne peut pas y avoir de risque zéro"
Par Euronews
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L’attentat de Manchester a fourni une nouvelle illustration d’une violence aveugle, qui vise les plus vulnérables, en prenant pour cible des enfants et des…

L’attentat de Manchester a fourni une nouvelle illustration d’une violence aveugle, qui vise les plus vulnérables, en prenant pour cible des enfants et des adolescents. Il a souligné, une fois de plus, les défis majeurs auxquels doivent faire face les services de sécurité qui tentent de prévenir la radicalisation en Europe, avant qu’elle ne mène à des attaques d’ampleur.
Isabelle Kumar a rencontré le commissaire européen à la sécurité Julian King avant l’attentat de Manchester, alors qu’il participait au sommet européen des affaires à Bruxelles, afin d’aborder le thème de la cybersécurité. Elle a aussi évoqué avec lui le terrorisme islamiste, la radicalisation et les conséquences du Brexit sur la sécurité européenne. Ses déclarations trouvent une résonance particulière, au vu de la dernière attaque terroriste.

Julian King, commissaire européen à la sécurité – C’est très difficile. Il faut être clair. Nous avons fait différentes choses au cours des douze derniers mois pour réduire le champ d’action des terroristes et d’autres personnes qui voudraient nous causer du mal mais aussi pour renforcer notre résistance pour être plus difficiles à cibler. Ce travail va se poursuivre, mais il y aura toujours un certain niveau de risque. Il faut être franc. Il ne peut pas y avoir de risque zéro. Quand on voit que des gens se sont radicalisés tous seuls, il faut mener un travail pour combattre cette radicalisation, essayer d’atteindre des gens qui seraient tentés de sombrer dans la violence et les freiner sur cette voie.

Isabelle Kumar, Euronews – La radicalisation s’effectue souvent via les réseaux sociaux; la coopération que vous menez avec ces sites en question est-elle à la hauteur de vos attentes ?

Julian King, commissaire européen à la sécurité – Il faut encore l’améliorer, mais maintenant nous avons une bonne coopération à travers un réseau de plateformes, plus d’une cinquantaine d’entre elles travaillent aujourd’hui avec nous. Il ne faut pas oublier un autre élément : c’est de travailler sur nos propres communautés. Il y a malheureusement des gens qui veulent inciter des individus vulnérables à sombrer dans la violence. Là, nous devons compter sur nos réseaux de proximité, souvent des acteurs de la société civile, des gens qui connaissent leur communauté. Nous travaillons avec eux pour essayer d’atteindre les personnes vulnérables, qu’elles soient jeunes, scolarisées ou pas, des personnes qui ont commis des petits délits ou qui sont sorties de prison… Et nous nous appuyons sur des citoyens sur le terrain dans toute l’Union européenne pour comparer les méthodes, partager les meilleures pratiques ou simplement se soutenir, car c’est parfois un combat très solitaire dans certaines communautés.

Quelle est votre méthode d‘évaluation de ce travail ?

C’est difficile d‘évaluer les résultats. Nous avons bien travaillé avec les fournisseurs d’accès. Quand on détecte un contenu anormal ou qu’il est signalé, dans huit ou neuf cas sur dix, il sera retiré. Je suis fier de cela, et ce sont des dizaines de milliers de contenus que nous avons fait retirer. Le problème, c’est que nous parlons de centaines et de milliers de contenus que nous devrions tenter de supprimer, c’est donc un défi énorme à grande échelle. Dans les communautés, on doit parler à ceux qui sont en première ligne. Si on parle à certains maires ou à certains responsables de ces programmes citoyens avec lesquels on travaille, ils vous diront que même quand une, deux ou trois personnes ont été détournées d’un chemin qui mène à la violence, cela vaut le coup de faire des efforts.

Et les contrôles aux frontières ? En faut-il davantage ? Doit-on tirer un trait sur Schengen ?

Comme vous le savez, ce n’est pas le but de la commission. Son objectif est de revenir à une application totale des accords de Schengen, mais pour cela nous avons besoin de contrôles efficaces à nos frontières extérieures, et récemment nous avons accompli des progrès considérables en ce sens.

Mais n’est-ce pas incroyable de parler encore de cela aujourd’hui ? J’ai l’impression qu’on en parle depuis des années, quand il s’agit de ces relations transfrontalières, et de ne pas laisser les criminels franchir les frontières pour échapper aux forces de police ?…

C’est parfois un travail difficile, mais nous avons fait de gros progrès. Si on prend la question du partage des informations, il y a encore des problèmes ponctuels. Ils sont en général le fruit d’un terrible concours de circonstances. Mais l’an dernier, le Système d’Information Schengen, notre principal système transfrontalier d‘échange d’informations en matière répressive, a été utilisé à quatre milliards de reprises. La somme d’informations mises en commun dans ce fichier par les états membres a augmenté de 40 % en une seule année, donc l’engagement des états membres pour coopérer efficacement, y compris à travers l‘échange de renseignements, est tout à fait significatif et en augmentation.

La cyberattaque qui a fait trembler le web du monde entier ce mois-ci a montré à quel point nous étions exposés. N’est-ce pas qu’une question de temps, avant que cela ne devienne une nouvelle arme des terroristes ?

J’espère que cela aura au moins été une prise de conscience, mais en fait, nous aurions dû être alertés beaucoup plus tôt par ces questions. La cybercriminalité est un secteur en plein essor. Si vous faites une étude auprès des entreprises nous sommes ici au sommet européen des affaires plus de la moitié d’entre elles disent avoir été touchées par une cyberattaque d’une manière ou d’une autre en Europe. Et en France, ce chiffre monte à 80 %. Les entreprises sont donc conscientes depuis longtemps qu’il faut combattre la cybercriminalité.

Et qu’en est-il des états membres de l’Union Européenne ? Parce qu’ils semblent plutôt récalcitrants quand il s’agit d‘échanger des données en matière de renseignement. On dirait que c’est une chose qu’ils veulent plutôt garder pour eux.

Sur certaines questions, cela peut être vrai, bien que je pense que nous ayons réalisé des progrès. Mais pour ce qui est de la cybercriminalité, nous avons déjà un réseau très développé au sein de l’Union. Nous avons un réseau de coopération formidable, qui s’appuie sur Europol pour combattre le cybercrime et la cybercriminalité. Et il bénéficie d’une reconnaissance internationale dans ce domaine; il y a donc déjà de la coopération, mais nous devons la renforcer.

Le Royaume-Uni est l’un des contributeurs les plus importants pour le partage de renseignement en Europe. Aujourd’hui, avec le Brexit, il y a une forte probabilité pour que, vu la façon dont cela fonctionne, de nombreuses informations ne soient plus accessibles…

Dans le domaine de la sécurité, je pense que nous savons tous, côté européen mais aussi côté britannique, quand vous écoutez le Premier ministre Teresa May, que nous combattons mieux ces menaces ensemble, que ce soit pour le terrorisme, la cybercriminalité ou le crime organisé.

Mais cela a été utilisé comme un objet de marchandage…

Non, cela n’a pas été utilisé comme un objet de marchandage. Si les Britanniques disent, comme ils l’ont fait dans le passé, qu’ils veulent poursuivre la coopération dans ce domaine, dans le domaine répressif et du contre-terrorisme, alors, côté européen, nous serons prêts à y répondre.

Si on regarde la situation du Brexit dans l’ensemble, et s’il n’y a pas d’accord de trouvé, ce qui est possible, quel impact cela aura-t-il sur la sécurité ?

Dans le domaine de la sécurité, ce serait mieux si nous parvenions à un moyen de poursuivre notre travail en commun, et je pense que cela est connu de part et d’autre.

Nous acceptons que cela fasse inévitablement partie de nos vies. Comme vous le disiez précédemment, il faut vivre avec le terrorisme ?

Actuellement, cela fait partie de nos vies. Je ne suis pas sûr que nous parvenions un jour à éliminer complètement la cybercriminalité, parce que c’est une composante de notre société moderne. Nous avons tellement d’interactions avec la technologie… Et à côté de tous les avantages liés à une connectivité toujours plus importante, on doit faire face à une part de risque, car d’autres personnes, qui nous veulent du mal, essaient de l’utiliser contre nous.

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