Accès à la contraception : pourquoi une telle disparité en Europe ?

Des préservatifs distribués aux Philippines, 2016
Des préservatifs distribués aux Philippines, 2016 Tous droits réservés Aaron Favila/Copyright 2016 The AP. All rights reserved.
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Par Euronews
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Contraception | Pourquoi certains pays de l'UE facilitent-ils plus que d'autres l'accès aux préservatifs ?

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D'après l'Organisation mondiale de la santé, les préservatifs masculin et féminin sont les dispositifs les plus efficaces pour lutter contre les maladies sexuellement transmissibles (MST). Mais leur accès reste limité dans certains pays de l'UE.

Dans un rapport publié en 2021, le Parlement européen encourageait le libre-accès à la contraception, en incitant les États membres à s'attaquer aux obstacles pouvant être mis à leur usage. Alors que le 13 février est la journée internationale du préservatif, nous tentons de comprendre les différences qui existent en Europe quant à l'utilisation et l'accès à la contraception.

La richesse des pays est l'un des éléments permettant d'expliquer ce phénomène, mais pas le seul. D'après Neil Datta, directeur exécutif du Forum parlementaire européen pour les droits sexuels et reproductifs, interrogé par Euronews, "dans les pays d'Europe de l'Est, jusqu'au début des années 1990, la contraception n'était pas très connue, elle n'était pas très accessible et nous en subissons encore les conséquences aujourd'hui."

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L'AIDS Healthcare Foundation, qui a désigné le 13 décembre comme journée du préservatif, explique qu'il s'agit d'encourager des pratiques sexuelles plus sûres à l'échelle internationale et promouvoir l'utilisation de la contraception pour prévenir les grossesses non désirées et les MST.

L'UE reprend ce message et invite les pouvoirs publics à veiller à ce que les élèves des écoles reçoivent une éducation complète en matière de santé sexuelle. Elle demande également que des conseils professionnels soient prodigués sur les différentes méthodes contraceptives, conformément aux normes fixées par l'Organisation mondiale de la santé.

Mais il s'agit de recommandations et les 27 États membres ne sont donc pas obligés d'y donner suite.

"Les gouvernements n'ont pas été très proactifs dans la réflexion sur leurs politiques en matière de contraception" critique Neil Datt, qui souligne que certains pays sont opposés à des politiques larges de contraception en affirmant que les taux de fécondité pourraient en être impactés.

Une meilleure accessibilité

L'Atlas des politiques de contraception, conçu par le Forum parlementaire européen pour les droits sexuels et reproductifs, analyse les politiques de contraception dans 46 pays d'Europe. Selon ses conclusions, la France est, de tous les États membres de l'Union européenne, celui qui offre le meilleur accès à la contraception et aux services de conseil, ainsi que la plus grande disponibilité de services d'information en ligne. L'accessibilité y a été évaluée à 93,2 %.

Paris a récemment annoncé que ses pharmacies fourniraient gratuitement des préservatifs aux personnes âgées de 18 à 25 ans dès le début de l'année 2023. Une mesure qui vient répondre à une hausse de 30% des infections sexuellement transmissibles (IST) dans le pays en 2020 et 2021. Un programme permettant de fournir gratuitement des tests de dépistage des IST ainsi que la pilule contraceptive d'urgence a également été déployé.

En Irlande, des préservatifs gratuits sont disponibles pour les personnes de tous âges dans les cliniques de santé sexuelle et dans certains collèges de troisième cycle. En outre, à partir du 1er septembre 2023, une contraception gratuite sera offerte aux jeunes filles de 16 ans et aux femmes âgées de 26 à 30 ans dans le cadre du budget national. Le service national de santé a également annoncé qu'il consacrerait 500 000 euros à l'achat de préservatifs et de lubrifiants dans le cadre d'une campagne permanente contre les "grossesses de crise" et les IST - ce qui représente 1,5 million de préservatifs gratuits chaque année.

L'Allemagne a également annoncé vouloir suivre l'exemple de la France et financer les préservatifs par le biais de son assurance maladie nationale. Mais la contraception reste pour l'heure payante dans le cadre du régime national de santé, bien que des dispositions spéciales couvrent les pilules contraceptives et la contraception d'urgence pour les adolescents jusqu'à l'âge de 22 ans.

L'accessibilité la plus faible

Le Contraception Policy Atlas place la Pologne à l'autre bout de l'échelle, avec une note de seulement 33,5% en termes d'accès public à la contraception. Les pilules contraceptives d'urgence doivent être prescrites par un médecin et ne sont pas en vente libre dans les pharmacies.

Dans le cas de la Hongrie, il n'existe pas de site Internet financé par l'État pour les services de contraception et une ordonnance est nécessaire pour tous les produits contraceptifs, à l'exception des préservatifs et de la contraception d'urgence.

Rôle de la politique et de la religion

"Les politiques en matière de contraception influencent les comportements des gens en matière d'accès à la contraception. L'un des aspects est de savoir si elle est couverte par le système national de santé respectif. Si elle n'est pas prise en charge par les systèmes de santé nationaux, cela crée des obstacles financiers pour les personnes qui souhaitent l'utiliser" souligne Neil Datta.

La religion est également un facteur important : "la plupart des religions, notamment les religions chrétiennes, découragent l'utilisation de la contraception, en particulier dans le monde du catholicisme" fait-il remarquer.

"Ainsi, lorsque ces religions sont très fortes, les récits qui découragent l'utilisation des contraceptifs et les acteurs religieux peuvent avoir une influence sur les politiques publiques" ajoute-t-il.

Le bon type d'éducation sexuelle

Pourtant, dans l'ensemble de l'Europe, le taux de grossesse non désirée a diminué de 53 % au cours des 30 dernières années, selon l'institut Guttmacher.

Euronews / Institut Guttmacher.
Taux de grossesses non désirées et d'avortements en Europe entre 1990 et 2019Euronews / Institut Guttmacher.

Certains experts affirment que l'un des facteurs à l'origine de la baisse des taux de grossesse non planifiée est la promotion de l'éducation sexuelle dans les écoles, largement encouragée par le Parlement européen et l'Organisation mondiale de la santé.

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"Une éducation sexuelle complète apprend aux jeunes à la fois la contraception et le respect et le consentement dans les relations, y compris les relations sexuelles. Cela a un effet indirect d'entraînement très positif sur les personnes qui comprennent comment éviter les grossesses non désirées et comment protéger leur propre santé en étant capables de se donner les moyens d'éviter les infections sexuellement transmissibles", indique Neil Datta.

Dans certains pays, comme l'Irlande et la France, l'éducation sexuelle est obligatoire dans l'enseignement scolaire ; elle est en revanche facultative dans des pays comme l'Italie.

Lorsqu'elle existe, l'éducation est souvent dispensée dans diverses matières scolaires, dans le cadre d'un programme pluridisciplinaire. Divers aspects sont enseignés par le biais de la biologie, de l'économie domestique et des sciences sociales.

Pourtant, l'éducation sexuelle ne fournit pas nécessairement aux élèves des informations sur les méthodes de contraception.

Natalie Picken, analyste pour la RAND Corporation, une organisation à but non lucratif spécialisée dans l'amélioration des politiques et des décisions par la recherche, a déclaré à Euronews que l'éducation à la contraception ne faisait partie du programme d'éducation sexuelle que dans certains pays de l'UE.

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Natalie Picken pour la commission européenne, 2021
Quels pays ont des programmes d'éducation sexuelle et à quel âge sont-ils dispensés ?Natalie Picken pour la commission européenne, 2021

"Il est probable que le contenu, la nature et l'étendue de ces programmes varient considérablement entre les régions, les écoles et les classes", indique-t-elle.

Les recherches de Natalie Picken ont révélé que la plupart des États membres de l'UE ont des possibilités limitées de formation des enseignants en matière d'éducation sexuelle.

"Il existe des éléments solides prouvant que l'éducation sexuelle peut conduire à une réduction de la prise de risques, à un report de l'initiation aux rapports sexuels et à une utilisation accrue de la contraception et des préservatifs, et qu'elle améliore généralement les connaissances et les attitudes des jeunes en matière de santé sexuelle", précisr-t-elle.

Comment les pays de l'UE peuvent-ils combler ce fossé ?

La mise en œuvre d'un meilleur accès à la contraception peut être coûteuse, mais il existe des moyens pour les autorités de se mettre à niveau.

"Une solution rapide et facile, accessible à tous les gouvernements, consisterait à fournir des informations soutenues par le gouvernement, par exemple via un site web fournissant des informations authentiques et faisant autorité. C'est dans la capacité de chaque gouvernement, quelles que soient ses contraintes" conclut Neil Datta.

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