Présidentielle en Turquie : pourquoi l'opposition n'a pas terminé en tête ?

Des supporters du président sortant Recep Tayyip Erdogan au siège de son parti, dimanche 14 mai
Des supporters du président sortant Recep Tayyip Erdogan au siège de son parti, dimanche 14 mai Tous droits réservés Ali Unal/AP
Tous droits réservés Ali Unal/AP
Par Thomas BoltonThomas Bolton (adapté de l'anglais)
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button
Copier/coller le lien embed de la vidéo de l'article :Copy to clipboardLien copié

De l'avis de nombreux experts, la campagne électorale dans les médias turcs a été largement dominée par le parti du président sortant R.T. Erdogan.

PUBLICITÉ

Au terme d'une nuit d'espoir et d'inquiétude, le verdict est finalement tombé dimanche soir en Turquie : le président conservateur sortant, Recep Tayyip Erdogan, et son principal adversaire de gauche, Kemal Kiliçdaroglu, devront donc s'affronter lors d'un second tour après avoir échoué à obtenir 50 % des voix.

"C'est une grande défaite pour l'opposition. C'est [même] une énorme défaite pour l'opposition", a déclaré l'économiste Arda Tunca à Euronews. "Il y a beaucoup de problèmes économiques en Turquie. C'étaitle point faible du régime d'Erdogan. Cependant, l'opposition n'est pas [sortie]_ gagnante de l'élection"_, a-t-il souligné.

Les sondages d'opinion donnaient pourtant à Kemal Kiliçdaroglu une légère avance sur le président sortant qui a dirigé la Turquie en tant que premier ministre puis président depuis 2003.

Mais si la forte participation au scrutin a sans doute pesé en faveur du "reis", sa courte victoire s'explique aussi par d'autres facteurs. Et notamment par le fait que les médias turcs soient dominés par des organes pro-gouvernementaux.

Nombreux sont d'ailleurs les commentateurs à avoir dénoncé le manque d'informations fiables et les conditions inéquitables pour les partis et les différents candidats.

"Il n'y avait pas de médias libres, pas de système judiciaire indépendant. Les ressources de l'État ont été utilisées en faveur du président sortant, [le] système électoral est fréquemment modifié et si vous prenez en compte tous ces éléments, vous pouvez comprendre un peu mieux pourquoi les sondages n'ont pas nécessairement été aussi affirmatifs lors des élections en Turquie", explique Ilke Toygur, professeur de géopolitique européenne à l'université Carlos III de Madrid.

"Les Turcs n'ont accès à aucune information fiable, c'est clair", a déclaré Arda Tunca. "Il est très difficile de lutter contre un gouvernement qui contrôle 90 % des médias. Il n'y a pas de séparation des pouvoirs."

Une crise d'identité pour la Turquie

En attendant les résultats du second tour, les dirigeants occidentaux retiennent leur souffle face à une élection qui risque d'impacter fortement les relations internationales.

Kemal Kiliçdaroğlu a ainsi promis de rétablir des liens plus constructifs avec ses alliés de l'OTAN, qui, sous Erdogan, se sont passablement envenimées.

Avec l'UE aussi, les relations pourraient se réchauffer si le rival du "reis" devait finalement l'emporter. 

En 2018, l'UE a gelé les négociations d'adhésion de la Turquie en réponse à ce que les dirigeants européens ont qualifié de "recul de l'État de droit et des droits fondamentaux".

Pour l'économiste Arda Tunca, "la Turquie se détache de l'Occident, bien qu'elle soit spirituellement membre de l'OTAN, mais la Turquie ne fait plus partie de l'OTAN.La Turquie est alignée sur la Russie, la Chine et d'autres pays de l'Est. Mais je ne vois pas en quoi la Turquie fait désormais partie du monde occidental, ou même essaie de faire partie du monde occidental", explique le chercheur. "Il s'agit donc également d'une crise d'identité pour la Turquie."

Ilke Toygur n'est guère plus optimiste : _"Si Erdogan gagne, je pense que la Turquie entrera définitivement dans la catégorie des puissances moyennes, généralement amicales et imprévisibles, et pas nécessairement dans celle des alliés traditionnels où les relations transactionnelles dominent".Si l'opposition gagne, elle a encore beaucoup de promesses de démocratisation, d'institutionnalisation et de reconquête de la vocation occidentale du pays, mais ce ne sera pas nécessairement très facile si le parlement reste sous le contrôle du gouvernement de l'AKP."_

Au-delà des questions de politiques étrangères, la Turquie est actuellement traversée par de puissants vents contraires, sur le plan économique notamment. Le pays a été durement touché par une inflation record (44% selon les chiffres officiels) qui a appauvri une partie de la population. 

Le séisme dévastateur du mois de février dernier, qui a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, aura lui aussi un énorme impact sur l'économie turque. Autant de défis à relever pour le futur président de la Turquie. Début de réponse le 28 mai prochain, au soir sur second tour de la présidentielle.

Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

Les Turcs de l'étranger finissent de voter pour le second tour de l'élection présidentielle

Présidentielle turque : les électeurs de l'étranger ont commencé à voter

En Turquie, des élections municipales aux enjeux nationaux