Quelles solutions face à l'ampleur du harcèlement à l’école et en ligne ?

La mère et le beau-père de Lindsay, adolescente de 13 ans qui s'est suicidée le 12 mai 2023 après avoir subi plusieurs mois de harcèlement scolaire et en ligne.
La mère et le beau-père de Lindsay, adolescente de 13 ans qui s'est suicidée le 12 mai 2023 après avoir subi plusieurs mois de harcèlement scolaire et en ligne. Tous droits réservés DENIS CHARLET/AFP
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Par Laurence Alexandrowicz
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Le récent suicide d'une collégienne française de 13 ans a relancé le débat sur le harcèlement dont sont victimes les ados. A l’école ou en ligne, des solutions existent pour les protéger, mais trop peu sont réellement mises en place.

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Tous les collégiens de France ont eu droit la semaine dernière à une heure de sensibilisation sur le cyberharcèlement. Pour comprendre le danger des réseaux sociaux, comment ils peuvent détruire la vie de quelqu'un. Jusqu'au pire.

Le 12 mai dernier, Lindsay Gervois a mis fin à ses jours. Elle avait 13 ans. Dans son collège de Vendin-Le-Vieil, elle était victime de harcèlement depuis huit mois. Chez les jeunes, le suicide est souvent lié au harcèlement scolaire. Les tentatives de suicide et les pensées suicidaires sont plus élevées chez les victimes de harcèlement scolaire (12 % et 36 %) que chez l'ensemble de la population (9 % et 27 %).

Face à l'émotion, le gouvernement a annoncé que la lutte contre le harcèlement serait la "priorité absolue" de la rentrée 2023.

Depuis 10 ans, Nora Tirane-Fraisse se bat contre le harcèlement scolaire. Marion sa fille s'est pendue à 13 ans, le 13 février 2013. Nora est la fondatrice et la déléguée générale de l’association Marion La Main Tendue. Inlassablement, elle intervient dans les écoles, a créé deux "Maisons de Marion" dans la région parisienne.

En 2022, elle a reçu plus de 8300 sollicitations. Dans toute la France, elle a effectué près de 230 interventions dans les établissements scolaires, rencontré 15 000 enfants et adolescents. Selon Nora, le calvaire de Marion a commencé dans les petites classes, et c'est dès ce moment là qu'il faut éduquer les enfants.

"Pour Marion, en effet, c'est arrivé à treize ans, raconte-t-elle. Mais comme je le dis en remontant la ficelle, c'est toutes ses petites railleries, moqueries et mises à l'écart que l'enfant minimise et que nous, adultes, on a minimisé. Mais je voyais bien qu'elle n'était pas invitée, qu'elle était à part."

"Où ça a vraiment basculé, c'est quand l'adulte référent de l'établissement n'était plus là, poursuit Nora. J'avais beau intervenir en tant que représentante des parents d'élèves, la rassurer, à un moment l'enfant arrête : "J'arrête, j'arrête de jouer. Ce n'est pas drôle. Je ne vais plus à l'école où je dénonce les faits et on ne prend pas en compte". Et voilà, c'est ce qui s'est passé entre le 12 et le 13 février."

Pour Jean Pierre Bellon, philosophe et directeur du Centre RESIS, qui forme des professionnels depuis une vingtaine d'années, il faut accueillir à la victime mais aussi travailler avec les harceleurs.

"On réindividualise les élèves, on les arrache à l'effet de groupe, on cherche à les impliquer dans la résolution du problème, et ça ne veut pas dire qu'il faut pas sanctionner dans certains cas, explique-t-il. On refait des rôles : "Je suis inquiet pour ton camarade, là, il ne va pas bien. Qui peut me dire, qu'est ce qu'on pourrait faire ?"

En 2022 la loi française intègre un délit de harcèlement scolaire. Le harcèlement scolaire peut aller jusqu'à 10 ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende lorsque les faits ont conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider.

L'Espagne, pays fortement touché

Contre le cyberharcèlement, la Commission européenne est depuis 2008 à l'initiative du programme européen Better Internet For Kids, aujourd’hui déployé dans 31 pays.

En Espagne, l'association AEPAE lutte contre le harcèlement à l'école. L'Espagne est l'un des pays européens les plus touchés par ce phénomène, avec plus de 11 000 cas graves détectés entre janvier 2021 et février 2022, et de nombreux suicides. Enrique Perez-Carrillo, le président de l'AEPAE regrette que ce sujet soit souvent minimisé dans les écoles.

"L'année dernière, a été introduite la figure du coordinateur, qui est un enseignant de l'école elle-même, dit-il. Nous, à l'AEPAE, nous disons que cette intervention doit être externe parce que l'école n'est pas impartiale. L'école, par défaut, ne prend pas le parti de la victime, mais minimise plutôt le problème pour le rendre invisible afin qu'il n'affecte pas le prestige de l'établissement."

Le harcèlement scolaire est un fléau mondial : près de 130 millions d’élèves âgés de 13 à 15 ans dans le monde (soit un peu plus d’un sur trois) sont victimes de harcèlement scolaire, selon le site internet Atlasocio.

En France, les mineurs victimes de cyberharcèlement peuvent composer le3018. 7j/7, de 09h00 a 23h00, une équipe dédiée composée de psychologues, juristes et spécialistes des outils numériques, est là****pour les conseiller et intervenir, notamment auprès des réseaux sociaux, pour faire supprimer un contenu en quelques heures.

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