La démocratie est-elle en voie d'extinction ?

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Par Michela Morsa (adapté de l'anglais)
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Cet article a été initialement publié en italien

Si les experts interrogés par euronews semblent plutôt rassurants sur l'avenir de la démocratie, un récent sondage indique que plus d'un tiers des 18-35 ans semblent favorables à un régime militaire ou à un dirigeant autoritaire.

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Alors qu'est célébrée ce vendredi 15 septembre la journée internationale de la démocratie, un sondage, commandé l'Open Society Foundation, soulève beaucoup de questions.

Au total, plus de 36 000 personnes dans 30 pays ont été interrogées pour connaître leurs opinions et leurs sentiments sur les droits de l'homme et la démocratie notamment.

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Les pays concernés par le sondageOpen society foundations

Première conclusion de ce sondage, plutôt rassurante pour les démocrates : le concept de démocratie reste largement populaire dans toutes les régions du monde. 86 % des personnes interrogées déclarent en effet préférer vivre dans un État démocratique et 62 % estiment que la démocratie est la meilleure forme de gouvernement possible (83% en France contre 65% en Russie).

Globalement, seuls 20 % des personnes interrogées pensent que les États autoritaires sont plus à même de satisfaire les demandes des citoyens et que ces régimes sont plus efficaces pour traiter les grandes questions qui se posent sur le plan national et international.

Mais dans le détail, cet engouement pour la démocratie s'estompe nettement, surtout chez les 18-35 ans.

Si nous examinons les données ventilées par groupe d'âge, le pourcentage de citoyens qui considèrent la démocratie comme la meilleure forme de gouvernement possible tombe à 55 % chez les plus jeunes, alors qu'il est de 61,4 % chez les 35-55 ans et de 69 % chez les plus de 56 ans.

En outre, 42 % des 18-35 ans pensent qu'un régime militaire est un bon moyen de gouverner un pays et 35 % de disent favorables à un dirigeant "fort" qui se passe d'élections et de parlement. 

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Données ventilées par âge sur les questions relatives aux régimes autoritairesOpen society foundations

Qu'est-ce que cela signifie pour la démocratie ?

"Il est vraiment inquiétant de constater que le soutien le plus faible se trouve dans le groupe le plus jeune, les 18-35 ans, car nous avons aujourd'hui la plus grande génération de jeunes. La moitié de la population mondiale a moins de 30 ans", déclare Natalie Samarasinghe, directrice de la promotion des droits à l'Open Society Foundation.

Mais, ajoute-t-elle, le contexte est important. "Il s'agit d'une combinaison de facteurs. Nous sommes face à une génération qui a subi une série de chocs: crises économiques, changements climatiques, et il est plus que prouvé que les États autoritaires n'ont pas bien géré ces crises, tout comme les démocraties. Lorsque vous grandissez dans une ère d'instabilité et de crise, vous n'avez guère confiance dans les hommes politiques. Je pense donc que cela se traduit par un scepticisme à l'égard du système dans son ensemble".

Au sentiment que la politique n'a pas su faire face aux crises majeures de ces dernières années, s'ajoute l'impression "d'être moins bien lotis" que leurs parents en termes de conditions socio-économiques et, enfin, le manque de représentation : "combien de jeunes ont l'impression d'avoir leur mot à dire dans la démocratie alors que les questions pour lesquelles ils se battent ne sont jamais en tête de l'agenda ?" souligne Natalie Samarasinghe.

Cette désaffection pour la démocratie découle donc d'un décalage général et continu entre ce que les citoyens demandent et ce qui est ensuite effectivement fourni par la classe politique. En moyenne, environ un tiers des personnes interrogées ne font pas confiance aux hommes politiques pour travailler dans leur intérêt et s'attaquer aux problèmes qui leur tiennent à cœur. Il s'agit principalement de la pauvreté, des inégalités et des droits de l'homme, du changement climatique et de la corruption.

La responsabilité des autres générations

Gianfranco Pasquino, professeur émérite de sciences politiques, partage l'avis de M. Samarasinghe non seulement sur les difficultés socio-économiques qui ont marqué les dernières générations, mais aussi sur la responsabilité de la classe politique. "Les partis sont devenus des structures inadaptées. Les partis enseignent la démocratie, la pratiquent et montrent comment la pratiquer. Un grand politologue américain a écrit un livre au début des années 1940 dans lequel il dit que les partis naissent avec la démocratie et que la démocratie naît avec les partis. Par conséquent, la démocratie meurt si les partis meurent et prospère si les partis se rétablissent. Mais je ne vois pas cet effort de la part des hommes politiques", explique Gianfranco Pasquino.

Toutefois, l'enseignant attribue également une partie de la responsabilité de la désaffection des jeunes pour le système démocratique aux générations plus âgées, qui sont de plus en plus favorables à la démocratie. Parmi les plus de 56 ans interrogés, les régimes les plus autoritaires ne sont pas particulièrement populaires : seuls 20 % sont ouverts à un État militaire et 26 % à un dirigeant fort.

Une différence considérable avec les plus jeunes, mais qui s'explique facilement selon Pasquino : "Tout simplement, beaucoup d'entre eux ont vécu une partie de leur vie sous un régime autoritaire et savent qu'ils ne voudraient jamais revenir en arrière. Au contraire, ils ont eu des expériences positives, ou du moins meilleures, avec la démocratie que les jeunes. Mais il aurait été préférable qu'ils transmettent ces informations, ces sentiments et ces émotions à leurs enfants. Peut-être ne l'ont-ils pas assez fait".

La démocratie est-elle en voie d'extinction ?

Que nous apprennent donc ces données sur la santé et surtout l'avenir de la démocratie ? Le système démocratique risque-t-il vraiment de s'éteindre progressivement ? Aucun des deux experts n'y voit la moindre possibilité.

"Les démocraties continuent d'apparaître et celles qui sont établies ne sont jamais tombées. Il est faux de dire qu'il y a une crise de la démocratie, il y a des problèmes de fonctionnement dans certaines démocraties, par exemple en Hongrie, en Pologne, mais la démocratie n'est pas en crise", affirme le professeur Pasquino.

Natalie Samarasinghe va encore plus loin : "La tendance a toujours été et sera toujours vers plus de liberté. Et je pense que cette enquête montre également que ce désir existe. Seulement, les gens constatent aujourd'hui un décalage entre ce désir et leur vie. Mais je ne pense pas que leur solution soit de se tourner vers un système autoritaire. C'est peut-être une solution à court terme, mais pas à long terme. Les valeurs auxquelles les gens sont personnellement attachés, y compris les droits de l'homme, sont si profondément enracinées, même dans les pays qui ont actuellement des gouvernements plus autoritaires**,** qu'il est impossible qu'elles disparaissent."

La préoccupation est plutôt autre : "je pense que les dirigeants politiques, nationaux et internationaux, doivent garder à l'esprit les conséquences de l'inaction. Il ne s'agit pas simplement de dire : 'OK, nous ne voulons pas abandonner la production de charbon maintenant parce que nous avons cette industrie dans le lobby et que nous pourrions perdre les prochaines élections. C'est tout le système qui est en jeu".

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